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Messager du Feu (le)
Marina et Sergueï Diatchenko
Albin Michel, Wiz, roman traduit du russe (Ukraine), fantasy, 549 pages, novembre 2012, 20€

Varan est hélicier. Avec son père, il fait la navette entre son village, submergé par les flots un quart de l’année, et Croc-Rond, la ville haute où vivent les plus chanceux, néanmoins tributaire de leur approvisionnement en eau potable. Varan attend impatiemment « la saison », ces quelques semaines où on abandonne le village et les champs d’algues et de navottes pour aller vivre et travailler en haut, au sec.
Mais la saison de ses 17 ans sera sa dernière. Témoin d’une agression, il trouve un travail loin de la foule -et du soleil tant attendu toute l’année- pour échapper à d’éventuelles représailles. Le voilà guide d’excursions à dos de serpent géant, dans les grottes noyées. Il fera ainsi deux rencontres décisives : une jeune fille à moitié d’en haut dont il tombe immédiatement amoureux sans que ce soit forcément réciproque, et le mage impérial de la citadelle, qui va élargir son horizon bien au-delà de son petit monde.



Marina et Sergueï Diatchenko sont deux auteurs ukrainiens hélas presque pas traduits en français. Seul « La Caverne » est sorti au Livre de Poche. Et quand on lit « Le Messager du Feu », on se dit que c’est vraiment dommage. L’Europe de l’Est recèle des pépites, et les époux Diatchenko viennent rejoindre le Polonais Andrzej Sapkowski dont le Sorceleur a conquis le monde.

Leur univers est très original. On commence par un village saturé d’humidité, où les habitants ne vivent que dans l’attente de la saison de l’inondation de leurs terres, qui signifie leur évacuation pour quelques semaines et du travail dans une ville haute transformée en station balnéaire pour les bourgeois de la capitale impériale. Varan est le lien quotidien entre ces deux mondes, et comme tout jeune adulte il rêve de s’arracher à ces terres détrempées. Mais lui ne veut pas que monter, il veut voir le monde. Et sa rencontre avec le nouveau mage local, fraîchement arrivé de la capitale, ainsi que quelques malheureux démêlés avec la justice, vont lui faire découvrir que le monde ne s’arrête pas aux îles des alentours ou à la côte d’où leur parvient leur bois de chauffage.

Les évènements s’emballent quelque peu, jusqu’à provoquer le départ de Varan. Pour le vaste monde.
Voilà pour la première moitié du volume, presque un roman.
La seconde moitié est composée de quatre chapitres, sortes de longues nouvelles qui nous fera visiter, avec un Varan de plus en plus âgé, des contrées de l’Empire radicalement différentes, avec leurs propres magies, mais toutes unies par une même tradition, dont Varan remonte le fil : l’Âtrier.

Aussi appelé « messager du feu », cet homme presque mythique a le pouvoir d’apporter le bonheur dans toute maison où il est invité à allumer le feu. Et là où il construit la cheminée, naîtra un mage. Une denrée rare dans l’empire, et l’homme et son pouvoir attirent la curiosité et la convoitise de certains, du nouveau mage de Croc-Rond au mage-ministre-espion de l’Empereur. Pour l’avoir promis au premier et y être contraint par le second, Varan va passer sa vie sur les routes, cartographiant l’Empire, cherchant le messager du feu.

Même si on se doute un peu de la fin (à suivre une légende à la trace, Varan ne se confondra-t-il pas avec ?), cela n’enlève rien au charme du récit. La première moitié, sous des dehors de passage à l’âge adulte, n’est que le début d’un déferlement d’une imagination débordante. Les deux auteurs donnent vie à la mosaïque des lieux et des traditions qui forment l’empire. Leurs trouvailles sont d’une grande originalité, teintée de cette noirceur qu’on retrouve aussi chez Sapkowski. Ainsi des champs où l’on enterre le paysan qui y a travaillé sa vie durant, et qui le « hante » en s’y réincarnant, en le vivifiant, pour le meilleur ou le pire. Des traineaux tractés par des grosses mouches. Des serpents géants comme montures et bêtes de somme, ou de gigantesques oiseaux-montures, les ailamas, plutôt que des dragons.
Mais au-delà du simple détail folklorique, Marina et Sergueï Diatchenko savent faire tourner la vie des hommes autour de ces spécificités de leur terre. C’est la Nature qui plie les hommes et non l’inverse. Et Varan devient le témoin, le récolteur de ces façons de vivre. Il les expérimente, avant de poursuivre sa route.

Une structure surprenante, un univers original et très approfondi, un héros imparfait et attachant, une intrigue politique de fond captivante (que je vous laisse découvrir, entre mages renégats, soulèvement contre l’empire et fausse monnaie), « Le Messager du Feu » est un excellent roman comme la collection Wiz sait nous en proposer, loin des standards de la fantasy, et mon coup de cœur de cette fin d’année, tout lecteur « adulte » que je suis.


Titre : Le Messager du Feu (Varan, 2004)
Auteurs : Marina et Sergueï Diatchenko
Traduction du russe (Ukraine) : Christine Zeytounian-Belous
Couverture : Vincent Madras
Éditeur : Albin Michel jeunesse
Collection : Wiz
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 549
Format (en cm) : 21,5 x 14,5 x 4
Dépôt légal : novembre 2012
ISBN : 9782226243553
Prix : 20 €



Nicolas Soffray
24 décembre 2013


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