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Peau des rêves (La), tome 1 : Nuit Tatouée
Charlotte Bousquet
L’archipel, Galapagos, roman (France), recherche de racines, 229 pages, octobre 2011, 14,50€

Paris, post-Apocalypse.
Plusieurs « races » survivent dans ce nouvel environnement : les Mens, humains (trop ?), Ashes, mutants croisés avec des animaux, mi-rats ou mi oiseaux, Dégénérés cannibales et autres aberrations vivant dans les sous-sols...
Et au milieu de tout cela, Cléo, une jeune fille à la recherche de ses origines, forcément troubles...



Mais tout d’abord, il y a une conteuse. Descendante des gypsies, qui arpentent toujours le monde et relient entre elles les différentes communautés de Mens. Confondue avec une fille de chef de clan, la conteuse s’attire l’attention des mutants qui la retiennent. Sa peau tatouée contient mille et une histoires, et l’encre prend vie, pour narrer celle de Cléo, tatouée quant à elle d’un dragon sur le poignet.

Cléo, adoptée par Marcus le chef du clan du Passage, vit dans les livres, « Cyrano » et quelques Shakespeare sauvés du désastre. Son quotidien n’a cependant rien à envier à ces pièces tragiques : sa petite (demi-)sœur Talia est tantôt jalouse, tantôt sa meilleure confidente, Tybalt, le jeune et brutal chef des éclaireurs, la considère comme sa future compagne et, en bon jeune mâle abruti, ne comprend pas ses désirs de solitude et ne pense qu’à la marquer comme sienne.
Et puis, surtout, il y a ces cauchemars, à propos de ses parents. Des cauchemars, et des questions plus nombreuses après sa rencontre avec une Mutante ailée qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau, jusqu’au poignet tatoué.

Cléo va tenter de retrouver la trace de ses origines, et comprendre le lien qui l’unit à cette Mutante. Mais dans ce monde ravagé, plus facile à dire qu’à faire : les anciens du clan, son père adoptif le premier, l’ont à l’œil depuis qu’elle pose sans cesse des questions. Tybalt devient fou de jalousie à ne pas savoir où elle disparaît, et Talia peine à la couvrir lors de ses escapades...

Charlotte Bousquet, auteure plusieurs fois primée et philosophe de formation, nous livre là une pure histoire de fille. Cléo est à la recherche de ses origines, qu’elle croit être la clef de ses cauchemars, mais elle est également à la recherche de sa place dans ce monde scindé en clans et en races. Il faut dire que le rôle que le sort lui impose n’est guère enviable : en tant que fille adoptive de Marcus, Tybalt la voit comme l’assurance de commander un jour le clan, et la traite comme une poupée de chiffon. Mais Cléo ne l’aime pas, pire, il la répugne, elle qui rêve d’un Cyrano ou d’un héros de théâtre. Et Axel, un mutant-oiseau rencontré lors d’une chasse, exerce une trouble fascination sur elle...
Tout la pousse donc à ruer dans les brancards.

Il faut dire que l’auteure ne gâte pas son héroïne. Son avenir a vu le retour de la force brute, barbare, presque forcément masculine (un personnage féminin, tueuse berserk, sort du moule, mais elle ne fait que copier les mâles), et une jolie jeune fille, même farouche combattante, est encore soumise aux pouvoirs classiques : père, époux, traditions du clan. Les mystères entourant son passé, et visiblement connus des adultes, réduisent encore la marge de manœuvre de Cléo dès qu’elle se met à chercher des réponses.

On regrettera que seules les femmes de cette histoire soient sur le devant de la scène. Les mâles sont limités à quelques clichés, Tybalt le premier, spécimen absolu de l’ado qui ne pige rien aux filles, et finissant par alterner violence et larmes d’excuse sans jamais se remettre en question.

Mon autre regret vient de l’univers post-apocalyptique présenté ici. Charlotte Bousquet est tellement concentrée sur ces personnages, féminins évidemment, qu’on sera bien en peine de s’imaginer ce Paris dévasté. À quelques occasions, Cléo évoque un bâtiment ou l’autre (un ancien théâtre...), mais il y a si peu de description des lieux (le camp du Passage ?) que la sauce se délaye régulièrement, et on finit par s’imaginer dans un no man’s land désertique, et pas un champ de ruines de béton façon friche industrielle. À titre de comparaison, « Le Combat des Trente » faisait de son paysage parisien un élément majeur de l’histoire, presque un lieu mythique. Ici, le décor semble interchangeable, et l’histoire pourrait être de la fantasy (un genre où l’auteure fait merveille), de la SF...

La plume est cependant fluide et le point de vue centré sur Cléo, allié à un rythme assez soutenu, permettent cependant d’apprécier ce premier volume. La vie de Cléo, rythmée par ses lectures (qui donneront j’espère le goût des classiques aux lecteurs), est une pièce tragique, sans vers ni honneur, mais avec son lot de secrets, de complots et de trahisons. On espérera que sa quête sera couronnée de succès dans le tome 2, « Nuit Brûlée ».
Néanmoins, le cycle de « La Peau des Rêves » étant annoncé en 5 volumes sur le site de Galapagos, je crains que les révélations soit se fassent attendre, soit appellent de nouvelles questions.

Concluons sur l’étrange texture veloutée, façon gomme, des couvertures de cette nouvelle collection Galapagos, assez troublante.


Titre : Nuit Tatouée
Série : La Peau des Rêves, tome 1/5
Auteur : Charlotte Bousquet
Couverture : Adrien Aymard & Mélanie Delon
Éditeur : L’Archipel
Collection : Galapagos
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 229
Format (en cm) : 14 x 21 x 2
Dépôt légal : octobre 2011
ISBN : 9782809805628
Prix : 14,50 € (+0,20€ depuis l’augmentation de la TVA à 7% le 01/04/2012)


2 coquilles relevées : 92 (ceuyx), 176 (Raj > RAJ)


Nicolas Soffray
23 juin 2012


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