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Bifrost n°66
Rédacteur en Chef : Olivier Girard
Revue, n°66, SF, nouvelles-articles- critiques, avril 2012, 192 pages, 11€

S’attaquer à l’œuvre foisonnante d’Isaac Asimov (1920 ? – avril 1992) était un pari risqué, rien que par l’ampleur de la tâche.
Son nom est tellement adulé par certains que le moindre mot à son sujet est analysé à la loupe. Il suffit de voir sur le forum du Bélial’ la réaction d’un admirateur s’insurgeant sur le fait de voir Asimov qualifié de docteur en chimie dans l’éditorial.
Et puis surtout, il faut avouer que ses écrits ont, pour la plupart, terriblement vieilli et qu’ils ne sont de loin pas exempts de défauts (personnages en carton-pâte, style n’ayant rien de transcendant…). Il fallait produire, alors en avant ! Le bon docteur (terme ne prêtant pas à controverse !) reconnaît lui-même que pour la rédaction d’une histoire, il suffit d’en connaître la fin. Pas besoin de plan, le reste suit tout seul.
Pas facile donc de s’en tenir aux faits et ne pas hésiter à donner sur l’homme à l’ego surdimensionné un avis impartial.



« Bifrost n°66 » est presque entièrement consacré à Isaac Asimov, exemption faîte des rubriques “Ballades sur l’Arc” et “Infodéfonce et Vracanews”, toutes deux s’intéressant à l’actualité éditoriale.
La partie Interstyles regroupe trois nouvelles d’inspiration robotique : deux d’Asimov et une de Cory Doctorow, enfonçant largement les deux autres et rendant leurs faiblesses d’autant plus évidentes.

Si Asimov cherche toujours une faille, un déroulement inattendu découlant des trois lois de la robotique, Cory Doctorow les fait voler en éclats dans “Les Robots”. Deux camps à la philosophie différente s’affrontent. Dans l’un, les robots sont toujours soumis à ces contraintes, alors que dans l’autre, ils n’en sont plus tributaires, ce qui les rend beaucoup plus performants et offre une plus grande liberté.
Cory Doctorow choisit une famille séparée pour raconter son histoire. D’un côté, un flic vit avec sa fille qu’il fait surveiller, et de l’autre, sa femme est une des têtes pensantes de la zone adverse pour l’émancipation des robots.
Les Trois Lois sont remises en question, ce qui donne un territoire bien plus vaste et intéressant à explorer. Une longue et belle nouvelle qui nous fera d’autant plus regretter de ne pas voir cet auteur davantage traduit en français.
Même s’il diffuse librement sur le net ses écrits, tout le monde ne maîtrise pas suffisamment l’anglais pour les comprendre.

Deux nouvelles inédites d’Isaac Asimov complètent la partie fictionnelle. Datant respectivement de 1989 et 1990, “Quel dommage !” et “Les visions du robot” n’auraient pas déparé dans les années cinquante, mais là, elles font vraiment vieillottes et timorées par rapport à “Les Robots”.
L’idée de départ de “Quel dommage !” n’est pas sans rappeler la thématique du « Voyage fantastique ». “Les visions du robot” donne un aperçu du futur qui est mal interprété. Seules les dernières lignes en relèvent le niveau.
Des deux textes se dégagent la même impression : ils ont terriblement vieilli (et mal !), c’est plat, pas très inspiré ; bref, dépassé. Pourtant, le bon docteur les a écrits en fin de carrière, c’est dire comme son œuvre est inscrite dans le passé !
Personnellement, je ne lis plus Asimov, car c’est ce que je ressens à la lecture de son œuvre.
Qu’en pense l’équipe rédactionnelle de « Bifrost » ?

Le gros dossier se décompose en plusieurs articles. Pour les deux cycles les plus connus d’Asimov, celui des « Robots » et celui de « Fondation », la rédaction a été bien inspirée de confronter le point de vue de l’écrivain à celui des critiques.
L’autosatisfaction prime pour Asimov qui aime bien se vanter, insister sur les trois mots trouvés par ses soins et entrés dans le dictionnaire, pour, dans le même temps, égratigner « Frankenstein » de Mary Shelley et dire du mal de la pièce « R.U.R. » de Karel Capek, l’inventeur du terme Robot. Tout le monde n’a pas son génie ! Une attitude agaçante de sa part.

Francis Valéry, qui n’avait depuis longtemps plus participé à la revue, montre qu’Isaac Asimov doit beaucoup à d’autres, notamment à John W. Campbell, Jr qui l’a à maintes reprises guidé, orienté dans la bonne direction. Pourtant, à lire Asimov, ce n’est pas vraiment le cas…
Philippe Hupp a essayé de le faire venir au Festival de Metz dans les années 1980, mais il s’est bien fait mener en bateau. Asimov n’étant de loin pas aussi sympathique qu’il voudrait le faire croire.

Bertrand Bonnet a relu pour l’occasion le cycle des « Robots » et ce qu’on a lu lors de la découverte d’un genre, ne passe plus aussi bien après une dizaine d’années de lecture de SF. Son papier très critique traduit très bien cette impression de récit dépassé, vieillot. Et c’est là que forcément, la question de l’association du nom d’Asimov à la littérature jeunesse se pose. Pour débuter dans la SF, la porte d’entrée asimovienne est facile à emprunter, n’est pas exigeante. Plus tard, le passage à des auteurs plus ambitieux se fera tout naturellement. Mais revenir en arrière sera difficile…

Éric Picholle traite du cycle de « Fondation » et de la psychohistoire, alors que Xavier Mauméjean s’intéresse au pan policier des créations asimoviennes. J’avoue qu’en-dehors des deux premiers romans robotiques, je ne connaissais pas cette face de l’écrivain et que si, un jour, je devais y revenir, ce serait par cet aspect.
Balayer toute l’œuvre, mise à part la masse de vulgarisations scientifiques qui n’a pas sa place ici, concerne tout et n’importe quoi et s’avère à la limite dispensable (j’en ai lu !), témoigne de tout le sérieux apporté dans la confection de ce dossier, justement complété par d’autres chroniques.

Roland Lehoucq ne pouvait, bien sûr, pas faire l’impasse sur la psychohistoire et la physique sociale, cherchant à modéliser les comportements humains.

Ce spécial Asimov est forcément critique, égratigne quelque peu la réputation de l’écrivain, le contraire aurait été étonnant. Mais il ne peut lui retirer l’aura de prestige entourant son nom, car combien auront découvert la science-fiction avec le cycle de « Fondation » ou celui des « Robots » ? Ce monstre de travail, qui semblait ne jamais s’arrêter, a su toucher le public du monde entier, ce qui prouve bien qu’il y avait tout de même du génie en lui.

Un très bon numéro de « Bifrost » qui prêtera sûrement à polémique, tout comme mon avis. Dès que l’on s’attaque à une icône, il faut s’y attendre...

Saluons la très belle et inspirée illustration d’Éric Scala, nous présentant le bon docteur en version robotisée, aux grosses lunettes et énormes rouflaquettes permettant une identification immédiate.


Titre : Bifrost
Numéro : 66
Rédacteur en chef : Olivier Girard
Couverture : Éric Scala
Type : revue
Genres : SF, études, critiques, nouvelles, entretien, etc.
Sites Internet : le numéro 66, la revue (Bifrost) et l’éditeur (Le Bélial’)
Dépôt légal : avril 2012
ISBN : 978-2-913039-63-6
Dimensions (en cm) : 14,9 x 21
Pages : 192
Prix : 11€



François Schnebelen
14 mai 2012


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