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Enfant Insecte (L’)
Hideshi Hino
Imho

Sanpei Hinomoto n’est pas vraiment un enfant gâté par la nature. Non seulement il n’est pas beau mais il est attiré par toutes sortes d’animaux dont certains particulièrement répugnants comme les chenilles et les serpents. Sa passion est si prenante qu’il délaisse l’école et devient le paria de la famille. Il faut dire que son grand frère et sa petite soeur sont particulièrement brillants. Peu à peu, son père s’en prend à lui, l’obligeant à se créer une cachette secrète dans un vieille décharge, cimetière de la civilisation. Malheureusement, un jour, il ramène de ce lieu un insecte particulièrement venimeux qui va le piquer au doigt. Pour Sanpei, c’est le début du cauchemar.



Une simple piqure par cette larve rouge et Sanpei souffre réellement le martyr. Sa famille qui le considérait déjà comme un moins que rien le traite de plus en plus comme un paria et la transformation qui va s’attaquer au corps du pauvre garçon ne va rien arranger. Le venin de l’insecte lui fait fondre d’abord ses mains, puis ses bras et ses jambes. La douleur du garçon empire et son corps difforme fait horreur à sa famille, jusqu’à ce jour où sa transformation va atteindre son stade ultime. De ce reste de carcasse humaine, une larve géante s’en extrait. Une larve toujours pourvue de la raison de Sanpei. Pour l’enfant, c’est une véritable résurrection. Terminée la douleur et bonjour sa nouvelle vie... Mais pour son père qui vient de recevoir une promotion, c’est un cauchemar : comment continuer à vivre avec cette horreur chez lui ?

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Hideshi Hino est un enfant de l’après-guerre, et ses premiers souvenirs sont ceux d’un Japon apocalyptique, se relevant péniblement de la guerre, sous la tutelle de l’occupant américain et dont le sud est marqué par les deux bombes. Ces souvenirs seront la source d’inspiration du mangaka qui va donner son heure de gloire à l’horreur nippon. En 1978, il publie ses premières oeuvres dans le magasine du maître incontesté du manga : Osamu Tezuka.

C’est en 1975 qu’il écrit « L’Enfant Insecte », adaptation très libre de l’incontournable oeuvre de Franz Kafka, « La Métamorphose ». Ici, c’est un enfant qui va subir une horrible mutation, non en cafard mais en larve. Hideshi Hino s’attaque à l’image stéréotypée du bon élève que se doit être l’enfant japonais. Plutôt que de comprendre pourquoi leur enfant délaisse l’école, ses parents le considèrent presque comme anormal. C’est l’obsession du résultat à tout prix et l’obligation de rentrer dans le rang. Mais Sanpei va payer cher sa marginalité. Quand la métamorphose commence à opérer, ses parents et son frère ne voient en lui qu’un fardeau pesant. Seule sa petite soeur tente de prendre un peu sa défense, mais le mangaka sera sans pitié, cette dernière tombera du côté des parents quand la métamorphose sera totale.

Hideshi Hino sera d’une grande cruauté pour le garçon, nous montrant sa famille préférant sa tranquillité à un monstre. On peut voir bien des métaphores dans cette créature monstrueuse dont le père voudra se débarrasser pour progresser socialement. Encore une fois, la critique de la société nippone des années 70 est impitoyable, un peu à la manière d’un Tezuka, mais en plus dur et violent. Car la seconde partie du manga ressemble peu à peu à une vengeance façon « Le Comte de Monte Cristo ». Mais aussi à une déshumanisation de Sanpei. Ce changement de caractère est à la fois alimenté par le rejet de l’humanité qui refuse ce qu’elle ne comprend pas mais aussi de la nature que ne reconnait pas le monstre. Cruel, incisif, sans pitié, Hideshi Hino commence alors la descente aux enfers de son personnage, sans toutefois nous le faire paraître réellement antipathique.

Graphiquement, si le style est clairement celui des années 70 et de l’école Tezuka, le dessin est aussi incroyablement moderne et n’a pas tant vieilli que cela. Le contexte pourrait très bien être actuel et rien n’indique vraiment au lecteur non averti que l’histoire se déroule il y a plus de 30 ans. C’est bien la grande force de ce mangaka. Il est parvenu à créer une histoire horrifique quasiment intemporelle, voyageant à travers les générations pour faire passer son message, ni totalement négatif et certainement pas positif car l’humanité n’en sortira pas grandie.

« L’Enfant Insecte » est un livre culte, promoteur des mangas d’horreur et qui annonçait déjà la fascination des nippons pour ce style de manga.


L’Enfant Insecte
- Auteur : Hideshi Hino
- Traducteur  : Aurélien Estager
- Éditeur français : Imho
- Format : 145 x 210, noir et blanc - sens de lecture original
- Pagination  : 216 pages
- Date de parution : 22 mars 2012
- Numéro IBSN : 978-2-915517-61-3
- Prix : 14 €


© Edition Imho - Tous droits réservés



Frédéric Leray
13 avril 2012




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