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Dernier apprenti sorcier (Le), tome 4 : Le Rêve de l’architecte
Ben Aaronovitch
J’ai Lu, Nouveaux Millénaires, traduit de l’anglais (Grande-Bretagne), policier/urban fantasy, 379 pages, 18€

Quatrième aventure pour Peter Grant, le jeune policier britannique qui, après avoir rencontré un fantôme au cours d’une planque, a réalisé qu’il était doué d’une prédisposition toute particulière pour l’occulte. Rapidement pris sous l’aile d’un enquêteur plus expérimenté que lui en ce domaine, l’inspecteur et sorcier « plus british que moi tu meurs » Nightingale, accompagné de la séduisante inspectrice Lesley May, il rencontrait, dans « Les Rivières de Londres », les déesses des rivières et des entités moins bénéfiques, enquêtait, dans « Magie Noire à Soho », dans les milieux londoniens du jazz, et découvrait, dans « Murmures souterrains », d’étranges entités vivant dans les sous-sols de Londres. Sa quatrième aventure lui fait découvrir de nouveaux aspects de la capitale : les architectures modernes.



Un premier cadavre consumé de l’intérieur, un second corps dépourvu de visage, un suicide qui n’en est pas un, des sorciers inconnus en libre-circulation à travers Londres : on dirait bien que tout part à vau-l’eau.

Peter Grant, accompagné de son amie Lesley, défigurée lors d’un épisode précédent, de son mentor l’inspecteur Nightingale, du fameux docteur Walid, gastro-entérologue le jour et cryptopathologiste la nuit, et de quelques autres comparses rencontrés au cours des épisodes précédents, mène l’enquête. Une enquête qui le conduira à explorer la vie et l’œuvre d’un architecte d’origine allemande du nom de Stromberg.

Reste que pour Peter Grant, l’affaire n’apparaît pas des plus faciles. Déjà, ses travaux pratiques en magie l’obligent à lire en latin et en grec – il ne s’en trouve plus beaucoup, de nos jours, pour lire comme lui Pline l’Ancien en revenant du travail. En plus, il doit également se mettre à l’allemand en se plongeant dans les ouvrages favoris de Stromberg, « Uber die Grundlagen, die der Magie der Praxis zugrunde liegen » (1779)) de Reinhard Mäller, ou « Wege der industriellen Nutzung von Magie », qui pourraient bien lui ouvrir quelques pistes.

La littérature, oui, mais aussi le réel. Pour essayer de contrecarrer les noirs desseins ourdis dans l’ombre, une seule solution : prendre position dans le complexe “Elephant and Castle” construit par Stromberg du temps de son vivant, une construction conçue pour abriter des logements sociaux. Impossible, on l’imagine, d’attendre d’un roman consacré à l’architecture moderne et aux cités d’être aussi classieux que les aventures axées sur des éléments plus classiques, et ceci d’autant plus que les plongées dans l’histoire de Londres sont ici limitées. Une thématique qui, plutôt que de servir de support à une critique sociale, donne surtout une vision grinçante des architectes s’attirant l’admiration de l’intelligentsia en construisant des immeubles absolument inhabitables. Une vision qui devient plus grinçante encore lorsque l’on réalise que ces bâtiments sont en fait destinés à quelque grand dessein magique qui, incidemment, transformera leurs habitants en cadavres.

Des crimes inexpliqués, une pincée d’histoire, le retour du terrifiant Mage sans Visage, des petits et des grands délinquants, une sorcière soviétique née en 1921 mais qui se porte toujours très bien, merci, des bars à foison, un vide-grenier surnaturel, des accumulateurs d’énergie psychique, des pièges à démons, une pincée d’humour british : les ingrédients qui ont fait leurs preuves dans les trois premières aventures de Peter Grant sont là. Pourtant, la magie ne fonctionne pas tout à fait.

Un roman plaisant, mais un peu décevant

En effet, après l’excellent « Les Rivières de Londres », puis les très bons « Magie noire à Soho » et « Murmures souterrains », « Le Rêve de l’architecte » déçoit un peu. Il souffre d’indubitables longueurs et d’un certain manque d’inventivité. Si l’articulation entre policier et fantastique se fait sans peine, l’ajout des éléments mythologiques – dieux et déesses des rivières de Londres – apparaît ici assez artificielle. L’histoire n’est pas vraiment structurée, donnant l’impression que l’auteur avance à vue et sans plan véritable. Quant à la “surprise” finale, trop feuilleton-télé pour ne pas irriter, elle apparaît comme une ficelle décidément trop grosse, inventée uniquement pour appeler une suite et l’on imagine déjà comment cette scène sera réexpliquée à l’occasion de sa relecture par un autre protagoniste.

Sans doute est-ce là où le bât blesse : l’aspect feuilletonnesque – pas forcément au sens élogieux du terme – apparaît de plus en plus revendiqué, y compris par la quatrième de couverture qui nous informe du fait que cette série de romans est en cours d’adaptation à la télévision britannique. Ce qui ne constitue sans doute pas une bonne nouvelle et laisse entendre que l’humour, l’originalité et l’érudition présentes dans « Les Rivières de Londres » pourraient bien être abandonnés, ou tout au moins atténués, au profit d’aspects plus purement mercantiles.

Malgré ces défauts, « Le Rêve de l’architecte » reste une lecture plaisante, et l’on s’amuse à y retrouver les personnages des aventures précédentes. Si l’on en croit les rumeurs, Ben Aaronovitch aurait déjà signé auprès de son éditeur en langue anglaise pour plusieurs autres volumes. Reste à espérer qu’il ne les écrira pas uniquement dans l’optique d’une série télévisée et saura renouer avec la qualité de ses premiers romans.


Titre : Le Rêve de l’architecte (Broken homes, 2013)
Série : Le dernier apprenti sorcier, tome IV
Auteur : Ben Aaronovitch
Traduction de l’anglais (Grande-Bretagne) : Benoit Domis
Couverture : Flamidon
Éditeur : J’ai Lu
Collection : Nouveaux Millénaires
Pages : 379
Format (en cm) : 13 x 20
Dépôt légal : janvier 2014
ISBN : 978-2-290-07569-2
Prix : 18 €



Ben Aaronovitch sur la Yozone :
- « Murmures souterrains »
- « Le dernier apprenti sorcier »


Hilaire Alrune
17 mars 2014


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