Qui peut bien être cette belle jeune femme qui se promenait le long du grillage du camp ? En tout cas, son sourire redonna gout à la vie au matricule 420, lui qui n’avait plus aucune raison d’espérer. Mais sera-t-elle de nouveau là demain ? De toute façon, sera-t-il encore vivant demain ? Certes il y a cette prisonnière en charge des taches importantes de catégorie 3 qui semble s’intéresser à lui. Pouruoi ? Il n’en sait rien et puis elle est si énervante à parler tout le temps. Mais au moins, elle ne cherche pas à le piéger comme Shazna. En fait, ce dernier cherche à piéger tout le monde, surtout les plus faibles. Facile quand on est un privilégié, dans les petits papiers des matons. Il a en plus le droit de désigner un futur locataire de la salle de repos. Pourtant, un nouveau va se lever et le défier devant tout le monde. Un suicidaire qui n’a pas encore compris qu’ici, on respecte les règles ou on meurt. Mais et s’il avait raison ? S’ils devaient refuser de perdre toute dignité en obéissant à ce lâche de Shazna... Ouais, encore un fou...

“Prisoner & Paper Plane” est un manga tiré du roman de Nekoromin@ShunjinP, mis en images par Saki Akamura. Pour comprendre l’état d’esprit du scénariste, il suffit de reprendre cette phrase qu’il nous livre en fin de tome : « pour que ce manga soit publié, le sacrifice de ce garçon [matricule 420] était indispensable ». Le mangaka nous entraîne dans une nouvelle sorte de camp de concentration, où une race entière est destinée à l’extermination. Le rapprochement avec les camps de la mort nazi est immédiat, accentué par les uniformes noirs des matons, dignes des Waffen SS. Nous suivons le matricule 420, un jeune homme désabusé qui tente uniquement de survivre au jour le jour comme ses camarades de cellule. Le rythme de leur journée est réglé comme du papier à musique, avec au réveil, la dénociation des fainéants ou de ceux que le capot décide de sacrifier pour la salle de repos. On ignore ce que cache cette salle, mais si des lit s’y trouvent, ils servent certainement de lit de torture.
Les prisonniers sont tous représentés sales, couverts de blessures et de meurtrissures. Seul Shazna échappe à cette dépréciation, étant toujours représenté bien propre sur lui, pour montrer sa différence avec les autres. Le mangaka va alors prendre un malin plaisir à torturer aussi bien mentalement que physiquement ces prisonniers. Chaque espoir qu’il laissera pointer à l’horizon leur sera brutalement retiré. les exécutions sommaires seront le pain quotidien des sacrifiés. C’est alors qu’apparaît la mystérieuse jeune femme qui va bouleverser la vie du matricule 420. Toutefois, le lecteur se demande parfois si elle ne joue pas également un jeu vicieux avec le jeune prisonnier. Qui est-elle ? Pourquoi vient-elle au pied des grillages et surtout pourquoi en a-t-elle le droit ? Cett dernière ne prononcant pas un seul mot, le mystère demeure sur ses intentions envers le matricule 420.
Les personnages secondaires ponctuent très intelligemment ce monde carcéral singulier. Deux personnages représentent quelque part les deux faces de ce monde : Shazna, le capot, le pourri à la solde de l’ennemi qui ne pense qu’à provoquer la mort de ses frères de sang pour sauver sa peau, et Mayka, cette prisonnière qui, sous ses airs un peu exaspérants, aide 420 à tenir bon et va le soutenir dans sa romance folle avec l’inconnue derrière le grillage. Plus que le bien et le mal, ils incarnent l’espoir et le désespoir, le symbole de cette vie que subissent les prisonniers. Le lecteur est immergé grace à l’atmosphère créée par Saki Akamura, qui parvient à ne pas rendre la violence insoutenable visuellement mais jouant plus sur une insoutenabilité psychologique. Cela lui permet de passer de l’espoir au désespoir avec brutalité tout en restant réaliste.
“Prisoner & Paper Plane” est un manga surprenant, pouvant paraitre dérangeant, mais c’est surtout une histoire très humaine, une humanité source à la fois de sa propre destruction et de tant d’espérance.
Prisoner & Paper Plane (T1)
Scénario : Nekoromin@ShujinP
Dessin : Saki Akamura
Traducteur : Jean-Benoit Sylvestre
Éditeur français : Komikku éditions
Format : 13 x 18 cm
Pagination : 176 pages
Date de parution : 26 février 2015
Numéro IBSN : 9782372870009
Prix : 7,90 €
© SAKI AKAMURA / NEKOROMIN@SHUJINP 2013
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