Hélas, bien entendu, sa tentative misérable échoue. Aussi, pour tromper son ennui, va-t-il solliciter de l’ordinateur autre chose que ses divertissements pré-enregistrés : une création originale. Et voilà que WHY lui pond de la littérature ! Et que tous les deux s’éloignent de leur mission.
Le recadrage est immédiat : d’autres IVG voisins viennent les bombarder, afin de ne pas laisser un vaisseau défectueux dans le maillage de défense. Humain et computer vont donc unir leurs intelligences contre leurs anciens camarades.
Mais quand Delta visite l’épave de leur première victime par auto-défense, il découvre une vérité à peine envisagée : dans cet autre IVG, c’est un clone de lui-même aux commandes, et un autre WHY dans les circuits !
Viennent alors les questions. Et parmi toutes, Delta se demande si WHY était au courant. Le plus grand adversaire ne serait-il pas à ses côtés depuis le début, à l’espionner ? Et si tout cela n’était qu’une farce ? Pourquoi le Centre, sur Terre, ne donne-t-il pas de nouvelles ? Et ce truc énorme qui passe au-dessus, ne serait-ce pas un vaisseau alien ?
« Huis-clones » se découpe en 3 parties à peu près égales : “Huis-clos” réussit le tour de force de ne nous perdre en route, au fil de la solitude de Delta, qui s’imagine espionné par WHY, qui fomente en secret son suicide. Et après son échec, qui se détricote le cerveau à vitesse grand V. Bon, je ne vous cache pas que le côté psychotique et monomaniaque provoque pas mal de répétitions, mais on rentre presque dans la peau de ce pauvre Delta, sanglé à sa console, branché à ses tubes, sans interlocuteur humain...
Puis vient “Six clones” : là, on passe parfois à un autre point de vue, et le lecteur un tout petit peu malin comprendra l’astuce immédiatement (c’est aussi pour cela que je la révèle) : les autres IVG sont habités par des clones. Delta mettra un peu de temps à le comprendre, et encore plus, c’est un peu dommage, à s’interroger sur le modèle original et son propre statut de clone. Clone supérieur, puisqu’il défait les autres grâce à son intelligence.
Enfin “Cyclones” (vous avez saisi tous les jeux de mots ?), et la découverte de la Terre, des aliens... Et encore un peu de réflexion sur lui, sa mission, la Terre, l’avenir... Je vous laisse découvrir.
Le twist final est un peu dommageable à ce bon roman. On pourrait croire que Calvez ne voulait pas d’une fin « logique », quelle qu’elle fût, aussi préfère-t-il une pirouette à la Philip K. Dick, qu’on aura peut-être senti venir un peu plus tôt.
Ne nous arrêtons néanmoins pas sur ce détail final. Huis-clones est de la bonne SF intelligente, qui brasse des thèmes qu’on lit rarement aujourd’hui, le tapis rouge étant déroulé au space-opera, ses effets spéciaux et ses extra-terrestres à la pelle. Le roman date de 1997, mais il n’est pas incohérent de le voir ressortir aujourd’hui. Des films comme « Moon » de Duncan Jones vont dans le même sens : derrière l’aventure de la découverte de l’espace, il y a des ouvriers, ces gens normaux astreints à une tâche désespérément ordinaire dans un milieu qui ne l’est pas. Indispensables mais jetables comme les mineurs des siècles précédents.
Un dernier mot sur cette réédition : un texte revu par l’auteur, ça fait toujours plaisir. Une belle couverture aussi. Mais j’apprécie tout particulièrement l’intégration du titre et du nom de l’auteur, loin des maquettes carrées habituelles ! L’objet n’en attire que plus l’attention.
Hélas enfin, on déplorera beaucoup de coquilles, sans lesquelles ce « Huis-clones »-là aurait été définitivement parfait.
Titre : Huis-clones (édition revue par l’auteur)
Auteur : Jean-Michel Calvez
Couverture : YoZ
Éditeur : Lokomodo (édition originale : Fleuve noir, 1997)
Collection : Science-fiction
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 24
Pages : 330
Format (en cm) : 17 x 11 x 2
Dépôt légal : juin 2012
ISBN : 9782359001020
Prix : 8 €
