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Je suis le gardien de mon frère
P. Makyo & L. Wei
Glénat

Nico et Yvan sont frères. Physiquement, ils se ressemblent un peu. Un peu seulement.
Et psychologiquement, tout les oppose. Il faut dire que leur cocon familial ne favorise pas la stabilité.
Leur père est alcoolique et violent. Leur mère, effacée et brisée. Des présomptions, des non-dits, rongent cette famille chaotique.
Les deux frères auront-ils la force nécessaire pour se protéger mutuellement de cet environnement néfaste ?



Pierre Makyo, l’auteur de séries telles que “Inversion”, “Balade au bout du monde”, “Prédiction”, et “La Porte du ciel”, est souvent inspiré par les histoires traitant du décès d’un être cher et des liens fraternels. Il aime que ses personnages aient une part d’ombre, une fêlure d’âme, qu’ils soient affaiblis psychologiquement par un événement traumatisant passé. “Je suis le gardien de mon frère” ne déroge pas à la règle. Ces idées constituent même le cœur du récit.

Élevés dans un environnement familial malsain, les deux frères s’aiment et se détestent à la fois. Nico, l’ainé, est l’objet de toutes les attentions du père, Alexis. A l’inverse, depuis sa naissance, Ivan subit les propos dégradants, les insultes, les coups de ce paternel alcoolique. Plus le temps passe, plus ces violences deviennent fréquentes et brutales. La rivalité entre les deux frères s’accentue avec ces injustices. Sous les yeux de Nico, Ivan s’enferme dans la haine, la violence, les idées morbides. Malgré tout, les deux adolescents, unis par le même sentiment d’écœurement envers ce père venimeux, se serrent les coudent. Nico, bien que conscient de la jalousie de son frangin, ne peut s’empêcher de panser les plaies d’Ivan.
Et ce qui devait arriver finit par arriver…
Un soir, ivre de colère, Alexis se retourne sur Nico, abasourdi. La riposte d’Ivan est immédiate : il tire sur son père et le tue. Leur mère, Léonie, décide alors d’enterrer le corps en secret dans le jardin. Le monstre est mort mais avec lui, il semble que la dernière lueur de vie d’Ivan ait disparu. Il est vide, mort à l’intérieur, ravagé par l’acte qu’il a commis.
Pour sauver son cadet, Léonie envoie ses deux enfants chez sa sœur Véra. Cette tante paraplégique va tenter de reconstruire les adolescents. Elle va mettre des mots sur le mal-être des garçons. Elle va lever les tabous et révéler les secrets de famille. Elle va fournir aux enfants un « carnet noir », vierge, sur lequel ils pourront écrire leurs idées noires, leurs sentiments, leurs vies. Mettre des mots sur leurs maux. Mais est-ce que cette thérapie se révèlera suffisante pour l’avenir de ces garçons ? Jusqu’où ces deux frères seront-ils prêts à aller pour se protéger mutuellement ?

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Le récit de “Je suis le gardien de mon frère” est dense et complexe. Je ne vous ai raconté là que les vingt premières pages d’un roman graphique qui en comporte plus de quatre vingt dix ! Au fil des planches, le lecteur suit la vie de ces frères, racontée sous la plume de Nico, le narrateur. On a ainsi l’impression de lire les pages de son fameux carnet noir. Ceci est d’ailleurs possible en fin d’album, où l’intégralité du carnet noir de Nico est retranscrite. A noter d’ailleurs, que ce bonus offre peu d’intérêt et présente même certaines incohérences avec le scénario de la BD.

Le talent de scénariste de Pierre Makyo est indéniable. Même dans sa première série “Jérôme K. Jérôme Bloche”, supposée plus légère, de nombreuses subtilités enrichissent l’histoire. Ici, le ton est résolument plus sombre, réservant ce livre à un public plus adulte selon moi. La référence biblique, au livre de la “Genèse” plus précisément, dans lequel Caïn, jaloux, tue son frère cadet, Abel, parce que Dieu a préféré l’offrande de ce dernier, ne laisse que peu de doute sur l’issue de cette histoire. Quand Dieu demande à Caïn où se trouve son frère, il répond : « Je ne sais pas. Suis-je le gardien de mon frère ? ».
Chaque personnage possède sa part de noirceur, plus ou moins importante. Cet aspect est parfaitement retranscrit dans les dessins de Liu Wei. Pour cette saga familiale, en one-shot, le dessinateur chinois utilise les jeux d’ombre pour décrire les individus. Les yeux ou la moitié du visage sont souvent masqués. La couverture du livre résume assez bien l’ambiance générale. Les deux frères sont présentés de plein pied, portant leur carnet noir dans une main. Dans l’autre main, Ivan tient le revolver avec lequel il a tué son père. Les deux adolescents ont des ailes dans le dos : une aile d’ange et une aile de démon. L’aile d’ange d’Ivan, dont le visage fermé est à moitié masqué, semble d’ailleurs perdre ses plumes. Un beau résumé du livre, symbolisant la psychologie des personnages et montrant les éléments clés du récit.
Les dessins sont assez simples et épurés. On retrouve le style de sa précédente série “Hibernation”. On a même parfois du mal à reconnaitre les protagonistes. Les décors sont minimalistes, voire absents. A la rigueur, ce graphisme un peu austère renforce le sentiment de mal-être général. Il contribue donc en quelque sorte à l’ambiance de l’ouvrage. La palette de couleur est également réduite au maximum. Les teintes sont ternes, fades, tristes, sans doute est-ce là la vision du monde du narrateur, Nico, déformée par une enfance difficile. Les quelques scènes de flashbacks sont différenciées par des planches en noir et blanc.

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La dureté de certaines cases, comme celle montrant une marionnette construite à partir du cadavre du chat de Nico, peut en rebouter certains. Néanmoins, la richesse de ce scénario poignant suffit à garder le lecteur accroché. L’histoire, bien que particulièrement glauque, reste parfaitement crédible. Un drame de la vie ordinaire en quelque sorte. Presque la genèse d’un simple fait d’hivers.


Je suis le gardien de frère
- Scénario : Pierre Makyo
- Dessin : Liu Wei
- Editeur : Glénat
- Dépôt légal : 29 février 2012
- Format : 200 x 265 mm
- Pagination : 112 pages couleur
- ISBN : 978-2-7234-7633-1
- Prix conseillé : 19,50 €


Illustrations © Wei et Glénat (2012)



Allison & Julien
1er juillet 2012




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