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Rock Star Vampire
Yves Bulteau
Le Pré aux clercs, Pandore, roman (France), fantastique léger, 376 pages, août 2013, 16€

Selma n’est pas une ado normale. En plus d’aimer la viande crue, elle fait de drôles de rêves, qui lui inspirent des chansons bizarres qu’elle poste sur Youtube. Au point qu’un producteur la remarque et lui propose de monter un groupe. La voilà avec un guitariste talentueux, Rik, lui aussi repéré sur le net, un bassiste et une batteuse, dans une grande maison rien que pour eux. Selma y apprend à jouer grâce à Rik, qui transforme ses improvisations venues d’ailleurs en vraies mélodies. Mais alors que les liens se resserrent avec Rik, malgré le stress du concert à venir, elle s’interroge de plus en plus sur ses origines. Une lettre de sa mère la met sur la piste d’un chalet de montagne. Rik accepte de la suivre -il accepte tout d’elle- à la recherche de ses véritables parents, qui ou quoi qu’ils soient...



Et, comment dire... ben, sous la montagne, vivent des vampires, Selma est la fille d’un vieux vampire et d’une alpiniste humaine, et elle est l’enfant d’une prophétie qui augure la fin de ce peuple. On va donc la pourchasser. Sauf que non, elle est trop forte et propose le status quo. Fin.

Je ne caricature même pas.

« Rock Star Vampire » est un page-turner, un roman dont vous tournez les pages à toute vitesse, d’un côté parce que c’est prenant et que vous avez hâte de savoir la suite, de l’autre parce que c’est écrit gros, aéré, et que ces 376 pages sont découpées en 77 chapitres. Donc beaucoup de blanc.

Il y a de bonnes choses dans le roman d’Yves Bulteau : on ne prononce jamais le mot vampire, il est même tabou pour l’héroïne qui souffre de sa différence et de ses symptômes. Mettre ce mot dessus la changerait en ce monstre qu’elle se sent déjà être. Ensuite, dans ce récit à la première personne, Selma parle d’une présence, de quelque chose en elle, qui prend parfois le contrôle de son corps, une véritable possession par intermittence, gérable au quotidien, insoutenable lors de moments chocs (une tentative d’agression ou l’incendie qui tue ses parents). On a un vrai ressenti, lié un peu au mal-être adolescent, loin de la bit-lit classique. L’univers est intéressant à étudier : aucune indication géographique, la sonorité des noms fait penser au Nord-Est de l’Europe. Ville et pays flous, noyés dans la neige de l’hiver. Seuls ancrage : Google et Youtube, par qui la notoriété arrive et s’entretient. Un monde contemporain, donc, mais sans géographie précise.

Mais hélas, c’est tout le reste qui pèche : personnages secondaires rares et inexistants (Yohan le producteur emportera ses motivations secrètes avec lui, les deux autres musiciens sont là pour remplir le quota et former un 2e couple moins dysfonctionnel), une intrigue morcelée où rien ne semble impacter la suite (formation du groupe, concert, vacances). Il faut attendre le dernier tiers du bouquin, après le concert qui donne vaguement un sens au titre (car rien n’est « rock star » dans ce groupe d’ados propulsés sur une petite scène pour la première fois, hormis leur concert, soit une poignée de pages) pour que le fantastique diffus prenne une autre ampleur : on lorgne, dans le retour aux sources de Selma, sur les thrillers à la mode où « le mal vient d’ailleurs », de la forêt primitive (le dernier Chattam ou Grangé ?) ou de l’inaccessible montagne dans notre cas. Car c’est maintenant, forcément, avec 2 mètres de neige, qu’il faut y aller.

On pourrait trouver intéressant le concept du peuple souffreteux et mourant que l’auteur fait de ses vampires, du secret dont ils s’entourent. Ils s’éteignent lentement, à l’abri des regards. Vivons heureux vivons caché. Hélas, c’est plombé dans le même chapitre par « la prophétie » qui veut que l’enfant femelle née d’une femme et d’un vampire causera leur perte. Là, d’un coup, on bascule dans un grand-guignol pitoyable, inutile et surtout dangereux à 50 pages de la fin. 50 pages durant lesquelles Selma a le temps de retrouver sa demi-sœur, réaliser que sa vraie mère est en vie et la retrouver, puis sauver Rik enlevé par les vampires et signer une paix fragile avec eux. Rien que ces deux derniers éléments tiennent dans le dernier chapitre, et là, rideau !

Au final, peu de vampires, même s’ils sortent agréablement du lot de la bit-lit actuelle, et bien peu de rock (et pas dans le dernier tiers). C’est donc une déception presque totale que ce bouquin décousu, sans histoire, qui ne tient pas beaucoup de ses promesses, et ne restera pas longtemps dans ma mémoire.

Et si un second tome est à paraître, vu comme finit celui-là, je suis sceptique : une tournée de concerts, et les errements inhérents à une popularité soudaine ? Là ce serait plus rock. Des pulsions de sang ? Forcément. Des dissidents de la montagne qui veulent tuer Selma ? Hélas probablement...


Titre : Rock Star Vampire
Auteur : Yves Bulteau
Couverture : dpcom.fr / Getty Images (Ivan Bliznetsov)
Éditeur : Le Pré aux clercs
Collection : Pandore
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 376
Format (en cm) : 22,5 x 14 x 2,8
Dépôt légal : septembre 2013
ISBN : 9782842285272
Prix : 16 €



Nicolas Soffray
16 octobre 2013


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