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Blacksad (T3) Âme Rouge
Juan Diaz Canales & Juanjo Guarnido
Dargaud

Vous ai-je déjà narré ma rencontre avec le détective américain John Blacksad ? Non ?



Voilà un gars que j’ai rencontré par hasard, il y a de cela quelques années, dans les environs de Villefranche-sur-Mer, près de Nice, sur la Côte d’Azur. Il y vivait une retraite discrète, comme il me l’apprit durant notre discussion, et si nous n’avions pas commencé à parler de tout et de rien à la terrasse d’un café, si nous ne nous étions pas mutuellement intéressés, j’en aurais juste gardé le souvenir d’une silhouette passant devant moi, d’une démarche assurée et féline. On lui aurait donné une soixantaine d’années, mais à vrai dire, le temps ne semblait pas avoir de prise sur lui. Impeccablement vêtu d’un costume pourtant assez classique, d’une prestance naturellement impressionnante, l’homme attirait irrémédiablement l’œil de celui qui croisait sa silhouette. Pourtant, une étrange mélancolie troublait sans raison apparente, un regard franc et sincère. Quelque chose ou quelqu’un avait marqué à jamais cette existence, blessant ce roc vivant, d’apparence indestructible.

Tiens, me suis-je dit, voilà un mec qui a dû en voir. Voilà un homme qui n’a pas eu une vie de petit rentier. Je ne sais pas ce qui l’a attiré chez moi -et je ne le saurai jamais- mais, toujours est-il qu’il m’aborda le premier. Quels étaient ses premiers mots ? Je ne m’en souviens plus. J’ai beau fouiller ma mémoire, rien. Que dalle, nada !
Par contre, je n’ai pas oublié la suite de notre discussion. Nous avons d’abord parlé de cinéma puis des US et j’appris qu’un Américain de pure souche se cachait derrière cet accent français quasi parfait. Que faisait-il ici, il ne me l’a jamais vraiment dit mais j’ai deviné qu’il y avait en lui ce besoin de calme et de tranquillité que peut offrir la Riviera pour qui sait s’y cacher des trépidations frénétiques de l’humanité. Et Blacksad avait visiblement envie de disparaître aux yeux des hommes...
Bref, très vite son regard se voila et il me raconta une bien étrange histoire.

Tout débutait quelques années après la Seconde Guerre Mondiale. Son boulot de privé ne lui ayant pas fait gagner des fortunes, Blacksad survivait en récupérant pour Hewitt Mandeline, les ardoises que de pauvres gars oubliaient de solder. Pas un mauvais bougre, le Hewitt mais fallait pas l’arnaquer non plus. Bref, Blacksad promenait sa misère en attendant que quelque chose lui arrive. Et cela arriva.
Un prospectus flottant dans l’air se retrouva dans ses pognes, une bouffée de souvenirs venus du passé sous la forme de l’annonce d’une conférence sur la paix par le professeur Otto Liebber. Le nom avait illico fait tilter Blacksad. Ah ! Otto Liebber... Il est des gens qui, on ne sait pourquoi, infléchissent le cours de votre vie, qui tournent le volant de votre destiné dans la bonne direction, sans que vous n’en ayiez vraiment conscience sur le moment. Otto Liebber avait tiré le gamin Blacksad de la mouise et de ses quartiers délaissés où le Krach de 1929 pulvérisait les rares embryons d’humanité survivant à la misère crasse.
L’éducation ! Ah ! le grand mot. Ah ! le beau mot. Grâce aux leçons et au dévouement dispensé par ce jeune prof, Blacksad avait eu une vraie jeunesse et l’espoir d’une vie future décente. Même si le prof avait ensuite disparu de sa vie, ce cadeau-là, cette opportunité offerte à un petit gamin sans avenir, il ne l’avait jamais oublié.
Recroiser enfin le chemin de ce bon samaritain était une chance que Blacksad ne voulait pas rater et il n’allait pas louper cette conférence. Pour rien au monde. Bien lui en prit, car ce fut à cette occasion qu’il rencontra Alma, une jeune femme dont le charme le toucha aussitôt. Belle, très belle, intelligente, très intelligente. À ce que j’en compris, une brève mais intense relation s’en suivit.
Mais voilà, malheureusement, la destinée d’un privé des années cinquante n’était pas rose et l’on trempait souvent dans des affaires bien troubles. Surtout quand de tristes sires comme le détestable McCarthy s’apprêtaient à faire leur entrée en scène. Ce que me raconta Blacksad me laissa un goût amer dans la bouche et au fur et à mesure qu’il poursuivait son récit, je sentais bien que son regard s’enfuyait très loin dans le passé.

