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Mercenaires (T1) La Meute du Griffon
N. Jarry & P. Deplano
Soleil Productions

Il serait dommage de se limiter au pitch de cette BD pour évaluer sa qualité et son originalité. Certes, il s’agit de la quête d’une assemblée d’individus différents, réunis pour combattre le Mal. Certes, il s’agit d’une histoire de pure héroïc-fantasy avec des orcs, des gobelins, des trolls, des fées… Mais les auteurs ont su adapter les codes usuels du genre pour créer un univers intéressant, assez original.
Servi pas des dessins de haut vol, cette aventure devrait en séduire plus d’un.



Les péripéties d’une communauté éclectique, réunie pour sauver le monde, ne constitue pas un scénario très original. Les combats d’une troupe de samouraïs à l’époque médiévale japonaise non plus. L’opposition du Bien contre le Mal dans un univers d’héroïc-fantasy encore moins. Et pourtant…
Pourtant, Jean-Luc Istin, qui dirige la série, et Nicolas Jarry, le scénariste, ont su mêler ces univers pour en extraire une ambiance très originale, pour ne pas dire unique. Les deux hommes se connaissent bien. Depuis que Jean-Luc Istin est responsable de la collection Celtic chez Soleil, ils collaborent sur de nombreux projets comme “Les Brumes d’Asceltis”, “La Rose et la Croix”, “Troie” et “Durandal”.

L’histoire de “Mercenaires” est simple mais captivante. L’environnement de ce scénario est composé de vastes territoires insulaires, de plusieurs seigneuries profondément ancrées dans l’histoire féodale du Japon. Les vêtements, les armes, les moyens de transport et les habitations sont issus de cet univers classique. Les habitants, en revanche, le sont beaucoup moins. En effet, des orcs, des gobelins et des fées cohabitent dans cette atmosphère paisible. Le mélange des univers est assez surprenant mais reste parfaitement crédible. Voir des orcs revêtir leur armure de samouraïs et des gobelins vivre dans des dojos ne choque pas. Dans cet univers, les orcs sont cultivés et semblent constituer la majorité des habitants de ces provinces exotiques. L’un d’eux, Kan-Um, un ancien chef de meute aujourd’hui seigneur, a en charge de veiller sur un étrange mur. Il y a 700 ans, un esprit-démon et ses hordes d’orcs ténébreux ont été emprisonnés par magie dans un gigantesque mur de pierre. Cet esprit puissant et malfaisant avait alors failli détruire le Monde. Mais les troupes maléfiques emprisonnées semblent recouvrer leurs pouvoirs au fil du temps. Pire, les seigneurs des provinces environnantes refusent de se soucier de ce problème, comme s’ils préféraient détourner la tête pour ne pas affronter leur funeste destin. Le vieux Kan-Um est isolé. Il n’a plus le choix et doit reformer la légendaire meute du griffon. Sa meute. Avec ses anciens compagnons d’arme, il souhaite atteindre le sanctuaire de Su-Ko et y apprendre de quoi renforcer le sortilège du mur. Mais bien des années ont passé depuis leurs dernières quêtes. La meute s’est dispersée. Ses membres ont vieilli. Kan-Um n’est plus assez aguerri pour diriger cette aventure. Il délègue donc cette tâche à son fidèle ami Mo-Kua, l’Intendant, et ses deux gobelins Malorm et Parangon.

Au fil des planches, l’Intendant et ses serviteurs vont retrouver et recruter le cœur de la meute : Pisteur, Héraut, Un-Croc, Dame Papillon, et Danse-Grise. Les recruteurs vont surtout devoir constater que leurs recrus ont vieillis avec Kan-Um. Certains sont aveugles ou paysans, d’autres ont épousé un seigneur. Même si tous ont fait la même promesse, celle de combattre et de mourir ensemble, les capacités réduites et les changements de statut de certains combattants vont obliger l’Intendant à revoir ses plans.

