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Dernier apprenti sorcier (Le), tome 3 : Murmures souterrains
Ben Aaronovitch
J’ai Lu, Nouveaux Millénaires, traduit de l’anglais (Grande-bretagne), policier/urban fantasy, 415 pages, février 2013, 18€

C’est après avoir rencontré un fantôme au cours d’une planque que le jeune inspecteur Peter Grant a réalisé qu’il était doué d’une prédisposition toute particulière pour l’occulte. Rapidement pris sous l’aile d’un enquêteur plus expérimenté que lui en ce domaine, l’enquêteur Nightingale « plus british que moi tu meurs », accompagné de la séduisante inspectrice Lesley May, il rencontrait, dans « Les Rivières de Londres », les déesses des rivières et des entités moins bénéfiques, puis enquêtait, dans « Magie Noire à Soho », dans les milieux londoniens du jazz. Sa troisième aventure l’emmène dans une nouvelle partie spécifique : ses profondeurs souterraines, qu’elle soient connues ou inconnues.



Une petite fille qui voit un fantôme dans un segment de voie ferrée à l’abandon ; un étudiant américain en art assassiné à coups de poterie dans le métro ; un terrifiant piège à démons inscrit de runes elfiques s’adressant aux geeks ; des machineries souterraines d’allure steampunk aux fonctions totalement inattendues ; une sorte d’elfe à capuche qui vous arrose à l’antique mitraillette Sten dans les égouts : voilà quelques-uns des ingrédients auxquels se trouve confronté Peter Grant dans cette enquête qui l’emmènera plus bas que terre, et pas seulement aux yeux de ses supérieurs.

Car c’est en effet dans le métro, les collecteurs souterrains et autres galeries inconnues que se dérouleront en partie les investigations de Peter Grant, en cette fin de décembre où Londres est rendue impraticable par des chutes de neige. Une série de filatures et de rencontres qui, aussi bien à la surface qu’au-dessous, permettront une fois encore à Ben Aaronovitch de guider son lecteur à travers la ville de Londres, personnage à part entière de ses romans. Une capitale dont les métamorphoses modernes sont décrites par le biais des réflexions et de l’humour savoureux, désabusé et passablement british de Peter Grant, mais dont l’histoire plus ancienne, richement décrite, vient également s’intégrer sans lourdeur à l’intrigue.

Si le premier volume, « Les rivières de Londres », souffrait un peu du démarquage « Harry Potter à l’école des sorciers  », et si la suspension d’incrédulité – notamment la facilité avec laquelle le héros acceptait le paranormal – y apparaissait un peu trop marquée, ce défaut a fort heureusement disparu de « Murmures souterrains ». La part de fantastique, de magie – ou, si l’on veut, de « fantasy » –, si elle est bel et bien présente, ne l’est que d’une manière discrète, progressive, avec en toile de fond, de manière quasiment permanente, le doute et les questionnements des personnages avec lesquels le héros est amené à travailler. Peter Grant y retrouve certes les véritables déesses des rivières rencontrées auparavant, son enquête le confronte certes à des suspects ayant été, de manière inattendue, confrontés à la magie, mais cette dernière n’est jamais ostentatoire et grignote lentement sa place dans une intrigue essentiellement policière. Pas ou peu de sorts venant, tels des deus ex machina, sauver le héros au moment opportun, pas ou peu d’affrontements pyrotechniques entre sorciers, et globalement assez peu d’artifices. Un refus de céder à la facilité qui, de toute évidence, réussit fort bien à ce volume.

Il est quasiment impossible, lorsque l’on parle de Londres, de sorts, de magie, et d’un enquêteur contemporain à la frontière entre réel et occulte, de ne pas songer à l’un des romans les plus originaux de Charles Stross, « The Atrocity archive », publié en langue anglaise en 2001 et traduit en France en 2004 sous le titre Le Bureau des atrocités. Si Stross imaginait les efforts pour empêcher le retour d’horreurs très lovecraftiennes rendues accessibles par les mathématiques de haut niveau, Aaronovitch part du principe que le grand Isaac Newton n’a pas écrit seulement les Principia mathematica : il a également fondé la magie moderne. On est donc, on le voit, confronté à des postulats similaires. Aaronovitch pâlit quelque peu de la comparaison : il est certes inventif, mais moins que Stross ; il pratique fort bien l’humour british, mais avec une férocité moindre que celle de Stross. D’un autre côté, il est plus léger, moins noir, et plus grand public. Sans que l’on puisse dire qu’il est plus moderne, il prend également soin d’être un peu plus dans l’air du temps : ses références sont du côté du très grand public : les Harry Potter, Tolkien (surtout les longs métrages), les séries télévisées (X-files) les jeux, la musique, etc.

Il n’empêche : si ce roman de Ben Aaronovitch souffre un peu de la comparaison avec l’une des œuvres les plus réussies de Charles Stross, s’il lui manque ce « quelque chose » qui lui permettrait de laisser une trace durable dans les mémoires, ses qualités sont bel et bien là. Londres, la nuit, les fantômes, les sorciers et les criminels, une vieille Jag, cette bâtisse nommé la Folie, une pincée de magie, des personnages savoureux et de tous poils : en quelques volumes, Aaronovitch a su donner à sa série, en sus d’un humour très british, une personnalité particulière que l’on retrouve avec plaisir. Des livres de toute évidence faits pour passer agréablement les soirées les plus sinistres de l’hiver. « Broken Homes », le quatrième volume des enquêtes de Peter Grant, devrait sortir en langue originale cette année ; espérons que la collection Nouveaux Millénaires, qui a publié les premiers tomes, n’oubliera pas de le mettre à son tour à son catalogue.


Titre : Murmures souterrains (Whispers Under Ground, 2011)
Série : Le dernier apprenti sorcier (Rivers of London), tome III
Auteur : Ben Aaronovitch
Traduction de l’anglais (Grande-Bretagne) : Benoit Domis
Couverture : Flamidon d’après Stephen Orsillo
Éditeur : J’ai Lu
Collection : Nouveaux Millénaires
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 413
Format (en cm) : 13 x 20 x 3
Dépôt légal : février 2013
ISBN : 978-2-290-04037-9
Prix : 18 €



Hilaire Alrune
10 mars 2013


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