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Snowblind
Christopher Golden
Bragelonne, L’Ombre, traduit de l’anglais (États-Unis), fantastique, 352 pages, octobre 2014, 23€

Il y a maintenant douze ans, une tempête exceptionnelle a dévasté la petite ville de Coventry. Pertes matérielles, certes, mais aussi dégâts humains considérables. Après la tempête, de nombreuses personnes ont manqué à l’appel. Certains corps ont été retrouvés, d’autres non. Ces disparitions, la police ne les a jamais élucidées. Dans l’esprit de quelques-uns des habitants de Coventry, le doute demeure, y compris dans l’esprit d’un policier en intervention cette nuit-là, sous les yeux duquel, ou presque, un honnête père de famille semble s’être volatilisé. Et quelques enfants ont juré avoir aperçu par la fenêtre des silhouettes étranges. Au fil des années, la bourgade a pansé ses plaies. Mais la tempête revient.



« Snowblind  », au premier coup d’œil, suscite la méfiance. Quatrième de couverture : « La terreur revient en force, et c’est en grande partie grâce à des écrivains comme Christopher Golden. (Georges R.R. Martin) ». Sur la couverture, au-dessus du titre « Ce livre vous glacera les os et le cœur. (Stephen King) » Que de telles déclarations soient strictement publicitaires et contractuelles, la chose est évidente ; que des auteurs ayant amassé des fortunes considérables comme King ou Martin s’adonnent encore à de semblables compromissions n’est pas à leur honneur. Pire encore, il est difficile devant une telle couverture de ne pas songer à cette avalanche de pavés des années quatre-vingts et quatre-vingt-dix estampillés d’une louange de Stephen King… et quasiment tous bons à jeter.

S’il est difficile d’aborder un ouvrage présenté de la sorte sans a priori négatif, il est aussi nécessaire de savoir s’affranchir de cette mercatique pour simples d’esprit pour ne s’intéresser qu’au roman proprement dit. Des ouvrages sus-cités, « Snowblind » comprend indiscutablement quelques défauts, attribuables à l’influence du maître de Bangor et des ateliers d’écriture, à savoir l’étalage ad nauseam de la société américaine, censé donner corps, véracité, toile de fond, réalité propice à installer progressivement cette fissure, cette rupture qui sont les grands ressorts du fantastique. On saura donc tout, absolument tout du passé, des habitudes, de la famille (etc.) des personnages. L’auteur ne se limite pas – même s’il la pratique – à l’application mécanique, et sans art, du paragraphe informatif pour tout nouveau personnage entrant en scène, mais va bien au-delà. Un travers expliquant pourquoi ces gros romans à étiquette « fantastique », dont l’intrigue nourrirait souvent à peine une nouvelle, s’étendent en règle sur plusieurs centaines de pages. Entre les dougnhuts, les séries télé, les histoires de couples, de grands-mères, de chiens, les jeux des enfants et autres tracas domestiques, on a bien du mal à trouver quelque chose qui ressemble à du style, ou tout simplement à de l’imaginaire.

Par bonheur, Christopher Golden parvient à limiter la casse en ce domaine. Le volume, il est vrai, n’excède fort heureusement pas les 350 pages. Après les deux premiers tiers du roman consacrés à mettre en place passé, lieux, et personnages, l’intrigue proprement dite finit par démarrer, et les destins des différents protagonistes par confluer. À travers les parcours d’Ella, propriétaire d’un restaurant, de TJ, son guitariste, de Doug Manning, devenu cambrioleur par nécessité, et qui avait perdu son épouse dans la tempête, du policier Keenan, qui avait perdu sa mère à la même occasion, de Jake, un de ses amis d’enfance, et d’Allie, une institutrice, qui, elle avait vu compagnon disparaître, le roman prend corps, densité, et enfin dynamique.

C’est en effet sous les yeux des ces personnages, et dans la nouvelle tempête qui s’installe, qu’une vérité effarante se dessine. Monstres ou fantômes, revenants maléfiques ou bénéfiques, un peu de tout cela à la fois – pour ne pas gâcher le plaisir du lecteur, nous ne dévoilerons pas ici les détails de l’intrigue. Que l’on sache cependant que Christopher Golden exploite avec astuce les possibilités offertes et par le genre et par la tempête, dans laquelle le lecteur finit par avoir l’impression de se trouver lui-même

Action, révélations, terreur, tous les ressorts du thriller, démultipliés par les possibilités qu’offre l’irruption du fantastique, jouent alors pour un final rythmé. En se resserrant sur l’essentiel, Christopher Golden abandonne la psychologie (de pacotille, de remplissage, d’exposition), qui dès lors s’efface devant des aspects tout simplement humains. L’émotion est là, et convaincante, à travers une série de révélations inattendues et astucieuses. Une belle troisième partie, habile et bien emmenée, jusqu’à l’ambigüité finale, rituelle, entre espoir impossible et redistribution de cartes.

Bilan en demi-teinte donc, mais finalement positif pour ce roman au démarrage difficile qui, dans son dernier tiers, prend sa pleine mesure. Un roman aisé à lire, accessible à tous, qui ne demandera pas au lecteur d’effort excessif – pas d’autre effort si ce n’est, pour se mettre dans l’ambiance, que celui de s’y plonger par un soir obscur et glacial, quand une tempête de belle envergure s’annonce, et que le vent commence à secouer les volets et à gémir dans les cheminées.


Titre : Snowblind (Snowblind, 2014)
Auteur : Christopher Golden
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Benoit Domis
Couverture : Clayton Bastiani / Trevillion Images / Shutterstock
Éditeur : Bragelonne
Collection : L’Ombre
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 352
Format (en cm) : 15,5 x 24 x 2,8
Dépôt légal : octobre 2014
ISBN : 9782352948018
Prix : 23 €



Christopher Golden sur la Yozone :
- La chronique de « Sauvage », coécrit avec Tim Lebbon


Hilaire Alrune
13 novembre 2014


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