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Blechkoller
Damián & J. Hernández
12 bis

Erik Schultze est opérateur sonar à bord d’un U-Boot. En plein conflit, il tient entre ses mains tremblantes la vie de tout l’équipage. Mais un mal invisible ronge la santé mentale du jeune homme.
Souffrant de l’enfermement prolongé, Erik peut mettre en danger ses équipiers, voire tous ses compatriotes s’il cède au chantage des alliés.



« Blechkoller », littéralement le syndrome de la boite de sardines, est une névrose violente que peuvent connaitre les sous-mariniers. C’est en fait une forme de surexcitation nerveuse de certains membres d’équipage face à des conditions extrêmes. Ces crises d’hystéries s’accompagnent d’hallucinations, de crises de claustrophobie sévères et d’une violence croissante, allant jusqu’à l’automutilation. Aujourd’hui, les bonnes conditions de vie des sous-mariniers en mission limitent ce mal-être. Mais, pendant la seconde guerre mondiale, le quotidien de l’équipage d’un U-Boot était terrible. Les allemands vivaient dans un monde confiné, bruyant, nauséabond, suffoquant et brûlant. Le manque de sommeil, l’inconfort, la promiscuité, l’ennui et la peur pesaient sur leurs journées. Au combat, le danger était omniprésent.

La BD des auteurs barcelonais Damián Campanario Hernández, alias Damián, et Javier Hernández Guerrero retranscrit assez fidèlement cet environnement oppressant. Les visages sont fatigués, les cases torturées. A bord de l’U-966, les sous-mariniers allemands subissent les assauts des bâtiments de surface alliés. Les grenades pleuvent. Impossible de faire surface dans cet environnement hostile. Pire, si une grenade parvenait à endommager le sous-marin, la voie d’eau entraînerait irrémédiablement le submersible vers le fond des océans. Une seule solution : fuir la zone et se cacher. Ne surtout pas se faire repérer par les ennemis en surface.

A bord d’un sous marin, les yeux du bâtiment sont en réalités ses oreilles. Et ces oreilles appartiennent à Erik Schultze, opérateur sonar. Sa fonction est vitale pour l’équipage : il doit écouter tous les bruits environnants, définir leurs origines et les localiser. De ses analyses dépendant la navigation du sous-marin, l’évitement d’obstacles, le contournement des ennemis, l’identification des cibles… Les veilleurs sonar se relaient en continu pour guider le sous-marin. Erik est doué mais ces longs mois passés dans cet environnement confiné rongent son esprit. Des sueurs froides coulent le long de sa nuque. La pression est trop grande. Une seule erreur de sa part et le bâtiment de la Kriegsmarine s’expose à une arme anti-sous-marine, ou refait surface à proximité d’un destroyer ennemi. Le jeune homme plie sous les responsabilités qui lui sont confiées. La pression est trop forte. Le chant des oiseaux, l’air pur, lui manquent. Ses vieux démons d’enfance viennent le hanter dans des rêves éveillés. Le mal l’envahit. Cette tension va lui faire commettre une erreur. Une seule. Celle de ne pas entendre le sous-marin américain qui les suit depuis longtemps, attendant un faux pas de l’U-Boot. Aux abords du golfe de Vizcaya, sur les conseils d’Erik, le sous-marin refait surface. Cette décision est fatale car elle expose alors le bateau aux torpilles de son poursuivant. Le sous-marin allemand est détruit. Seuls Erik et son commandant, Günther, en réchappent miraculeusement et sont fait prisonniers. L’équipage américain compte sur leurs captures pour révéler les clés d’Enigma, la machine de cryptage électromécanique du IIIème Reich qui permettait le chiffrement et le déchiffrement de l’information. Pirater Enigma donnerait une avance considérable à l’armée alliée. Sa maîtrise est primordiale. Or, il se trouve qu’Erik était le spécialiste du déchiffrement des données à bord de l’U-966...

En ce moment, les albums évoquant les sous-mariniers allemands de la Grande Guerre sont nombreux. Les séries “U-Boot” de Jean-Yves Delitte et “Immergés” de Nicolas Juncker en sont quelques exemples. Ce one-shot espagnol ne souffre pas de la comparaison. Le scénario de cet album est crédible, bien ficelé, et visiblement très bien documenté. D’ailleurs, le véritable U-966 a été coulé par les alliés le 10 novembre 1943 au large de l’Espagne.

Comme souvent dans ce genre d’histoire, les graphismes sont assez austères. Des traits épais, des visages déformés et des couleurs ternes habillent les planches. Cet aspect visuel, qui colle pourtant parfaitement avec l’ambiance de l’ouvrage, peut éloigner certains lecteurs potentiels. Pour couronner le tout, les visions tourmentées d’Erik montrent des personnages macabres, des spectres monstrueux qui n’invitent pas à la lecture. Même les dessins des sous-marins, assez grossiers, ne pourront pas satisfaire les amateurs du genre. Il faut donc passer cette première impression pour entrer dans l’histoire. Et l’effort en vaut la peine.
Le scénario est bien construit, assez captivant, même si l’on devine assez rapidement son issue. L’histoire oscille intelligemment entre récit historique et huis clos psychologique. Les hallucinations d’Erik offre même quelques visions fantastiques. Les cases comportent peu de bulles, laissant une grande place à la narration graphique. Les habitués à ce genre d’histoire pourront toutefois critiquer une traduction des termes techniques parfois imprécise. Les connaisseurs des termes « reprise de vue », « gisement » ou « situation acoustique » regretteront ces lacunes. Mais je chipote.

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En partenariat avec les éditions Les Nouveaux Auteurs, 12bis propose, après “Zigeuner”, une nouvelle bande dessinée dont le sujet présente l’Allemagne nazie sous un angle différent. Cette collaboration d’éditeurs semble assez fructueuse, proposant quelques livres intéressants et originaux.

Malheureusement, bien qu’elle soit parfaitement réalisée, le sujet de cet album reste réservé à un public d’amateur. Son style graphique particulier risque par ailleurs de rebouter quelques curieux. Faute de succès, la série “Immergés” avait été stoppée de façon anticipée, ce one shot ne doit donc pas s’attendre à soulever les foules. Mais cela n’enlève rien à sa qualité générale et au talent de ses auteurs.


Blechkoller
- Scenario : Damián Campanario Hernández, alias Damián
- Dessin : Javier Hernández Guerrero
- Éditeur : 12bis
- Dépôt légal : 13 septembre 2012
- Format : 240 x 320 mm
- Pagination : 48 pages couleurs
- ISBN : 978-2-3564-8393-5
- Prix Public : 13,90 €


Illustrations © Hernández et 12bis (2012)



Allison & Julien
17 décembre 2012




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