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L’intrigue est assez riche et intègre pas mal de rebondissements. Les relations entre les personnages, bien que rapidement évoquées, sont clairement exprimées et laissent sous-entendre une trame scénaristique complexe. Pourquoi la jeune Liu ne doit pas « oublier ce pour quoi elle a été formée » ? Pourquoi Dame Murène, qui dirige les orcs ténébreux, souhaite-t-elle capturer le vieux seigneur Kan-Um ?
Ce premier tome, grâce à un subtil dosage de phases narratives et de scènes d’actions, a le mérite de poser le décor et de présenter succinctement les personnages principaux. Néanmoins, à lui seul, il ne suffit pas pour parfaitement comprendre l’univers créé par les auteurs. Quelques interrogations demeurent dans cette BD. Quelles sont les espèces qui composent cet univers ? Quelle est la taille de ce monde insulaire ? Qui dirige les différentes provinces ? Une carte au début du livre, comme on le trouve souvent, aurait peut-être facilité la compréhension globale. Surtout que les héros vont être amenés à pas mal voyager…
A la fin de cet album, six individus principaux composent la meute. Comme dans toute communauté, tous ont des talents de combattants, des compétences spécifiques et des origines différentes. Le charisme de chacun est indéniable. Mon préféré reste l’imposant orc Héraut, dont le sang de troll qui coule dans ses veines lui confère une invulnérabilité assez spectaculaire.
Par ailleurs, l’humour est omniprésent dans ce volume d’introduction. Mention spéciale aux deux gobelins qui offrent des saynètes assez humoristiques.

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L’ambiance particulière de cette nouvelle série est très immersive. Les somptueux dessins de l’italien Paolo Deplano y sont pour beaucoup. Quel régal de contempler ces orcs en kimono marcher sous des cerisiers japonais en fleur. Les décors sont impressionnants, très chargés en détails et en personnages au second plan. Chaque case a fait l’objet d’une attention particulière. Un vrai travail d’artiste. Sans aucun doute le gros point fort de cette saga.
Le bestiaire est tout aussi réussi. Aucun humain n’est présent dans cet univers. Les orcs combattent des goules, créatures hideuses et démoniaques, commandées par les derniers orcs ténébreux (ceux qui se sont enfuis et cachés pour ne pas être pris dans le mur). Il est surprenant de constater à quel point les auteurs ont su donner des expressions à leurs personnages, pourtant d’apparence monstrueuse. On différencie facilement les orcs « gentils » de leurs homologues ténébreux. On se surprend presque à avoir de l’empathie pour les membres de la meute, et les grimaces des deux gobelins sont assez amusantes. De nombreux autres animaux, non personnifiés, comme des bovins, des oiseaux, des montures à cornes et même un griffon apparaissent dans ce monde et le rendent vivant.
Enfin, le cadrage est particulièrement dynamique, ayant souvent recours à des vignettes de détail incrustées dans une image plus vaste. Les scènes d’actions sont parfois découpées en cases réduites enchevêtrées qui augmentent l’immersion du lecteur.

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A noter qu’une partie des éloges faite à Paolo Deplano doit être adressée à Sylvia Fabris, la coloriste. Son travail est tout aussi remarquable. Ses teintes subtiles et ses mises en lumière intelligentes augmentent la profondeur de champs de certaines cases. Une vraie claque graphique.
Comme pour le scenario, le dessin est issue d’une collaboration de longue date. Deplano et Jarry ont réalisé ensemble les séries “Nains !” et “Les Exilés d’Asceltis”, un spin-off de la saga “Les Brumes d’Asceltis” mentionnée plus haut. Ils ont même déjà travaillé avec la coloriste Sylvia Fabris sur la BD humoristique “Un coin de ciel Bleu”. Cette complicité a sans doute facilité la réalisation de “Mercenaires”.

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Le nombre d’épisodes constituant la série reste inconnu pour le moment. Si l’on connait le titre du prochain opus, “Le Seigneur des trois Cités”, on ignore toujours sa date de sortie. Au vu de la qualité graphique de ce premier volume, on imagine assez facilement la charge de travail que doit représenter le dessin d’un tel album. Il ne faut donc pas se faire d’illusion, le prochain épisode risque de se faire attendre…


(T1) La Meute du Griffon :
- Série : Mercenaires
- Direction de la série : Jean-Luc Istin
- Scénario : Nicolas Jarry
- Dessin : Paolo Deplano
- Couleurs : Silvia Fabris
- Editeur : Soleil Productions
- Dépôt légal : 22 février 2012
- Format : 234 x 323 mm
- Pagination : 48 pages couleur
- ISBN : 978-2-30201-634-7
- Prix Public TTC France : 13,95 €


Illustrations © Deplano et Soleil Productions (2012)



Allison & Julien
23 mai 2012




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