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Collision
Film américain de Paul Haggis (2004)
14 septembre 2005


Genre : Drame
Durée : 1h47

Avec Matt Dillon (Ryan), Thandie Newton (Christine), Sandra Bullock (Jean), Don Cheadle (Graham), Jennifer Esposito (Ria), Ludacris (Anthony), Brendan Fraser (Rick), Ryan Philippe (Hansen)

Au début, qui est la fin, l’inspecteur dit que ce qui compte c’est le sens du toucher... que dans toutes les villes du monde, les gens marchent, se frôlent, se touchent, partout, mais pas à L.A., où l’on ne se croise qu’en voiture. Alors parfois, les gens se rentrent dedans, rien que pour se sentir.

Elles sont partout les autos tamponneuses, caissons d’acier qui permettent d’arracher à la circulation des échantillons d’humanité, des êtres tout en nuances qui roulent sur la ligne discontinue, entre la voie de l’ange et celle du démon.

Le 4X4 volé à un procureur blanc par de jeunes voyous noirs ; la camionnette de ce vieux chinois qui sera renversé par la voiture volée ; cet autre 4x4, symbole de réussite sociale d’un noir aux cheveux défrisés ; la voiture de travail du serrurier, celle de l’inspecteur, celle de la femme du chinois, les autres voitures de police, les ambulances ; autant de véhicules qui, tôt ou tard, vont entrer en collision.

Et dans les voitures, des gens, qui ont tous un problème avec leur peau ou celle des autres. Les voleurs de voitures sont noirs, ce qui dérange le procureur, prêt à tout pour s’acheter le soutien de la minorité noire. La femme du procureur ne fait pas confiance au serrurier latino qui ne demande qu’à offrir à sa femme et à sa fille une vie paisible. Le commerçant perse, victime d’attaques anti-arabes est décidé à tuer le serrurier. L’épouse du chinois renversé est fière d’être une citoyenne américaine et réclame d’être traitée comme telle. L’inspecteur « afro-américain » garde des contacts tendus avec sa mère, droguée, alcoolique. Le jeune policier blanc ne supporte pas le racisme de son coéquipier, etc., etc.
Tous ont une couleur, des préjugés, des excuses.

On ne sait plus qui avait tort. On doute, on s’interroge, tandis que se poursuivent les rencontres et les chocs qui découpent les personnes suivant leurs pointillés respectifs. Des collisions, encore et encore, tandis que sous les flocons de neige, brûle une carcasse de voiture, souillée de sang.

En regardant défiler, sans les voir, les lignes du générique, on entend encore résonner dans sa tête l’avertissement du policier à son jeune collègue : Tu crois savoir qui tu es, hein ?

Voilà enfin un film qui aborde la question du racisme sans tomber dans le manichéisme habituel. Il sort du schéma qu’il dénonce pour mieux le décrire.

Les protagonistes ont tous leurs raisons, bonnes ou mauvaises. Les victimes, de toutes les couleurs, sont aussi des bourreaux. Si le problème est fort bien disséqué, la solution, elle, n’est que suggérée : Oublier les groupes et oser aborder les personnes, une par une. Oser se rentrer dedans. Oser toucher la différence.
Collision est à voir.
ON me l’avait dit, en haut lieu.
J’ai vérifié. Allez voir !

Ketty Steward

Los Angeles de nos jours. En 36 heures, des personnes que rien n’unit se croisent. Un couple bourgeois se fait voler sa voiture par deux blacks, un policier afro-américain couche avec sa coéquipière latino, un serrurier mexicain répare la porte branlante d’un épicier perse, un couple noir est malmené par un policier blanc...

S’il n’est pas facile de résumer « Collision », c’est peut-être parce que le film repose plus sur le message qu’il véhicule que sur les histoires qu’il décrit. En quelques heures, des personnes aux destins opposés se rencontrent au fil des événements. Si les rencontres sont éphémères, ces gens sont tous liés par un thème : le racisme.

Le scénariste de « Million Dollar Baby » met les pieds dans le plat et frappe là où ça fait mal. Si les États-Unis revendiquent leur melting-polt, ils ont oublié les tensions et les préjugés que ces communautés génèrent. Au-delà des personnages « cliché » se cachent des vérités troublantes et parfaitement réalistes. La scène d’ouverture donne le ton. Deux Blacks sont dans un quartier friqué et bourgeois. Ils croisent un couple de blancs. La femme détourne son regard et change de trottoir. Les Blacks évoquent tout de suite les préjugés des femmes blanches qui ont peur des afro-américains. Oui mais voilà. La seconde qui suit, ils braquent le couple et volent leur voiture. Les deux communautés se retrouvent prises au piège de leurs préjugés. Chacun avait raison par rapport à la réaction de l’autre et se conforte dans ses pensées. « Collision » est rempli d’anecdotes sur ce modèle. Paul Haggis réussit à ne prendre le parti de personne. Tous ont, à un moment, tort, et à un autre, raison.

Tourné en seulement 35 jours, « Collision » est rempli de rôles à contre emploi, dont ceux de Sandra Bullock et Brendan Fraser. Quant à Matt Dillon, son personnage est le plus ambigu. Il n’hésite pas à humilier une femme et son mari par excès de zèle mais met sa vie en danger pour sauver cette même femme. Il peut être aussi antipathique que sympathique. Les acteurs portent « Collision » en jouant avec leurs tripes et leur conviction : démontrer que le racisme n’est qu’une peur de l’autre, qu’on ne peut apprendre à connaître qu’en allant au delà des préjugés.

Seule faiblesse du film, le montage. Pas toujours très clair, le spectateur met du temps à relier les personnages entre eux. Sur ce modèle, Jim Jarmusch avec « Night On Earth » ou « 21 Grammes », de Alejandro Gonzalez Inarritu étaient mieux orchestrés. Malgré tout, le film reste lisible. Les dialogues sont percutants, ils font mouche à chaque fois. Ils terrorisent tant ils sont actuels et réalistes. Ils nous rappellent qu’un préjugé n’est pas la vérité, qu’il ne faut pas rester hermétique et qu’il vaut la peine de se battre contre les clichés.

Paul Haggis démontre habilement que nos conduites sont quelquefois dictées par notre classe sociale, notre couleur de peau ou nos craintes. Aucune communauté n’échappe au jugement impartial de Haggis, si ce n’est la communauté arabe, à peine évoquée par les épiciers perses.

« Collision » fait froid dans le dos. Il est à mi-chemin entre l’espoir et une réalité bien triste. Il met en lumière l’état de la société américaine, perdue entre l’intégration et le communautarisme, coincée entre ses institutions figées et ses besoins au cas par cas. C’est un film qui fera date plus pour ses prises de position que par son montage.

Céline Bouillaud

FICHE TECHNIQUE

Réalisateur : Paul Haggis
Scénario : Paul Haggis, Bobby Moresco

Producteur : Don Cheadle
Paul Haggis
Mark R. Harris
Robert Moresco
Tom Nunan
Productrice : Cathy Schulman
Producteur : Bob Yari

Compositeur : Mark Isham
Image : James Muro
Costumes : Linda Bass
Chef décoratrice : Laurence Bennett
Chef monteur : Hughes Winborne

Production : Bull’s Eye Entertainment, U.S.A.
Stratus Film, U.S.A
Distribution : Metropolitan FilmExport, France
Lions Gate Films Inc, U.S.A


Céline Bouillaud
Ketty Steward
15 septembre 2005



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