J’en appris alors, et des belles. De celles dont on fait des romans, des films inoubliables ou des BD à tomber par terre.
Puis notre conversation s’éteignit peu à peu. Comme ces vieilles lampes à pétrole qui ont épuisé leur carburant, mais ne se résignent pas à rendre leurs derniers rayons. Puis s’éteignent finalement, quand même.
Nous restâmes ainsi quelques minutes, pensifs, silencieux. Seul le bruit diffus du bar survivait aux mots évanouis. Enfin nos regards se croisèrent à nouveau et nos yeux comprirent que le moment de la séparation était arrivé. Une poignée de main et c’était fini.
Je ne revis jamais Blacksad.

Mais il était dit que cette rencontre ne pouvait être fortuite. Aussi, le jour où je croisai ce nom de « Blacksad » à l’étal d’un libraire, je stoppai mon pas derechef pour entrer dans ce magasin et y investir mes deniers du moment.
Je ne le regrettai pas.
Visiblement, Blacksad avait aussi raconté son histoire à deux jeunes gars. Deux espagnols au talent énervant et néanmoins réjouissant. Ils en avaient même fait des BD dont le graphisme ne cessait de vous obséder. Visiblement, ces gars-là étaient des cadors dans leur partie. Après avoir dévoré « Âme Rouge », je me précipitai sur les précédents opus, « Quelque part entre les ombres » et « Artic Nation », j’eus l’impression foudroyante que Blacksad était revenu me prendre par la main pour m’emmener refaire un tour dans son passé.

C’est à cet instant que je repensai à la belle Alma. C’était sûr, il l’avait retrouvée. Je repensai alors à une image, quasi subliminale, qui avait inconsciemment imprégné ma rétine lorsque Blacksad m’avait quitté lors de notre première et unique rencontre. Sur l’instant, je n’y avais pas prêté attention, obsédé que j’étais par ce qu’il venait de me dire mais j’en suis certain aujourd’hui, une femme attendait Blacksad au coin de la rue. Sa silhouette était imprécise, mais Blacksad avait légèrement accéléré le pas en allant dans sa direction.
Ou peut-être avais-je rêvé... Il n’y avait pas de femme au coin de la rue et Blacksad était simplement pressé de me quitter. Hum... Non, je ne peux y croire. Blacksad a forcément retrouvé Alma. C’était elle qui l’attendait ce jour là.

Alors oui, si vous voulez en savoir plus sur Blacksad, si vous voulez connaître le funeste destin du professeur Otto Liebber, si vous voulez comprendre comment une femme peut vous marquer définitivement de son empreinte, si vous voulez découvrir enfin le fabuleux talent de Juan Diaz Canales et Juanjo Guarnido, vous aussi vous irez acheter « Blacksad, Âme Rouge ».
Une BD qui vous permettra d’en savoir plus sur ce privé tout en éprouvant la douce mélancolie provoquée par la résurgence imprévue de lointains souvenirs.

Il est des passeurs de mémoires, des créateurs véritables.
Juan Diaz Canales et Juanjo Guarnido : retenez bien ces deux noms !

Dossier Blacksad sur la Yozone :
- Âme Rouge : le nouveau Blacksad
- Blacksad, histoire d’un chat privé d’amour !
- Blacksad, l’histoire des aquarelles
- Interview exclusive (vidéo et texte) à venir !


Titre : Âme Rouge (T3)
- Série : Blacksad
- Scénario : Juan Diaz Canales
- Dessin : Juanjo Guarnido
- Traduction : Anne-Marie Ruiz
- Lettrage : Ségolène Ferté
- Couverture : cartonnée
- Pages : 56 (quadrichromie)
- Format (en cm) : 32 x 24
- Éditeur : Dargaud
- Site Internet Album : Blacksad : Âme Rouge
- Dépôt légal : novembre 2005
- EAN : 9 782205 055641
- ISBN : 2 205 05564 X
- Prix : 13,00 €


Copyright illustrations : avec la permission des auteurs & des éditions Dargaud 2005 (sauf photo, copyright Yozone 2005).



Stéphane Pons
28 novembre 2005




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Blacksad « Âme Rouge », troisième opus de la saga



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Où tout est dans le regard



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Dans le hasard des rencontres



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Même avec un boss conciliant !



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La vie peut suivre sa destinée



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Deux espagnols très doués (Juan Diaz Canales à gauche et Juanjo Guarnido à droite) et leur Blacksad (au centre).



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« L’histoire des aquarelles », un autre livre empli de la magie Blacksad.



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