Chargement...
YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Contes Désenchantés
David Bry
Lokomodo, fantasy, roman-nouvelles (France), fantasy, 250 pages, novembre 2012, 7,50€

Une auberge à la croisée des chemins, une salle comble, quatre conteurs : voici une veillée qui commence bien !
Sous la houlette de Robin, maître de cérémonie, voici que 3 raconteurs vont animer cette soirée. Bartholomé, petit un peu bossu, joue de son physique disgracieux pour forcer sa gouaille et emporter tous les suffrages avec ses histoires de princes cocus et de princesses coquines. C’est lui qui tiendra essentiellement le crachoir, quand il voudra bien lâcher les chopines qu’on lui offrira pour pallier à la sécheresse galopante de son gosier.
Puis aux rires gras et faciles succèderont les larmes, lorsque le beau Fargo en viendra aux histoires d’amour tristes ou que la mystérieuse Deirdre réveillera les beautés aujourd’hui disparues de la féérie.



David Bry est un touche-à-tout, de génie pourrait-on sans peine rajouter. En fantasy (« La seconde chute d’Ervalon », chez Mnémos) ou en SF (« 2087 », chez Black Book), il fait merveille. Le voilà qui nous livre une petite fantaisie plus surprenante qu’il y paraît.

La forme choisie est déjà agréable : plutôt qu’aligner les contes, l’auteur nous donne le cadre d’une veillée à l’auberge. Et si les enchaînements et présentations de Robin, qui chauffe la salle, deviennent rapidement répétitifs, une intrigue secondaire vient se greffer dans ces moments interstitiels, sombre affaire de complot d’État et de trahison. Affaire un peu nébuleuse et tellement environnée de mystère qu’à l’instar des espions qui doivent se retrouver ou s’intercepter à l’auberge, on mettra un moment à y voir clair.

Trois conteurs, avons-nous dit, et trois styles d’histoires. Bartholomé a souvent la parole, pour des contes un peu lestes, où la magie des contes de fées est souvent désenchantée, ou détournée pour de plus viles activités. Certaines sont assez crues, et seule la chute les rendra finalement aussi cocasses que délectables. Ainsi de cette innocente orpheline qu’un prince déjà bien aviné fait boire, pour l’attirer dans sa chambre. Il s’avérera au matin que la pucelle n’en était pas une (mais quoi, je vous laisse le découvrir). Dans la bouche de Bartholomé, les hommes ne sont guère reluisants, mais les femmes ne se laissent pas faire : les réactions du public dans la salle s’en font le net écho.
Fargo se charge des histoires « pour les jeunes filles » : moins de rire, plus d’héroïsme, avant de lever le voile sur ce que cachent le courage, la vaillance et les vœux de fidélité pour toujours. Il brise les cœurs par son sourire, et brise les rêves par ses contes où les princesses ne sont plus heureuses dès qu’elles ont épousé leur prince, soudain changé en homme normal avec ses chaussettes à repriser et son hygiène déplorable...
Deirdre, enfin, évoque quelques bêtes fabuleuses, fragments merveilleux qu’on imaginera alors disparus, épuisés, détruits par la société humaine qui n’a plus ni respect pour les choses anciennes, ni temps pour rêver. Elle ne juge pas, n’accuse pas, dit, simplement, et cette parole sans contrainte pousse d’elle-même à l’introspection.

Plutôt qu’une grande saga, David Bry prend la fantasy par le petit bout, par sa source : les contes. Il fait le travail de tout conteur : il mêle le merveilleux, propice au rêve, à l’évasion du quotidien, à suffisamment de psychologie pour toucher son auditeur là où il le souhaite. Que l’arme choisie soit l’humour ou les larmes, le public est conquis, retrouvant dans ces histoires teintées de quelque chose en plus tous les détails d’un réalisme qui les rend presque vraies. Eux aussi pourraient en être les héros. C’est ce qui fait qu’une bonne histoire fonctionne. Et les héros ne sont pas mieux lotis qu’eux, cocus, trempés, humiliés, paysan et chevalier sont égaux lorsqu’ils ont les deux pieds dans le fumier.
Rien ne sonne plus faux que les contes de fées : de bons sentiments, des caractères excessifs... Les personnages de ces « Contes désenchantés » sont nettement plus vrais, sincères avec leur moi profond : avides, fourbes, impressionnables... Quand bien même ils partent avec les meilleures intentions, il seront eux les premiers rapidement... désenchantés.


Titre : Contes désenchantés (nouvelles)
Auteur : David Bry
Couverture : Aalehx
Éditeur : Lokomodo
Site Internet : fiche du roman
Collection : fantasy
Pages : 250
Format (en cm) : 11 x 18 x2
Dépôt légal : novembre 2012
ISBN : 978-2919141487
Prix : 7,50 €



Nicolas Soffray
18 mai 2013


JPEG - 63.4 ko



Chargement...
WebAnalytics