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Ab Irato (T2) Descente aux enfers
T. Labrosse
Vents d’Ouest

En octobre 2111, le niveau de l’eau a augmenté de façon dramatique, divisant ainsi la population mondiale par quatre. Montréal ne déroge pas à la règle. Voilà douze jours que les rebelles ont profité de la bataille du Square Viger pour capturer plus de 300 civils, dont la jeune Nève. Riel est maintenant bien décidé à la libérer, même sans l’accord de son protecteur, le lieutenant Chogan.
Cet album présente les points de vue des différents protagonistes dans cet univers au bord de l’explosion.



Selon cette fable d’anticipation, le siècle prochain connaîtra des bouleversements climatiques majeurs. Les clivages élite / masse populaire vont s’accroître. Les tensions générées par un tel environnement vont pousser les hommes au chaos, à la guerre civile, même au sein de cités réputées paisibles aujourd’hui. Parmi ces villes, Montréal, en grande partie recouverte par les eaux, n’échappe pas à la règle. Ses habitants luttent pour leur survie dans une métropole nauséabonde, hostile et dangereuse. Seule l’élite a accès aux traitements Jouvex, sorte de vaccin anti-vieillissement proposé par une multinationale dont la puissance dépasse largement celle des politiques. La révolte gronde en octobre 2111 et va bientôt éclater.

Ab irato est une locution latine signifiant « sous le coup de la colère ». Cette expression qualifie tous les protagonistes de la série : terroristes, forces de l’ordre, responsables chez Jouvex et super guerrière. Au milieu de ce chaos, dans le premier tome, le jeune Riel Beauregard débarque à Montréal et fait la connaissance de la pétillante Nève. Entre-eux, le courant passe tout de suite. Oui mais voilà, l’environnement ultra-violent de la ville n’est pas propice aux idylles. A la fin de l’album, après plusieurs batailles spectaculaires, Nève se retrouve prisonnière des terroristes, prise en otage dans les sous-sols de la ville avec de nombreux autres civils.
Dès le début de ce deuxième opus, sorti environ deux ans après le précédent, le ton est rappelé. Les 380 otages sont parqués dans le Vieux-Montréal, cernés par les rebelles armés. Depuis douze jours, la zone est coupée du reste du monde. Les autorités ne semblent pas vouloir libérer les otages et demeurent sourds aux demandes des révoltés. Un fossé grandissant isole les acteurs du conflit. Pour sauver sa dulcinée, Riel n’a pas d’autre choix que de franchir les barrages et entrer dans le No Man’s Land. Dans le même temps, les autres protagonistes s’organisent. La libération des otages se préparent. Et s’il était finalement décidé de purger le problème ? Supprimer les témoins, nettoyer la zone et effacer les traces semble être la solution radicale retenue par l’élite de Montréal…

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Comme pour le précédent tome, l’histoire passe souvent d’un personnage à un autre. Le plus souvent toutes les cinq planches environs, parfois à chaque page. Ce découpage dynamise le récit mais peut parfois frustrer le lecteur. Pas facile de devoir abandonner une scène peu de temps après être rentré dans l’intrigue. Ce principe a néanmoins l’avantage de nous présenter les différents protagonistes du scénario, dont les actions se déroulent en parallèle, dans le même laps de temps. On suit Riel tentant d’approcher les terroristes, Nève vivant au milieu des rebelles dans une ambiance électrique et tendue, Charles Quad Norton, le président de Jouvex, commandant dans l’ombre les élus de Montréal, le lieutenant Chogan organisant la libération des otages, et la belle Gana voulant tuer Norton. Ces différents personnages vont évidemment se croiser au fil de l’aventure.

On pourrait regretter que les scènes de Gana soient assez peu développées dans cet album. La couverture du livre, magnifique, montre la belle combattante blessée et déterminée. Gana reste selon moi le personnage le plus abouti, le plus charismatique et le plus intriguant de la série. Cette tueuse vengeresse possède des pouvoirs surnaturels, tels que la télékinésie ou l’auto-guérison, et une aptitude au combat hors norme. Une sorte de Néo de “Matrix” au féminin. Elle offre donc des scènes d’affrontements spectaculaires avec les sbires à la solde de Jouvex. La voir sur la couverture laissait espérer qu’elle constituerait le personnage central de cet opus. Il n’en est rien. Riel reste le héros de la série. Gana n’intervient finalement que dans une succession de scènes d’actions assez superflues. Dommage.
Une contrainte s’impose avec les BD franco-belge(-québécoises) classiques : pas facile d’instaurer un scénario complexe, avec de nombreux acteurs, en seulement quelques planches. Du coup, comme dans le premier album, ce livre a recours à quelques raccourcis narratifs. C’est le cas, par exemple, dans la scène où Gana entre dans l’appartement de son oncle et où ce dernier lui raconte aussitôt, dans un long monologue, la genèse de leur rencontre. Ce passage est assez peu crédible.

