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Lockwood & Co., tome 1 : L’Escalier Hurleur
Jonathan Stroud
Albin Michel, Wiz, roman (USA), fantastique, 457 pages, septembre 2014, 15,90€

Lucy Carlyle a rejoint la prestigieuse agence Lockwood. Enfin, future prestigieuse agence... Pour l’instant, ils ne sont que que trois ados pour traquer les fantômes.
Une génération plus tôt, le Problème a été découvert, identifié, catalogué : les esprits reviennent hanter les lieux de leur trépas. Le sel les fait fuir. Le fer les blesse, la lumière également. Et les adolescents les repèrent mieux que les adultes, devenus sourds à leurs Talents avec les années.
Dans cette Angleterre aux accents steampunk, la jeunesse est donc enrôlée dans la chasse aux fantômes !



Après des débuts en province, et une fin tragique, Lucy Carlyle, une Sensible, a cherché un emploi dans une grande agence londonienne. En pure perte. Elle tombe finalement sur Antony Lockwood, un jeune homme mystérieux, et son associé, le bizarre et peu ragoûtant George Cubbins. Dans la maison familiale dont il a hérité, Lockwood a monté son agence, sans Superviseur adulte, à son avis la source principale des accidents. Ce n’est pas Lucy qui le contredira.
Alors qu’ils devaient chasser le fantôme d’un vieillard qui hantait l’escalier de chez lui, après une chute mortelle, Lucy et Lockwood tombe sur un spectre de jeune fille. Plutôt que rebrousser chemin, et en dépit d’un manque d’équipement, ils l’affrontent, déterminer à trouver sa Source, la relique qui la retient. Son cadavre, emmuré dans une ancienne cheminée. Bon, Elle ne se laissent pas faire, et si les deux chasseurs de fantômes s’en tirent, la maison de leur cliente est un peu la proie des flammes...
Cet incendie et la plainte qui suit mettent à mal la réputation et les finances de l’agence des jeunes gens. Et avec cette mauvaise publicité, ce ne sont pas les clients qui vont se bousculer. Arrive alors Mr Fairfax, le fondateur des industries du même nom, qui a fait fortune dans le fer, l’arme principale contre les fantômes. Le vieil homme leur propose d’éponger leurs dettes s’ils parviennent à exorciser sa demeure de campagne, construite sur un ancien monastère dont les moines ont été assassinés quelques siècles plus tôt. Trente ans plus tôt, l’équipe de la meilleure agence de Londres a échoué, et les agents ont péri durant la nuit.
Au pied du mur, Lockwood et ses amis acceptent. Même s’ils suspectent que leur client ne leur dit pas tout, loin de là. Et si, comme le soupçonne Lucy, les deux affaires étaient liées ?

Après le succès de la série « Bartiméus », et « Les Héros de la Vallée », fort apprécié, Jonathan Stroud se lance dans la ghost story. Et c’est une réussite, car les scènes de traque de fantômes font froid dans le dos.
Qu’il s’agisse de formes floues ou de personnes reconnaissables, les fantômes sont dangereux : leur contact blesse. Les chasseurs ont donc une panoplie complète pour les repousser et les détruire. Du sel et du fer. Des bombes au magnésium. Des rapières, parfois en argent, symbole public de leur métier.
Mais si Lockwood, et un peu Lucy, fonce un peu tête baissée (avec les conséquences qu’on peut craindre), George, lourdaud un peu bizarre, préfère enquêter dans les archives, retrouver les faits-divers et les meurtres non résolus qui expliqueraient la présence surnaturelle et indiquerait comment la contrer. C’est grâce à cette enquête qu’ils viendront à bout du mystère de la Chambre Rouge et de l’Escalier Hurlant.
Stroud, comme dans un bon film d’horreur (chose rare), fait monter lentement la tension, tandis que la nuit avance. La recherche minutieuse, à l’aide de thermomètres mais aussi des Talents particuliers des ados, nous rapproche, page après page, de l’apparition à la fois tant attendue et redoutée. Et c’est souvent là que les choses dérapent, car l’imprévisible est presque la norme dans ce métier. Et si nos héros résistent à la panique, l’adrénaline gagne vite nos veines tandis que la confrontation devient plus violente, et le risque de mourir bien plus réel.

On a rarement peur pour les héros, le nombre de pages restant garantissant généralement leur survie. Au premier flashback de l’auteur, pour nous expliquer la jeunesse et l’apprentissage de Lucy, on commence à douter. Ce diable d’Anglais est capable de tout.
Comme de redessiner Londres à sa façon. Le Problème a beaucoup influencé le pays, le fer détourné de certaines industries au profit de la lutte contre les revenants.
On baigne dans une ambiance steampunk délicieusement floue, avec une vision de Londres fin XIXe, âge d’or des aventures de Sherlock Holmes et des héros de Dickens. Quelques détails font tiquer, notamment les téléviseurs, les baskets ou l’absence de ce fog typique. Lors de leur enquête sur la jeune femme spectrale, George retrouve des photos dans la presse, vieilles d’un demi-siècle. Bref, l’auteur se garde bien de donner des dates ou de quelconques repères temporels (comme les guerres mondiales), nous situant seulement une soixantaine d’années après l’apparition du Problème, dans un XIXe-XXe divergeant et délicieusement flou à mon goût. Certains y verront un XIXe siècle avec des gadgets, d’autres un XXe nostalgique.

On appréciera également toute la codification de la chasse aux fantômes, les règles qui régissent les agences, etc. L’auteur semble déjà avoir pensé à tout, du monopole de certains marchands sur le matériel indispensable, aux conséquences de cet embrigadement des adolescents Sensibles dans ce métier risqué, des luttes de pouvoir entre agences ou entre chasseurs.

Du frisson, une véritable enquête, un univers apparemment fabuleux aux multiples points obscurs, une narration à la première personne dynamique et une bonne dose d’humour pour briser la tension, tous les ingrédients du succès sont présents. La plume de Stroud rend tout cela excellent, nouant et dénouant l’intrigue avec adresse.

Vivement la suite, The Whispering Skull, qui vient de paraître en langue anglaise.


Titre : L’escalier hurleur (The Screaming Starcase, 2013)
Série : Lockwood & Co., tome 1
Auteur : Jonathan Stroud
Traduction de l’anglais (Grande-Bretagne) : Jean Esch
Couverture : Alessandro « Talexi » Taini
Éditeur : Albin Michel
Collection : Wiz
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 457
Format (en cm) : 21,7 x 14,5 x 3,5
Dépôt légal : septembre 2014
ISBN : 9782226257635
Prix : 15,90 €



Nicolas Soffray
14 octobre 2014


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