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Fatale
Manchette, Headline & Cabanes
Dupuis

Sous l’identité d’Aimée Joubert, une belle femme arrive dans la ville portuaire de Bléville. Elle ne tarde pas à s’intégrer dans la haute société du coin, à assister aux cocktails, parties de bridge, toujours à l’affût des potins.
Entre la femme du riche industriel qui trompe son mari, les patrons de la poissonnerie qui n’hésitent pas à refourguer de la marchandise avariée, les décès suspects... les histoires louches ne manquent pas. Aimée se trouve en territoire connu.



Jean-Patrick Manchette est un écrivain de polars, né le 19 décembre 1942 à Marseille et mort le 3 juin 1995 à Paris. Son roman « Fatale » est paru en 1977 chez Gallimard. Sa dernière réédition date de 1998 chez Folio Policier. Doug Headline et Max Cabanes nous offrent l’adaptation de ce roman noir en une bande dessinée de plus de 130 pages.
Après « La princesse du sang », il s’agit de la seconde adaptation d’un roman de Manchette par cette équipe.

Autant l’histoire est sombre et glauque avec les travers de la bonne société exposée à la vue de tous, autant l’héroïne à l’identité multiple est lumineuse. Son arrivée à Bléville apporte une touche de fraîcheur à cette ville. Sa beauté attire de suite les gens influents, elle sait se mettre en valeur pour capter l’attention. Rien de mieux que s’intégrer dans le milieu pour en soulever la boue.
Aimée n’est pas la belle et frêle femme qu’elle paraît, elle est bien plus que cela, elle est dangereuse, c’est une tueuse, qui n’a pourtant pas abandonné toute humanité comme en atteste la fin.

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Les lecteurs peuvent à loisir admirer la plastique d’Aimée, volontiers exposée nue lors de plusieurs scènes. La première est étonnante, je la qualifierais même de gratuite avec Aimée se gavant de choucroute ! Il y a plus une volonté d’interpeller le lecteur que d’apporter réellement quelque chose. Dans les cases off des mêmes planches, l’écriture a de quoi faire grincer des dents. « Dans le compartiment de luxe du train de luxe, elle avait dans les narines à la fois l’odeur luxueuse du champagne et le parfum sale des billets sales et l’odeur sale de la choucroute... ». On peut légitimement penser que ce sont des passages du roman, en tout cas, cette prose maladroite et des plus pénibles aurait pu largement nous être épargné. Dans cette adaptation, certains partis pris s’avèrent donc discutables.
Ces passages du roman relèvent pourtant de la bonne idée, me semblent même normal, surtout qu’ils éclairent certains passages, mais encore fallait-il les choisir avec soin, car la phrase ci-dessus ne me donne pas envie de lire du Manchette, alors que l’histoire dans son ensemble est très prenante.

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Dans cette histoire située dans les années 70, Jean-Patrick Manchette se plaît à soulever le voile de la bonne société, celle des apparences, montrer ce que la bourgeoisie peut cacher comme sombres secrets. Aimée représente le levier censé nous les montrer. Elle a déjà un lourd passé, mais au fil du récit, elle a tendance à devenir une souris livrée en pâture à un groupe de chats, prêt à tout pour ne pas perdre ses privilèges.
La conclusion est particulièrement palpitante avec une montée dans l’horreur. Le qualificatif de noir prend ici tout son sens. Au début, on était loin d’imaginer la suite des événements qu’allait provoquer l’irruption d’Aimée dans ce milieu gangrené. Si elle peut montrer de la faiblesse envers les victimes collatérales, elle n’éprouve aucune pitié pour les pourris.

Le dessin de Max Cabanes met bien en valeur l’histoire, il est superbe. Aimée est magnifiée, les décors sont bien plantés. La gravité du récit est bien traduite, certaines cases sont oppressantes à souhait. L’utilisation occasionnelle de traits obliques est du meilleur effet et donne même une touche de nervosité. Graphiquement, on reçoit une belle claque. Scénaristiquement, il en est de même. Ouvrir « Fatale », c’est abandonner tout espoir, cela revient à plonger dans la noirceur humaine. L’héroïne est belle, la plongée n’en est que donc meilleure.

Mis à part quelques bémols dans le choix des passages du roman, « Fatale » s’avère de toute beauté. Il s’agit là d’une adaptation BD à couper le souffle, car elle nous flanque un bon uppercut à l’estomac, aussi bien par son dessin que par son histoire des plus noires.


Fatale
- Scénario : Jean-Patrick Manchette
- Adaptation : Doug Headline
- Dessin : Max Cabanes
- Éditeur : Dupuis
- Collection : Aire Libre
- Dépôt légal : 5 septembre 2014
- Format : 23 x 30,2 cm
- Pagination : 136 pages couleurs
- Numéro ISBN : 978-2-8001-5250-9
- Prix public : 22 €


© Dupuis, succession Jean-Patrick Manchette, Headline & Cabanes - Tous droits réservés




François Schnebelen
19 décembre 2014




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