Chargement...
YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Wastburg
Cédric Ferrand
Gallimard, Folio SF n°452, roman (France), 403 pages, avril 2013, 7,70€

Wastburg, cité franche coincée dans le delta d’un fleuve-frontière entre la Loritanie et le Waelmstat. Zone de liberté ? D’espoir ? Tout est relatif... Et les hommes n’y sont ni meilleurs ni pires. Et depuis que la magie a disparu, les choses ne vont pas mieux.



« Wastburg » est ce qu’on appelle un roman à facettes : chaque chapitre est presque une nouvelle indépendante, avec son propre narrateur dont la petite histoire se trouve liée, plus ou moins directement, à la trame générale du roman. Dans la cité franche, on suivra surtout les agents de la Garde, parfois corrompus, souvent désabusés, mais aussi quelques artisans plus ou moins proches du pouvoir, très hiérarchisé : il y a les gardes, les prévôts de quartier, les maesters, et tout en haut, le mystérieux burgmaester, qu’on a pas vu depuis longtemps, dont plus personne ne se souvient depuis quand il gouverne la ville ni qui l’a mis là.

Et toute l’intrigue de « Wastburg » tourne autour de cet état de fait : cela ne peut plus continuer ainsi. Alors on complote, l’un pour s’assurer la succession du burgmaester, l’autre pour le renverser, avec le soutien de la Garde. Au cœur du complot, Polkan, un ancien sous-officier désormais chargé du recrutement de la bleusaille : il connaît tout le monde, toutes les combines, toutes les failles de chacun. Et il croit en une cité moins pourrie.

Un complot a besoin de ressources, alors on passe outre le blocus des dockers via une petite diversion. Faute de magie, on fait rentrer en douce un alchimiste étranger. On rassemble les bonnes cartes, quitte à brasser un peu violemment le jeu. Car on ne sait rien du joueur adverse...

Cédric Ferrand, très ancré dans le jeu de rôles, nous livre avec « Wastburg » une excellente fantasy politique, dans la lignée de Jean-Philippe Jaworski. Cette ville franche est un théâtre où se jouent plusieurs pièces simultanément, et l’auteur a fait un magnifique travail de fond. Les deux peuples « wastburgiens » ne se mélangent pas, les Loritains demeurent une minorité défavorisée, et mystérieuse à la fois : du point de vue des différents narrateurs (tous d’origine waelmarienne) mythes et réalité à leur sujet se confondent allègrement, mais le racisme à leur égard n’a jamais poussé quiconque à faire la part du vrai.
La magie, ou plutôt sa disparition, est également un point majeur. Depuis « la Déglingue », la source de pouvoir semble tarie, et les majeers, qui assuraient les fonctions de justice et d’administration, ont disparu avec elle, morts après être devenus fous. Un garde, demi-majeer (le pouvoir est dans le sang), est obligé de s’abrutir d’alcool pour calmer son mal. La magie peut-elle revenir ? Reste-t-il des mages ? On s’en doute, mais il faudra attendre la fin pour le découvrir.

Mais ce qui fait le sel de « Wastburg », c’est cette immersion, chapitre après chapitre, dans la vie et les préoccupations de ces personnages tous différents, n’ayant qu’un seul et légitime espoir : voir leur vie s’améliorer, et les problèmes s’en aller. Quand bien même ils sont la propre source de leurs problèmes. Cédric Ferrand balaie large, avec des « héros » de tous horizons aux aspirations diverses. Il n’y a qu’un point commun entre eux : la cruauté du destin qui les attend.

Le tout est écrit dans un langage populaire, pas vraiment argotique, qui fait très couleur locale sans être vulgaire. Cela nous change de la light fantasy entre nobles bien éduqués au vocabulaire châtié. Très immersif, on se sent très vite proche de ces personnages, tout peu reluisants voire détestables qu’ils puissent être.

Si vous aviez manqué sa parution aux Moutons électriques, il est temps de vous rattraper, à moindres frais, avec ce FolioSF franchement indispensable. J’allais terminer en disant n’avoir rien lu de si bon depuis longtemps, c’est faux : ça vaut « Les Mensonges de Locke Lamora », qui a eu le Grand Prix de l’Imaginaire. Cette ville qui est un personnage à elle seule m’a évidemment rappelé l’excellent et difficile « La Cité des saints et des fous », la gouaille en plus.
Bref, impossible de ne pas adorer. J’espère que ce sera le cas pour vous aussi.


Titre : Wastburg
Auteur : Cédric Ferrand
Couverture : Benjamin Carré
Éditeur : Gallimard
Collection : Folio SF
Éditeur original : Les Moutons électriques, 2011
Site Internet : fiche du roman
Numéro : 452
Pages : 403
Format (en cm) : 18 x 11 x 2
Dépôt légal : avril 2013
ISBN : 9782070446001
Prix : 7,70 €



Nicolas Soffray
4 août 2013


JPEG - 26.9 ko



JPEG - 21.4 ko
Edition originale
Couverture par Maroussia Podkosova & Patrice Larcenet



Chargement...
WebAnalytics