Disons le clairement, cette série “Cixi de Troy” ne restera pas dans les mémoires.
Le projet d’origine était pourtant assez intéressant : détailler, en deux tomes, un passage de “Lanfeust de Troy”, à travers les yeux d’un personnage secondaire. A la fin du tome 5 de “Lanfeust de Troy”, “Le Frisson de l’Horuspice”, Cixi quitte le groupe d’aventuriers et embarque sur un bateau à destination d’Eckmül au début du tome 6, “Cixi Impératrice”. Deux semaines plus tard, elle est présentée à Thanos par l’intermédiaire du marquis Barbullio. Grâce à cette nouvelle série, Christophe Arleston nous fait découvrir les évènements vécus par Cixi durant cette période, nous décrypte les états d’âmes de l’héroïne lors de certaines scènes du premier cycle de “Lanfeust de Troy”.
Dans le premier épisode, le bateau sensé emmener Cixi à Eckmül est très vite attaqué par une bande de pirates amazones. Notre héroïne rejoint les rangs de ces assaillantes et apprend, à leur côté, à combattre, manier le fouet et chevaucher un rump, sorte de chauve-souris géante. Son émancipation est totale. Ces apprentissages se révèleront d’ailleurs particulièrement utiles pour celle qui deviendra l’Ombre Ténébreuse.
Ce spin-off était assez prometteur. Le style graphique, volontairement très différent de la série originelle, offrait une bonne alternative au lecteur et permettait, un peu, de renouveler la saga.
Malheureusement, les quelques bonnes idées de ce premier volume ont disparues dans la “2ème Partie du Secret de Cixi”. Le scénario tout d’abord, qui prenait les traits d’une histoire de piraterie dans le précédent opus, a tout simplement repris la trame du tome 6 de “Lanfeust de Troy”. Les dessins d’Olivier Vatine ont également périclité, les personnages perdant en finesse et les décors s’appauvrissant en détails. Dans ce deuxième épisode, Cixi quitte ses amies, rejoint Eckmül et est présenté au puissant Thanos Averroës pour y devenir sa maîtresse. D’abord éblouie par son nouveau statut d’impératrice, elle déchante rapidement en constatant le déclin de sa cité. Son choix est fait : il est temps de s’opposer au tyran, de combattre la répression de l’intérieur. L’Ombre Ténébreuse est née.
Bref, peu d’originalité dans le scénario et surtout aucun apport majeur au récit du cycle originel. Et pour couronner le tout, cette série, pourtant toujours présentée comme un diptyque, se retrouve affublée d’un troisième volume de conclusion. Au vu du contenu des deux premiers opus, on ne peut pas s’empêcher de penser que l’intrigue aurait mérité d’être condensée en seulement deux albums, sans risquer d’alourdir la densité du récit. Dommage. Est-ce la volonté des éditeurs de tirer sur la longueur une série qui connaîtra de toute façon, grâce à sa notoriété, un succès auprès du public ? Le risque de dévaloriser le premier cycle est pourtant évident. Les fans du Monde de Troy connaissent déjà cette désillusion avec les premiers albums de la série “Lanfeust Odyssey”, devenue entre temps un nouveau cycle complet en huit tomes.
Voici donc la troisième et dernière partie du “Secret de Cixi”. Le scénario correspond au début du tome 7 de “Lanfeust de Troy”, “Les Pétaures se cachent pour Mourir”. Une scène est d’ailleurs reprise à l’identique. Cixi, sous le masque de l’Ombre Ténébreuse, s’oppose aux agissements des soldats de Thanos. Mais, en elle, grandit l’héritier du seigneur d’Eckmül et ses tentatives d’avortements connaissent un succès limité. Pas facile d’annuler une grossesse protégée par la magie du détendeur de l’os du Magohamoth…
Bien que le story-board ait été réalisé par Olivier Vatine, le dessinateur des deux premiers opus, les planches de cet ultime épisode ont été laissées aux crayons d’Adrien Floch. Du coup, les différences graphiques sont subtiles, mais réels. Inutile de comparer ces deux artistes aux talents indéniables. On regrettera cependant que la plupart des lacunes du précédent album, telles que le manque d’expressions ou la trop grande ressemblance de certains personnages, soient encore présentes. Seuls les décors, qui cette fois fourmillent de détails, semblent avoir fait l’objet d’une plus grande attention.
D’ailleurs, comme le dessinateur, une bonne partie de l’équipe de réalisation de l’album a changé. On retrouve ainsi la bande d’habitués (dessin, couleurs et effets spéciaux) qui collaborent sur la série “Les Naufragés d’Ythaq”. Ce changement d’équipe s’explique sans doute par le fait que la parution d’un troisième album n’était pas prévue au planning d’Olivier Vatine. Elle a le mérite d’étoffer la bibliographie des jeunes auteurs de Soleil Productions. Et j’en profite pour vous inviter à lire une autre série du coloriste, Claude Guth, qui n’a rien à voir avec l’heroïc fantasy : “Le Pouvoir des Innocents”. Un « must have », incontestablement.
Globalement, le récit de cette saga est plus sombre que l’ambiance habituelle du Monde de Troy. L’humour est limité, voire inexistant. Le vocabulaire est plus cru, plus vulgaire, surtout dans le deuxième opus dans lequel les jurons pleuvent. Le dessin suit la même tendance : les jeux cachés, fidèles à la série ont disparu, les gestes sont parfois (mais rarement) obscènes, et les corps dénudés sont explicites. Comme si, pour se démarquer de l’empreinte « teenager » de la série d’origine, les auteurs avaient voulu rendre la trilogie “Cixi de Troy” plus adulte.
Cette trilogie s’adresse donc principalement aux fans du premier cycle de “Lanfeust de Troy”, ceux qui se satisferont des bribes d’explications fournies par le biais des pensées de Cixi lors des scènes reprises de la saga originelle. Les autres n’y trouveront sans doute qu’une histoire finalement assez décousue, sans réel rebondissement, aux personnages souvent insipides.
Enfin, notez que, comme les précédents albums de la série, cet album est également disponible en version collector Noir et Blanc, agrémentée de quelques planches du story-board de Vatine en bonus. Un coffret regroupant les trois albums de la saga est également en préparation.
(T3) Le Secret de Cixi 3ème partie
Série : Cixi de Troy
Scénario : Christophe Arleston
Dessin : Adrien Floch
Storyboards : Olivier Vatine
Couleurs : Claude Guth
Effets spéciaux : Sébastien Lamirand
Editeur : Soleil
Dépôt légal : 14 décembre 2011
Format : 234 x 323 mm
Pagination : 48 pages couleurs
ISBN : 978-2-3020-1871-6
Prix Public TTC France : 13,50 €
A lire sur la Yozone :
Cixi de Troy (T1) Le Secret de Cixi - 1ère partie
Illustrations © Adrien Floch et Soleil Productions (2011)
