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Nouvelles Peaux
Autres histoires extraordinaires
Éditions Luciférines, recueil (France), fantastique, 152 pages, avril 2014, 10€

Né en 1809 à Boston et mort en 1849 à Baltimore, Edgar Allan Poe est un écrivain qui a marqué la littérature et continue de le faire. Il n’est donc pas étonnant que les auteurs cherchent dans son œuvre l’inspiration et que des éditeurs publient à l’occasion des recueils y faisant référence.
Les Éditions Luciférines nous livrent « Nouvelles Peaux », un recueil de 10 textes sous-titré « Autres histoires extraordinaires », ce qui ramène d’emblée à Poe, dont dix auteurs réinterprètent certaines nouvelles.



Si dans certains cas, la référence est limpide, que l’on identifie tout de suite l’original, j’avoue que parfois je suis passé à côté, soit parce que mes lectures datent, soit que le texte n’est pas parmi ses plus marquants, soit que la réinterprétation est si éloignée que la filiation n’est pas évidente.
Quoi qu’il en soit cela n’a rien de gênant à la lecture, cela entretient même un certain mystère qui peut donner envie de se replonger dans les écrits du maître.

Dans ce genre d’exercice, des auteurs s’en sortent mieux que d’autres : imaginaire leur convenant mieux ? Meilleur choix ?...
Après lecture des dix textes, il y en a un qui ne s’oublie pas : “Le masque de la mort lente” de Morgane Caussarieu. Il se rapproche beaucoup de l’original, le titre est d’ailleurs transparent. En lieu et place de la peste, c’est le sida qui fait des ravages dans les rangs homosexuels. Tout est fait pour nous flanquer un bon uppercut et nous sonner pour le compte. Le ton sans aucune complaisance, l’idée de base, les descriptions sans concessions... marquent le lecteur. Ces sept pages à ne surtout pas prendre au premier degré démontrent tout le talent de Morgane Caussarieu et comment il est possible de détourner une nouvelle tout en restant très proche, mais en innovant avec un style coup de poing.

Jean-Charles Flamion a imaginé un truc assez diabolique : des SMS envoyés de son cercueil par un cadavre. Il ne claque pas des dents, mais énerve son meurtrier, désireux de lui voler sa fiancée et qui en devient fou. L’explication que l’on imagine relevant du fantastique ne manque pas de sel, mais l’auteur a oublié un détail : l’autonomie des portables. Une erreur qui n’entache en rien la qualité de “SMS”.

Il paraît que je suis fou” de Quentin Foureau développe une atmosphère très pesante avec un homme parvenant à s’exprimer avec les objets, à échanger avec les pavés des chaussées et qui trouve refuge dans une école désaffectée où il rencontre une jeune fille dont il s’entiche. On nage en pleine folie, dans une imagination débridée qui nous amène très loin dans ses rets. Le partage des pensées de l’homme dérange, il ne nous laisse pas intact. Coup au but !

Autre idée malsaine dans “Ils iront tous à la morgue” d’Unity Eiden avec un autre fou, faisant tout pour attraper la peste et la refiler au monde entier pour qu’il en crève. Le docteur l’interrogeant à la demande de la police ne sait sur quel pied danser, si le patient est sérieux dans ses déclarations. Et si sa mission était réussie ? Unity Eiden instille le malaise avec un doute grandissant, il donne des détails peu ragoutants, propices à alimenter l’horreur. C’est bien fait et prenant.

Jean-Pierre Favard se veut plus intimiste, il nous invite au détour d’une tombe à une conversation surréaliste entre un “Insomniaque” ne trouvant rien de mieux à faire la nuit que de se promener dans un cimetière et une momie. Mais pas n’importe quelle momie, l’auteur s’en explique d’ailleurs : son personnage fait référence au texte de Poe concerné en découvrant qu’il y avait une part de vérité dans ce dernier.
Jean-Pierre Favard se sert de la nouvelle originale pour faire rebondir son récit. Pas de grands effets, mais une pique sur un avenir qui ne s’améliore pas, la faute à la mentalité humaine pas prête de changer.

Jamais plus !” de Bruno Pochesci fait un beau clin d’œil à tout ce que les écrivains doivent à Edgar Allan Poe. Lovecraft y figure en invité de luxe. L’ensemble est bien vu, il s’ouvre sur d’autres œuvres et met directement en scène Poe.

Le point de non-retour” nous plonge dans l’univers de la médecine où il ne vaut mieux pas connaître d’émotions lors d’une autopsie. Un étudiant éprouve un drôle de sentiment en disséquant un cadavre, il désire mettre toute la lumière sur les impressions ressenties, même s’il doit franchir des territoires interdits.
J’ai trouvé que Théo Gwuiver était proche d’Edgar Allan Poe dans la façon de mener cette nouvelle, d’apporter une caution scientifique à la démarche de l’étudiant avant de finir dans le fantastique. Ce qui est très loin d’être un reproche !

John Steelwood sait faire monter la sauce avec un écrivain dérangé par les incessantes sonneries de téléphone du voisin qui ne décroche pas. Et cela dure des heures ! Et si le vieil homme avait passé l’arme à gauche ? Il faut que ça cesse pour qu’il puisse continuer à travailler sur son roman, alors il décide de se rendre chez le voisin. Grosse erreur...
Belle ambiance que celle de “Doppelgänger” qui s’achève de manière convenue mais non moins efficace.

Seules deux nouvelles ne m’ont pas parlé : “Dédale” de Joëlle Cordier, dont je n’ai pas compris la finalité et “La valise” de Pierre Brulhet, une histoire de naufrage à l’issue douteuse et tombant à plat.

Dans la grande majorité, les auteurs se tirent très bien de cet exercice imposé, ils ont su faire référence à l’œuvre d’Edgar Allan Poe en conservant leur voix. Ce recueil nous livre de beaux moments de lecture, il sait instiller le malaise, faire dresser les poils et éveiller bien d’autres sentiments.
Il faut aussi saluer la qualité de l’ouvrage avec une couverture classieuse et les nombreuses illustrations intérieures rehaussant les textes.

Pour commander « Nouvelles Peaux », le site de l’éditeur est tout indiqué.


Titre : Nouvelles Peaux
Sous-titre : Autres histoires extraordinaires
Couverture : Hélène Bigot
Illustrations intérieures : Nejma El Goumzili
Éditeur : Éditions Luciférines
Site Internet : Recueil (site éditeur) 
Pages : 152
Format (en cm) : 14 x 20
Dépôt légal : avril 2014
ISBN : 9782954832852
Prix : 10 €



François Schnebelen
5 juillet 2014


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