Le recrutement est difficile, car les marins syndiqués voient d’un mauvais œil ce trouble fête. De plus, ses anciens patrons « Les chargeurs et affréteurs réunis », qu’il a laissé tomber à son retour d’Indochine, ne lui facilitent pas la vie. En visitant le bateau, juste avant de partir pour se faire réparer et réarmer, car endommagé par un incendie, Yann et l’équipage font une macabre découverte. Un homme nu, éviscéré, allongé au milieu de bougies et, pour ne rien arranger, les dockers ont commencé une grève et occupent les docks. Est-ce que le bateau ne serait pas maudit ?
Dixième album et quatrième cycle pour Yann Calec qui, après avoir bourlingué autour du monde, est de retour à son port d’attache pour un one shot. Dans cet album, Jean Charles Krahen nous concocte une très bon polar brumeux et poisseux à souhaits. Ce scénario est digne d’une Série noire et l’on ne serait pas surpris d’apercevoir un Gabin ou un Lino Ventura sortir d’un « Quai des brumes ».
L’intrigue est prenante avec une très bonne gestion des indices, laissant le lecteur partager l’enquête et échafauder ses solutions. Les dialogues sont justes, avec ce qu’il faut comme terminologie marine pour ancrer correctement l’ambiance portuaire. Kraehn intègre aussi dans cet album, un côté social, en mettant en avant les mouvements sociaux des dockers. Au début des années 50, des mouvements chez les dockers ont eu lieu, des films comme « Le Rendez-vous des quais » de Paul Carpita, réalisé par entre 1950-1953, fut interdit après sa sortie en 1955 et ne ressortira qu’en 1990. Vous pouvez aussi regarder « Vivent les dockers » tourné en 1951 par Robert Mènègoz pour la C.G.T. Je vous conseil, aussi, la lecture d’« Un homme est mort », aux éditions Futuropolis, de Davodeau et Kris, retraçant la mort d’un docker, Édouard Mazé, abattu par les CRS lors des grèves de 1950 à Brest.
Cet ouvrage fait référence à un film, aujourd’hui disparu, tourné par René Vautier dont certaines images furent utilisées pour le film, cité précédemment.
Le dessins de Patrick Jusseaume, dans ce trait réaliste qui lui appartient, ne font que prolonger les images d’archives. On retrouve ces ambiances populaires de quais, avec les petits bistrots, le charme des films noir et blanc d’après-guerre qui collent si bien au polar. Des marins qui ont chacun leur trogne au poste de pilotage, il n’y a pas défauts. Je ne peux pas m’empêcher de faire un parallèle entre Yann Calec et Corto Maltese, surtout pour son profil, page 10, où il ne lui manque plus que la célèbre casquette. Petite information, de la page 51 à 56, c’est Jean Charles Krahen qui a repris le dessin suite à une maladie de Patrick Jusseaume. Vous pouvez vous apercevoir... de rien, chapeau messieurs. Et de même à Madame Patricia Jambers qui a réalisé les couleurs de la couverture ainsi que les pages 33 à 56.
Bon rétablissement à Patrick Jusseaume.
Un retour aux sources gagnant qui nous rend impatient pour le prochain cycle. Vous pouvez vous inscrire sur le site : http://www.dargaud.com/tramp/alerte, afin d’être alerté lors de la sortie du prochain tome.
(T10) Le Cargo maudit
Série : Tramp
Scénario : Jean-Charles Kraehn
Dessin : Patrick Jusseaume, Jean-Charles Kraehn
Couleur : Patrick Jusseaume, Patricia Jambers
Éditeur : Dargaud
Dépôt légal : 30 mars 2012
Pagination : 56 pages couleurs
Format : 24x32 cm
ISBN : 9782205065121
Prix public : 13,99€
A lire sur la Yozone :
Tramp (T9) Le Trésor du Tonkin
© Kraehn, Jusseaume - Dargaud - 2012