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Stratégie Ender (La)
Orson Scott Card
J’ai Lu, Science-fiction, roman (USA), science-fiction militaire, 379 pages, septembre 2013, 6,90€

Andrew « Ender » Wiggin est un Troisième. Dans un futur à la natalité bien encadré, sa naissance a été autorisée par la FI, la Force Internationale, car comme ses aînés Peter et Valentine, Ender est un petit génie, et potentiellement le prochain stratège de la flotte, celui qui sauvera la Terre si les doryphores attaquent une troisième fois. Après quelques années d’observation permanente, à 6 ans, on le débranche de son moniteur. Ender est livré à lui-même, et le jour même une bande de plus grands tente de lui casser la figure à la sortie de l’école. Dans l’impossibilité d’appeler au secours via son moniteur, Ender se défend. Et pour être sûr que les grands ne recommenceront pas, il fait plus que se défendre.
_ Dès le lendemain, le colonel Graff vient le chercher, pour qu’il intègre l’École de Guerre, dans l’espace. Six ans plus tard, il devrait avoir un diplôme et rejoindre une école de commandement. Et à sa majorité, diriger la flotte.
Sauf que les doryphores n’attendront pas douze ans avant d’attaquer. Et que ses professeurs comptent bien sur son génie pour qu’Ender brûle les étapes. Ils sont près à le pousser à bout pour cela. Après tout, il est certainement leur dernier espoir.



« La Stratégie Ender », publié en 1985, a raflé les prix Hugo et Nebula (sa suite, également), et propulsé Orson Scott Card comme un génie de la SF, lui qui préfère la fantasy. 2013 a vu le roman adapté au cinéma, avec force effets spéciaux. Le seul visionnage de la bande-annonce suffit à comprendre que le film s’écarte un peu du roman.

Car tout le livre est basé autour du jeu. C’est la méthode d’apprentissage favorite de l’école de guerre. Jeux vidéo, pour certains apprentissages de base, jeux de guerre, où les élèves s’affrontent par équipes (« armées », plutôt) dans des conditions d’apesanteur, et un jeu plus personnel, dans un univers de fantasy, où l’ordinateur crée les épreuves pour répondre à la psyché du joueur.

Dans le monde d’Ender, rien n’est vrai, tout est jeu. Et pour le petit génie, c’est d’abord un challenge, tandis qu’il découvre les règles, les tord et inflige une humiliation plus ou moins sévère aux élèves plus âgés et moins intelligent, puis cela vire au rejet, lorsque les professeurs, à l’initiative de Graff, faussent les règles pour infliger à Ender des épreuves de plus en plus difficiles, pour le forcer à innover sans cesse, l’empêcher de rejouer les mêmes ruses, élever encore et encore ses stratégies. Tout cela en le maintenant, aux yeux des autres élèves, en équilibre instable : en lui infligeant ce traitement « de faveur », les adultes montrent bien qu’il est leur meilleur élève, et attisent la jalousie des autres, dont certains tenteront de mettre un terme à l’ascension d’Ender de façon plus... brutale. Mais chaque fois, Ender, parce que jour après jour il a été modelé intellectuellement comme cela, s’en sort, seul, en refusant au autres la moindre pitié.

Une fois leur petit général fin prêt, c’est le départ, très prématuré, pour l’école de commandement, où Ender trouve un maître à sa mesure : Mazer Rackham, le général légendaire qui a remporté la Deuxième Guerre contre les doryphores. C’est alors que le jeu reprend, à un autre niveau : Ender ne dirige plus des hommes, mais des vaisseaux, des flottes entières. Et les règles sont de plus en plus faussées : l’ennemi est deux fois, cinq fois, dix fois, cent fois plus nombreux. Ender a-t-il le génie suffisant pour remporter de telles batailles ? Si oui, il sera capable de sauver l’humanité. Si non...

Je m’en voudrais, pour qui n’a pas (encore, comme moi il y a peu) lu ce chef-d’œuvre, de dévoiler la fin. Juste vous dire que, contrairement à ce que dévoile la bande-annonce du film de Gavin Hood, il n’y a pas de bataille, tout se passe sur un simulateur (graphiquement basique, un point = un vaisseau, n’oubliez pas que Card écrit en 1985).

Ce qui fait la beauté de cette histoire de petit génie qui gravit à toute vitesse les échelons de la hiérarchie, pour devenir sauveur du monde à 13 ans, c’est que c’est une magnifique histoire de solitude. Ender est seul, tout le temps. C’est le choix de ses professeurs, bien entendu, pour le pousser à l’excellence, de ne pas lui laisser l’espoir qu’un « grand » viendra l’aider quoi qu’il se passe. De sa solitude initiale de gamin chétif et souffre-douleur, Ender connaîtra celle du génie incompris (ou presque) et menaçant, pour enfin atteindre la tour d’ivoire de la solitude du commandant, qui doit demeurer isolé de ses hommes. Même si c’est encore une fois une décision des adultes et le résultat de l’éducation d’Ender qui le poussent à se comporter ainsi, à reproduire certains schémas d’autorité qu’il a subis et refusés, contournés. Tout génie qu’il est, s’il peut casser toutes les routines de guerre qu’on leur apprend et que les autres armées appliquent sans imagination, il n’arrive pas à casser certains moules, et se maudit de devoir s’y couler.

Heureusement, car tout n’est pas noir, certains autres élèves sauront voir au-delà des grades, des rôles imposés et des façades, et si Ender doute parfois de la solidité de leur amitié, ils sauront le détromper, en restant présent à ses côtés jusqu’au bout. Ce qui veut donc dire, on le réalise alors, que ces fragiles amitiés étaient « autorisées » par le plan de Graff, et en faisaient partie, légère soupape de sécurité et liens indéfectibles pour la bataille à venir...

Card n’a jamais caché s’être inspiré d’« Étoiles, garde-à-vous ! » de Robert Heinlein (et aussi très librement adapté au cinéma sous son titre original, « Starship troopers », par Paul Verhoeven), où on retrouve cette structure d’évolution dans la hiérarchie d’un soldat talentueux mais quelque peu torturé par des questionnements de mauvais aloi sur la guerre et son bien-fondé. Ce qui ne l’empêche pas de bien faire son boulot. Je n’ai de mon côté pas pu manquer les liens tant formels que scénaristique avec « La Guerre éternelle » de Joe Haldeman (1974, donc antérieur de 10 ans), en particulier la même fin ouverte après prise de recul du héros.

Donc, si vous n’avez jamais lu « La Stratégie Ender », faites comme moi, corrigez vite cette erreur.


Titre : La stratégie Ender (Ender’s Game, 1985)
Série : Ender, 1/4
Auteur : Orson Scott Card
Prix Nebula 1985 et Hugo 1986
Traduction de l’anglais (USA) : Sébastien Guillot (nouvelle traduction)
Couverture : Affiche du film, Metropolitan Filmexport
Éditeur : J’ai Lu (édition originale : J’ai Lu, 1986 ; pour la nouvelle traduction : J’ai Lu, Nouveaux Millénaires, 2012)
Collection : Science-fiction
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 10483
Pages : 379
Format (en cm) : 18 x 11 x 2
Dépôt légal : septembre 2013
ISBN : 9782290071823
Prix : 6,90 €


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Nicolas Soffray
23 mars 2014


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