Chargement...
YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Prédictions
Johan Héliot
Rageot, Thriller, roman (France), techno-thriller, 233 pages, octobre 2014, 9,90€

USA, avenir proche. En randonnée, les jumeaux Théo et Véra tombent sur deux cadavres et un mystérieux smartphone en panne. A leur retour à la maison, celle-ci prend feu. Tandis que leur père est emmené à l’hôpital, le véhicule des jumeaux est attaqué par des types en van noir, vite abattus par un agent de la NSA à moto. Cette dernière, la blonde et sculpturale Crystal Lee, leur explique que ce qu’ils ont pris pour un smartphone est en fait un appareil capable de prédire l’avenir, grâce aux milliards de données d’Internet. Et que toute cette affaire tourne autour d’un lanceur d’alerte, Enigma, que leur père a contacté au sujet du roman de SF qu’il est en train d’écrire, dans lequel un groupe privé utilise ce genre de technologie pour influer le cours du monde.



Bon... voilà... Comment dire ? Je n’aime pas le thriller. J’en lis peu, car ces grosses ficelles toujours identiques m’insupportent vite. J’en apprécie d’autant plus les bons, en roman ou à la télévision, mais le reste se perd dans un flot où se mêlent le moyen et le mauvais.

Et ce premier volume d’« Enigma » est, malheureusement pour moi, le parfait archétype du techno-thriller actuel. Toute-puissance d’Internet, la NSA et ses gros moyens, un groupe privé omnipotent et qui cache ses activités douteuses derrière une façade immaculée, l’agente secrète super sexy, les seconds rôles très cliché (l’informaticien grassouillet, les méchants qu’on dirait clonés, tant ils sont dépersonnalisés...).
Pour le jeune lecteur, néophyte du genre, « Prédictions » n’est pas mauvais, loin de là, mais à employer absolument tous les ingrédients récurrents du genre et les grosses ficelles qui font souvent basculer vers la série B, Johan Héliot a du talent et sait mener son histoire tambour battant, mais il marche sur la corde raide, au risque de perdre assez vite l’intérêt de lecteurs plus confirmés, lorsque le “seuil personnel de clichés acceptables” aura été atteint.

La situation initiale n’est pas mauvaise : une macabre découverte par des faux jumeaux, deux cadavres aux tenues incongrues et un mystérieux appareil.
Mais voilà, Théo et Véra sont de parfaits opposés. Déjà, c’est presque trop. Un geek scolaire contre un garçon manqué. Théo fait la tête et Véra les muscles. Dans la narration qui alterne entre les deux, Héliot tente d’imposer un style différent (la réflexion côté Théo, l’action pour Véra) mais sans y parvenir aussi bien qu’Olivier Gay dans « Le Noir est ma Couleur », par exemple (chez Rageot également). Le lien gémellaire qui les unit, un peu trop souvent forcé pour lier un chapitre à l’autre, tend à donner un côté mystique superflu et hors de propos à cette histoire.
La bonne idée tient à cet Oracle : un gadget, derrière lequel des supercalculateurs travaillent en filtrant et analysant tout Internet. On pose une question, et l’appareil répond via un pourcentage de probabilité.

C’est là-dedans qu’on trouve la vraie valeur de « Prédictions », emballée sous des atours de thriller un peu trop facile, et quelques raccourcis : Internet et son flot incommensurable de données est la source ultime d’information(s), et la capacité de les trier donne un pouvoir à sa mesure. Pouvoir entre les mains de BEST, un consortium pas forcément joli-joli déjà apparu dans les deux précédents romans de l’auteur dans la collection. Ou comment la pire politique capitaliste peut se parer des plus grandes vertus. Parce que même les bonnes actions peuvent rapporter gros. Il suffit d’être le premier arrivé. D’où leur intérêt pour l’Oracle.

L’autre sujet de « Prédictions » est le lanceur d’alerte : un anonyme, souvent pirate informatique ou affilié, qui révèle au grand public des affaires sombres, preuves à l’appui. Julian Assange et Wikileaks, Edward Snowden et les écoutes de la NSA, pour ne citer que les plus connus. Le souci dans ce roman, c’est que le rôle d’Enigma, la source de la NSA sur les activités de BEST, n’apparaît pas tant comme un lanceur d’alerte que comme un pirate, puisqu’il va même jusqu’à faire chanter la NSA en menaçant de diffuser le contenu de leurs serveurs si on ne lui obéit pas. On comprendra pourquoi lorsque son identité sera révélée (là aussi, une grosse ficelle de thriller, hélas, que je tairai donc).
Le lanceur d’alerte est presque une fausse bonne idée dans un thriller, comme l’ont justement montré les affaires cités plus haut : ce qui pourrait relever du thriller, c’est la vie de ces lanceurs une fois l’affaire révélée. Assange et Snowden sont des fugitifs, obligés de se cacher.
« Prédictions », premier tome de la trilogie « Enigma », s’achevant presque sur un happy end (la famille est réuni et les méchants hors circuit), je ne suis pas en mesure de vous dire si c’est ce qui se profile pour la suite.

Bref, un roman un peu facile, très représentatif des qualités et des excès du thriller, qui satisfera sans doute les plus jeunes lecteurs, mais qui tombera des mains des ados avec un poil de sens critique.


Titre : Prédictions
Série : Enigma, 1/3
Auteur : Johan Heliot
Couverture : ??? / Archangel Images
Éditeur : Rageot
Collection : Thriller
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 233
Format (en cm) : 14 x 21,5 x 2
Dépôt légal : 2014
ISBN : 9782700243208
Prix : 9,90 €



Nicolas Soffray
16 novembre 2014


JPEG - 22.5 ko



Chargement...
WebAnalytics