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La Révélation des Médicus
Eli Anderson
J’Ai Lu, fantastique, 344 pages, décembre 2012, 7,20€

Détenu dans une prison lointaine, un sinistre individu parvient à s’en évader par une méthode assez peu ordinaire. Il commence par pénétrer dans une sardine laissée en marge de son repas, puis, une fois ladite sardine ingérée par son gardien, il passe dans le corps du geôlier et attend pour en sortir que celui-ci ait quitté la prison. Qu’à cela ne tienne : lorsque la confrérie des Médicus l’apprend, ses membres se réunissent là où personne n’aura jamais l’idée d’aller les espionner : rien moins que dans l’estomac d’un canari ! Après début aussi inventif et farfelu, le roman saura-t-il tenir ses promesses ?



Pour la confrérie des Médicus, l’évasion du Prince Noir, est une véritable catastrophe. Il s’agit en effet d’un membre éminent de la secte ennemie des Pathologus dont les pouvoirs sont immenses. Or, les Médicus ne sont pas suffisamment puissants. Qu’à cela ne tienne : ils vont former de nouveaux membres.

Oscar Pill, un jeune écolier orphelin de père, apprend qu’il fait partie des Médicus : son père est celui-là même qui avait permis d’emprisonner le Prince Noir. Le voilà donc stagiaire dans le mystérieux domaine de Cumides Circle (anagramme transparent de Médicus) où arbres et fleurs jouent au ballon, où les âmes d’anciens Médicus vivent encore dans les objets, et où les livres sont animés. Il sera chaperonné par Winston Brave, Grand Maître des Médicus, et Bérénice Withers, qui lui apprendra à se transporter dans les organismes vivants.

Mais Oscar n’est pas autorisé à combattre. Pour faire son apprentissage, il doit tout d’abord ramener des composants de chacun des cinq grands territoires du corps humain : Embrye, Hépatolia, univers souterrain où la nourriture est transformée en énergie, l’univers de Pompée, le cœur, et de la Mer Pourpre associée, Génétis, qui rayonne vers les quatre autres univers, et Cérébra, le cerveau. Un vaste terrain d’exploration pour Oscar Pill. Mais rien n’est facile, et il s’y trouvera confronté, bien plus rapidement que prévu, à d’infâmes émissaires de la secte des Pathologus.

Un mélange assez difficile de magie et de science

Rien de très neuf dans l’idée de base de ce roman puisqu’elle remonte au scénario du long métrage « Le Voyage fantastique », imaginé par Otto Klement et Jay Lewis Bixby, et qui a servi de point de départ à deux romans d’Isaac Asimov, « Le Voyage fantastique » (1966) et « Destination cerveau » (1987). Toutefois, sa déclinaison sous la forme d’un pouvoir occulte plutôt que d’une miniaturisation scientifique permet à ce roman de s’écarter un peu de ses prédécesseurs.

Malheureusement, la magie, ou plus exactement l’inspiration, ne suit pas. Car l’interprétation mécaniste et industrielle des processus mécaniques et chimiques (avec véhicules et personnages) à l’œuvre dans le corps humain a bien du mal à rester en cohérence avec ce parti pris de magie. Et l’on est bien obligé de constater la faiblesse de l’inspiration de l’auteur, qui ne fait rien d’autre que décrire ces bandes dessinées distribuées par les organismes de promotion de la santé pour apprendre aux tout-petits comment fonctionne le corps humain.

L’ensemble, à la fois servi et desservi par un style certes simple et lisible, mais aussi assez terne, accumule péripéties et rebondissements sans trop se soucier d’homogénéité et de cohérence. Les tout jeunes lecteurs, peu critiques, se laisseront donc entraîner au long d’une soixantaine de chapitres courts et bondissants. Les moins jeunes, sans doute, se laisseront moins facilement abuser.

De bonnes intentions mais aussi des limites

Malgré les maladresses décrites ci-dessus, ce roman est à l’évidence animé par une volonté didactique et donnera aux plus petits quelques notions intéressantes sur cette formidable usine biochimique qu’est le système hépato-biliaire et sur les mécanismes de coagulation mis en œuvre au sein de l’organisme. Quelques messages bien-pensants viennent agrémenter l’ensemble, notamment un appel à la tolérance et à l’acceptation des différences. Bien des lecteurs, même jeunes, regretteront que l’once de folie créatrice du départ s’atténue par la suite devant des péripéties contées de manière moins originale. Mais plusieurs autres aventures d’Oscar Pill font suite à « La Révélation des Médicus  », et il n’est pas interdit d’espérer y retrouver un peu de véritable fantaisie.

Notons pour finir qu’on ne trouve nulle part mention du traducteur de ce que l’on croit être une œuvre anglo-saxonne, et pour cause : Eli Anderson n’est que le pseudonyme d’un auteur français. On regrettera ce genre d’artifice purement mercantile qui ne fait, hélas, que traduire le constat fait par les éditeurs : l’imaginaire hexagonal ne pèse pas grand-chose face à ses concurrents anglophones. Si un tel artifice n’avait pas été si grossièrement utilisé, peut-être Oscar Pill, souffrant du syndrome Harry Potter et incapable de tenir la comparaison avec l’univers de J.K. Rowling, ne serait-il pas venu conforter aussi visiblement ce constat.


Titre : La Révélation des Médicus
Série : Oscar Pill, tome I
Auteur : Eli Anderson
Couverture : Miguel Coimbra
Éditeur : J’Ai Lu (édition originale : Albin Michel,2009)
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 10202
Pages : 344
Format (en cm) : 11,5 x 18
Dépôt légal : décembre 2012
ISBN : 978-2-290-05775-9
Prix : 7,20 €


Eli Anderson sur la Yozone :
- La chronique de l’édition précédente
- La chronique du volume suivant


Hilaire Alrune
14 mars 2013


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