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Vampire Story, tome 1 : Treize balles dans la peau
David Wellington
Milady, terreur, traduit de l’anglais (États-Unis), fantastique, 438 pages, avril 2012, 8,20€

Lors d’un banal contrôle d’alcoolémie, l’agent Laura Caxton, de la Police d’État, met en fuite un conducteur qui abandonne derrière lui un véhicule dans le coffre duquel s’entassent plusieurs cadavres exsangues. Les experts sont formels : ils ont été vidés de leur sang par un vampire. Le fuyard a abandonné un bras, encore frétillant, dans les barbelés : nul doute là-dessus, c’était un non-mort, une créature intermédiaire, un serviteur de vampire. Mais comment une telle chose est-elle possible, le dernier vampire ayant été trucidé dans les années quatre-vingts ? Entre alors en scène l’agent fédéral Arkeley, qui a de ses propres mains liquidé le dernier buveur de sang vingt ans plus tôt. Le dernier ? Il semble bien que non. Mais s’il faut une fois encore faire place nette, pense Laura Caxton, cela ne devrait pas être trop difficile.



Pas si simple.

Car le vampire de Bram Stoker est à celui de David Wellington ce qu’une bonne sœur anorexique est à Terminator. Le vampire de David Wellington ne vient pas vous soutirer quelques décilitres de sang durant votre sommeil, il vous presse comme un vulgaire agrume avant de passer à la victime suivante. Car si le vampire victorien dégustait sa pinte de sang en esthète, le vampire de Wellington, version survoltée et paroxystique du soiffard, se contente rarement d’une seule proie : il préfère s’attaquer à des groupes entiers, sur lesquels il s’acharne comme un ivrogne patenté sur son pack de canettes. Et il est rapide, très rapide : si par miracle vous avez le temps de lui tirer une balle explosive en pleine tête, il se régénère avant que vous ne puissiez appuyer une seconde fois sur la gâchette. Inutile de dire qu’il vous déquille une équipe entière de Special Weapons and Tactics en moins de temps qu’il n’en faut pour débloquer la sécurité d’un fusil d’assaut. Et n’essayez pas de lui percer le cœur à l’aide du pieu traditionnel : dans les récits de David Wellington, les vampires, on les achève au marteau-piqueur.

Le mal est sans fin, sans fond. Si on ne l’arrête pas, il engloutira le monde.

On le devine : « 13 balles dans la peau », en soixante chapitres tendus, est bourré d’action, de découvertes macabres, de vrais vampires, de faux zombies, de surprises et de rebondissements. Avec l’inévitable pincée de terreur et de psychologie sulfureuse, il revisite le mythe à la lumière des films d’action, avec un découpage de bande dessinée, et sur un rythme assez rock’n roll. L’idée de base est plaisante : il ne subsiste au début de l’intrigue qu’une seule vampire, Malvern, réduite à un étrange état hybride entre la momie et la pourriture avancée, maintenue en vie dans un asile désaffecté à l’aide de quelques gouttes de sang quotidiennes, et que la justice américaine interdit de tuer car nul n’a jamais pu prouver qu’elle ait elle-même assassiné quiconque. Mais la vieille peau n’a rien perdu de ses pouvoirs hypnotiques, et même si elle est officiellement bien gardée, ses capacités de nuire ne sont nullement atténuées : les entretiens que peuvent avoir les protagonistes avec elle ne sont d’ailleurs pas sans évoquer ceux qu’ont les enquêteurs avec Hannibal Lecter dans « Dragon rouge » ou « Le Silence des Agneaux » de Thomas Harris. L’agent fédéral Arkeley, qui s’est débarrassé de ses derniers congénères vingt ans plus tôt, espère bien qu’elle fera le faux pas qui lui permettra de l’occire en toute légalité.

Cette fois, c’était un porte-parapluies à moitié rempli de parapluies, à moitié de fémurs.

Une bonne idée de base, donc, mais quelques défauts dans sa mise en œuvre. L’écriture est au mieux strictement fonctionnelle et le lettré restera d’un bout à l’autre sur sa faim. Nulle envolée de style n’est à craindre, nulle formule recherchée n’est à attendre. Les dialogues ne souffrent pas non plus d’un excès de finesse. L’ouvrage a été écrit vite et cela se ressent. Que dire de phrases comme « Ses muscles tendus, béants, hurlèrent de panique », « Sa bouche croulait sous une ribambelle de crocs » « Il allait lui arracher la tête et boire le sang à même le moignon » ou encore « On leur avait scalpé les cheveux » ? De tels mésusages lexicaux, bien trop fréquents, viennent sans cesse heurter la lecture et ruiner la crédibilité des descriptions.

Si dans sa recherche de nouveaux développements l’auteur ne s’est guère préoccupé de la cohérence avec les fondements mêmes du mythe avec lequel (et malgré les épigraphes de fondateurs tels que Le Fanu) il apparaît plus en rupture qu’en continuité, ce défaut de cohérence est aussi, et fréquemment, interne à l’œuvre de Wellington. Les non-morts, sortes d’esclaves des vampires, sont décrits comme couards de nature : dans certaines scènes une balle, ou même une simple tuile jetée d’un toit suffit à les disperser, alors que dans d’autres, et malgré de fortes pertes, ils attaquent par vagues successives sans nullement se soucier du danger. Par moments les balles ricochent contre les vampires alors qu’à d’autres elles les traversent – notons que dans ces cas de figure les agents n’hésitent pas à cribler les vampires de balles, les uns par-derrière les autres par-devant, comme s’ils n’avaient aucun risque de se blesser entre eux. L’agent Caxton se fait un moment cisailler les jarrets – elle en tombe dans un cercueil – mais cela ne l’empêchera nullement, dans les chapitres suivants, de se battre, de courir ou d’escalader des échafaudages ; ces blessures ne seront pas même mentionnées lorsqu’elle bénéficiera de soins médicaux.

« Treize balles dans la peau », on le voit, est donc un ouvrage écrit trop vite pour ne pas prêter le flanc à la critique. On lui reconnaîtra malgré tout des qualités propres au roman populaire : un dynamisme incontestable, une certaine inventivité, un sens de l’action, une grande facilité de lecture. « 13 balles dans la peau » n’est que le premier tome d’une quadrilogie intitulée « Vampire Story » : ceux qui auront goûté à son rythme apprécieront d’avoir encore trois tomes devant eux. En attendant, le lecteur intéressé par ce volume inaugural trouvera ci-dessous un lien vers la chronique de la première édition.

Texte - 519 octets
Coquilles 13 balles

Titre : Treize balles dans la peau (13 Bullets, A Vampire Tale, 2007)
Série : Vampire Story, tome 1/4
Auteur : David Wellington
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Marie-Aude Matignon
Couverture : Noëmie Chevalier
Éditeur : Milady
Collection : Terreur
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 438
Format (en cm) : 11 x 18 x 2,5
Dépôt légal : avril 2012 (2e édition)
ISBN : 9782811207007
Prix : 8,20 €



À lire également sur la Yozone :
- La chronique de la première édition


Hilaire Alrune
18 mai 2012


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