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Comme Eric Stalner et sa série “La Zone”, Thierry Labrosse a entièrement pensé et dessiné l’environnement d’“Ab Irato”. Il est à la fois le scénariste, le dessinateur et le coloriste de sa série.
A l’instar du numéro précédent, le travail sur les mises en scènes et le cadrage des images sont magistraux. On retrouve l’expérience de Thierry Labrosse dans la réalisation de story-boards.
L’ambiance générale de cette série visionnaire est toujours aussi réussie. En fait, le monde créé par Labrosse constitue l’un des personnages principaux de la saga. Cet environnement futuriste, post-apocalyptique, gouverné par une élite dictatoriale et ravagé par d’anciennes catastrophes naturelles, est particulièrement crédible. Ce Montréal du XXIIème siècle est cohérent et parfaitement mis en images par l’auteur. Les décors, sans être très détaillés, sont à la fois futuristes et complètement réalistes. Les québécois pourraient même reconnaître quelques lieux, comme l’Oratoire Saint-Joseph et le métro de Montréal. Certaines rues délabrées, voire détruites, font un peu penser aux décors d’Enki Bilal. Excusez du peu !

Les personnages sont également très diversifiés, possèdent une palette d’expressions variées et des traits fins. On retrouve parfois certains personnages de la série “Moréa” dont Thierry Labrosse est le dessinateur. Les couleurs, également l’œuvre de Labrosse, font beaucoup penser au style classique italien, avec de pleines cases ou des éléments complets monochromes. Cependant, cette pratique est beaucoup moins gênante que dans le premier volume. Les teintes sont plus subtiles, les couleurs de peau plus réalistes, les jeux d’ombre mieux maîtrisés. Les rares couleurs vives employées, que l’on retrouve par exemple sur le sang sur la tunique de Gana ou le trait rouge sur les uniformes de la milice de Jouvex, s’intègrent parfaitement dans les dessins. Le fait d’utiliser de larges zones monochromes s’explique par la pratique de colorisation utilisée et par l’expérience professionnelle de l’auteur. Thierry Labrosse est illustrateur et peintre. Rien d’étonnant donc à retrouver des crayonnés, sans encrage, aux couleurs étalées au pinceau dans ses planches.

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Les clins d’œil sont nombreux dans ce deuxième opus. On retrouve déjà la référence au film “Brazil” de Terry Gilliam dans les rêves de Nève. On constate également plusieurs rappelle à la culture nippone dans cette série : après les mekkas du premier tome, Thierry Labrosse nous offre des samouraïs en guise de milice à la solde de Jouvex. D’ailleurs, de nombreux noms de personnages secondaires ont des consonances asiatiques. Ce brassage ethnique, mis en relief par les origines amérindiennes du lieutenant-pilote Chogan, renforce le réalisme du Monde d’“Ab Irato”.

Quatre albums sont prévus. L’auteur ne s’interdit pas de créer des spin-offs pour développer d’autres aspects de son univers. Il ne fait aucun doute que la richesse des idées de Thierry Labrosse le permet. Certains parlent même déjà d’une adaptation cinématographique.
En attendant, nous nous satisferons d’une conclusion de qualité à cette première série.


(T2) Descente aux enfers :
- Série : Ab Irato
- Scénario : Thierry Labrosse
- Dessin : Thierry Labrosse
- Couleurs : Thierry Labrosse
- Editeur : Vents d’Ouest
- Collection : Fantastique
- Dépôt légal : 14 mars 2012
- Format : 240 x 320 mm
- Pagination : 56 pages couleur
- ISBN : 978-2-7493-0632-2
- Prix Public TTC France : 13,90 €


A lire sur la Yozone :
Ab Irato de Thierry Labrosse
Ab Irato (T1) Riel


Illustrations © Labrosse et Glénat (2012)



Allison & Julien
10 mai 2012




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