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Alcatraz contre les infâmes bibliothécaires
Brandon Sanderson
Le Livre de Poche, Orbit, traduit de l’anglais (États-Unis), fantastique jeunesse, 283 pages, septembre 2013, 6,60€

Est-il vrai que les escaliers représentent une avancée technologique par rapport aux ascenseurs ? Qu’il existe des verres permettant de suivre des individus à la trace ou de griller son interlocuteur ? Que ce que nous croyons être des océans immenses ne soit pas réel et qu’il existe à leur place des continents que l’on nous cache ? Les réponses, et bien d’autres, dans ce roman léger de Brandon Sanderson.



«  Je ne suis pas un type abominable. Mais je ne suis pas particulièrement sympa non plus.  »

On le voit : en campant un très jeune antihéros, sinon un héros picaresque, Brandon Sanderson prend d’emblée le contrepied du genre. Mais si le narrateur prend un malin plaisir à se déprécier à chaque fois qu’il en a l’occasion, force est d’avouer que chacun de ces épisodes le rend plus sympathique encore : car à chaque fois qu’il prend une décision qualifiée par lui de stupide il s’agit d’un acte de courage, chaque fois qu’il prend une décision qu’il qualifie d’irréfléchie il s’agit d’un acte d’héroïsme. Mais comment le jeune Alcatraz Smedry, treize ans, en est-il arrivé à devoir affronter des situations peu ordinaires ?

«  Ce n’est pas tous les jours que l’on découvre une salle à manger médiévale dans le frigo d’une station-essence.  »

Car Alcatraz est un individu franchement banal. Orphelin, il est ballotté d’une famille d’adoption à une autre, ne séjournant jamais longtemps au même endroit : sa maladresse proverbiale le conduit en effet à mettre en panne la quasi-totalité des objets dont il s’approche – sans compter quand il met accidentellement le feu à la cuisine – si bien que les couples l’accueillant n’ont d’autre envie que de se débarrasser de lui. Pourtant, le jour de son treizième anniversaire, il reçoit un étrange colis, on essaye de le tuer, et un vieillard dément l’entraîne dans une aventure incroyable.

On aura donc bien des surprises, et nous ne saurions trop en dévoiler ici, de craindre de gâcher le plaisir des jeunes lecteurs. Que l’on sache néanmoins que l’aptitude d’Alcatraz à démantibuler les objets sans le vouloir n’est rien d’autre qu’un don exceptionnel, ce qui ne manquera pas de ravir les lecteurs qui, sans doute, ne pourront que se sentir très proches d’Alcatraz Smedry.
Son grand-père a lui aussi un don fabuleux : il est toujours en retard. Quant à un lointain cousin, il a pour don de se casser la figure aux moments les plus opportuns. On le voit : la caricature de la fantasy classique est patente. Patente, mais très drôle, et sans lourdeur excessive.

«  Les Bibliothécaires veulent que tout le monde lise leurs livres, qu’il s’agisse d’ouvrages graves et poignants sur des chiots morts ou bien de documentaires traitant de sujets inventés comme les conquistadores, la pénicilline et l’Argentine.  »

Entrent alors en scène les Bibliothécaires, les vrais, ceux que l’on côtoie tous les jours, et qui, nous l’apprenons, constituent une engeance infâme qui cherche à désinformer le monde. La fantasy (du moins celle contée dans ce roman) est présentée par le narrateur comme « véridique et inattaquable », contrairement à « ces bouquins fantaisistes, totalement irréalistes, dans lesquels des enfants vivent à la montagne, des familles travaillent à la ferme, où la moindre action a à voir avec la grande Dépression. »
Les bibliothécaires, décrits à rebours des conventions, ne sont donc que d’immondes crapules cherchant à dominer le monde, et non pas les individus prévenants et paisibles que nous croyons côtoyer. Et ils sont sur le point d’obtenir une arme terrifiante qui leur permettra d’avoir sur le monde une emprise plus grande encore.

«  Nous autres écrivains produisons des ouvrages pour une seule et unique raison : parce que nous aimons torturer nos lecteurs.  »

Pour Alcatraz Smerdy et ses nouveaux associés, une seule solution : s’infiltrer dans la Bibliothèque Municipale et récupérer cette arme. Avec leurs talents tout particuliers – et après maints combats, surprises, emprisonnements, évasions, et même rencontres avec des dinosaures au comportement tout britannique – ils y parviendront et tout finira bien. Qui en aurait douté ? Alcatraz Smedry retrouve sa famille d’adoption.. mais, aussitôt, de nouvelles aventures se profilent.

Humour et nonsense britanniques (même si l’auteur est américain), narrateur ne manquant pas une occasion de s’adresser au lecteur, ni de railler le roman contemporain, inversion des notions de progrès technologique ( une jolie démonstration par l’absurde du fait que les escaliers n’ont pu avoir été inventés qu’après les ascenseurs), convictions à rebours des clichés américains (il est rare de lire des auteurs expliquant que non, on ne devient pas systématiquement ce que l’on rêve d’être grâce au travail et à la volonté) font de cet ouvrage, sous des aspects légers, un roman qui pourra faire réfléchir.

Au final, si avec « Alcatraz contre les infâmes bibliothécaires  » Brendan Sanderson ne fait pas preuve d’autant d’inventivité et de finesse que Jasper Fforde avec les aventures de Jennifer Strange, il faut lui reconnaître, outre qu’il s’adresse à un public moins âgé, un même sens du recul et de la dérision par rapport aux clichés du genre.
Facile à lire, plaisant et rythmé, « Alcatraz contre les infâmes bibliothécaires » donnera aux jeunes lecteurs l’envie de lire les autres volumes de la série, « Alcatraz contre les ossements du scribe », « Alcatraz contre les traîtres du Nalhalla », et « Alcatraz contre l’Ordre du verre brisé. »


Titre : Alcatraz contre les infâmes bibliothécaires (Alcatraz versus the Evil Librarians,2007)
Série : Alcatraz (Alcatraz), tome 1
Auteur : Brandon Sanderson
Traduction de l’anglais (États-unis) : Juliette Saumande
Couverture : Patrick Knowles
Éditeur : Le Livre de Poche (édition originale : Mango, 2010)
Collection : Orbit
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 283
Format (en cm) : 11 x 18
Dépôt légal : septembre 2013
ISBN : 978-2-253-16478-4
Prix : 6,60 €



Hilaire Alrune
9 octobre 2013


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