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Requiem pour Sascha, tome 1 : Lacrimosa
Alice Scarling
Milady, Bit-lit, roman (France), bit-lit hot, 306 pages, mai 2014, 7,10€

Sascha n’a pas une vie facile. Abandonnée à la naissance. Élevée dans un couvent. Seule survivante de l’attaque du couvent par des vampires. Détentrice du pouvoir de posséder le corps d’autres gens par simple contact.

Contre ceux qui ont assassiné sa mère adoptive et les autres sœurs, Sascha se lance dans une vengeance froide. Son pouvoir lui permet d’entrer dans le corps des gens, d’en prendre le contrôle. Les vampires également, le temps de les tuer.

Pour vivre, elle prend possession d’hommes qu’elle séduit et dépouille avant de les laisser, un peu désorientés.

Son pouvoir n’a qu’un défaut : il la laisse affamée de sexe. Mais le sexe, c’est du contact, et si elle ne se contrôle pas, elle prend possession de son partenaire. Si cela ne la gêne pas pour un inconnu, c’est une expérience qu’elle ne veut pas infliger à Nicolas, son colocataire/guitariste de son groupe de metal/meilleur ami/amour impossible. Nicolas, qui supporte de moins en moins de la voir s’envoyer en l’air avec n’importe qui, qui ne comprend pas ce qu’elle ne veut pas lui expliquer tant c’est incroyable.

Bref, c’est compliqué.

Un soir, tandis que leur groupe fait de la promo pour leur prochain concert, Sascha croise Raphaël, au charme magnétique typique des vampires. Elle le suit, mais échoue lamentablement à le posséder. Loin d’être un démon, le bellâtre aux nombreux secrets les chasse également. Mi-séduite mi-soulagée de rencontrer quelqu’un d’aussi bizarre qu’elle, elle vide son sac. Et Raphael de lui proposer une association contre Lazarus, le Grand maître vampire responsable du massacre du couvent...



Peut-on faire un bon roman avec des gros sabots et du premier degré ? Oui. Même si qualifier ainsi « Lacrimosa » ne rend pas du tout honneur à la prose d’Alice Scarling. Je m’explique.

La bit-lit, née aux USA, n’est pas forcément un genre très intellectuel. Mais les Français(es) font plus que de leur mieux pour relever le niveau. Si le récent roman de Jeanne-A Debats « L’Héritière » remporte tous mes suffrages par sa densité et sa profondeur, « Lacrimosa » joue la carte inverse de l’excès absolu et totalement assumé.

L’héroïne cumule sur tous les tableaux. Son pouvoir est puissant mais à double tranchant, puisqu’il laisse son corps sans défense pendant la possession, puis la rend affamée de sexe ensuite. Physiquement c’est une déesse, car au look de chanteuse metal sexy, s’ajoute l’archétype de la vierge sortant du couvent mélangée à la fille facile et nympho qui se tape tout ce qui bouge.

Sentimentalement c’est plus compliqué, et dès les premières pages, expliqué de manière limpide par une narration à la première personne, on réalise qu’il y a une personne derrière ce personnage. C’est là que je salue une première fois le talent d’Alice Scarling : par la complexité de sa vie sentimentale, on arrête immédiatement de voir Sascha comme une poupée de fantasmes, mais comme une jeune fille brisée. Impossible pour elle d’aimer, sincèrement, sans révéler sa nature, que pas un mec (même Nicolas ?) ne comprendrait. Hanté par des cauchemars, elle est contrainte d’user de son pouvoir, de s’épuiser, et donc d’en subir les effets néfastes. Donc, d’aller chercher ce soulagement, d’apaiser cette faim ailleurs. Plus que de la prostitution, cela relève de la maladie, et de la souffrance. A laquelle s’ajoute la souffrance morale du regard que les autres portent sur elle.

L’histoire, ensuite, n’est certes pas nouvelle, mais là aussi un certain cumul fait sortir des clichés des sentiers battus. Les noms des personnages, Raphael et Lazarus, ainsi que leurs capacités et leurs stigmates, mettront rapidement la puce à l’oreille. Il est cependant intéressant que les choses ne se passent pas comme prévu (enfin, surtout à la fin du plan, sinon c’est pas drôle).
Le passage où Sascha et Raphael sont coincés dans le corps de l’autre est d’abord hilarant, ses conséquences permettent quelques réflexions sur la perception du corps, de soi, de l’autre.
En fin de tome, la révélation finale sur l’ascendance de Sascha, tant elle est énorme, est très bien traitée, par l’héroïne elle-même, de façon rationnelle.

Mais bon... ce que vous voulez, surtout, c’est du sexe... petits coquins ! Eh bien Alice Scarling vous en donnera pour vos 7,10 €. Pas de censure, pas d’ellipse, tout est bien décrit, corps, gestes, actions, positions. Entre la débauche contrainte de Sascha, ses quelques tentatives de bonheur avorté avec Nicolas, et sa libération dans les bras de Raphael, n’espérez pas une adaptation ciné, ça ne passera pas le CSA... Mais au moins, cela a le mérite de ne pas édulcorer la puissance de la passion et des actes des personnages. Bon, certains esprits chagrins diront surtout qu’elle à le feu au c... et que les mecs, Raphael le sculptural en tête, ont le don de se balader à moitié nu devant son nez, aussi... Mais la transition d’un sexe-contrainte ou sexe-restreint à un sexe-épanouissement est très bien traduit en mots, et tandis que sur certains points de l’intrigue les choses vont de mal en pis, c’est une petite récompense pour Sascha que de pouvoir éprouver un peu de vrai bonheur.

Des personnages un peu creusés, des rebondissements intéressants dans une intrigue qui paraissait basique, une écriture fluide, « Lacrimosa » entre dans la case des bons divertissements qui font un petit peu réfléchir. C’est juste que tous les paragraphes ne sont pas lisibles à haute voix (sauf pendant la soirée « quand les enfants sont couchés » des Imaginales).
Dans un objectif purement critique je vais donc lire la suite, « Dies Irae » et « Agnus Dei » qui vient de sortir, sans déplaisir aucun.


Titre : Lacrimosa
Série : Requiem pour Sascha, tome 1/3
Auteur : Alice Scarling
Couverture : Anne-Claire Payet / iStockphoto
Éditeur : Milady
Collection : Bit-lit
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 306
Format (en cm) : 18 x 11 x 2
Dépôt légal : mai 2014
ISBN : 9782811212063
Prix : 7,10 €


Requiem pour Sascha
- Lacrimosa
- Dies Irae
- Agnus Dei


Nicolas Soffray
17 janvier 2015


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