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Blood Ninja t.1 : Le Destin de Taro
Nick Lake
Gallimard Jeunesse, roman (Grande-Bretagne), ninja vampire japonais, 432 pages, janvier 2011, 16,50€

La vie du jeune Taro bascule lorsque des ninjas attaquent sa maison. Et l’un d’eux se retourne contre ses camarades pour le protèger !
Pour peu de temps, car Taro prend un coup de sabre dans le ventre.
Pour lui sauver la vie, le ninja le transforme en vampire. Car, Taro va vite le découvrir, les ninjas sont tous des vampires !

Obligé de fuir ses assassins, Taro accompagne son sauveur Shusaku au camp des ninjas. Lui, simple prêcheur, qui rêvait de devenir samouraï, va découvrir son destin... qui n’est pas des moindres !



Il y a des idées qui, de seulement vendeuses, deviennent de bonnes choses entre les mains de gens compétents. Mélanger ninjas et vampires dans le Japon médiéval aurait pu conduire à du grand n’importe quoi. Avec « Blood Ninja », on est au contraire dans de la bonne littérature jeunesse, quoiqu’un brin classique.

C’est un peu le comble : derrière les audaces du sujet, le mélange vampire & ninja, et l’excellente documentation sur le Japon du XVIe siècle, parfaitement distillée dans les descriptions comme dans les nombreux mots japonais employés, la trame est très classique.

Taro devient orphelin, s’attache à son sauveur et nouveau mentor. Il est accompagné de son ami à la fidélité inébranlable. Très vite, il découvre que le seigneur Oda, qu’il s’érigeait en modèle, est en fait un tyran, que les samouraïs dont il rêvait d’intégrer les rangs sont pour la plupart des égoïstes et des brutes, et que l’allié du seigneur Oda est en fait son pire ennemi, et probablement le vrai père de Taro. Tout se ligue donc naturellement pour conduire Taro à aller tuer Oda : c’est un despote, un meurtrier, c’est le commanditaire de la mort de son père adoptif, c’est à cause de lui qu’il est devenu vampire, et c’est l’ennemi de son vrai père qui est lui un homme (semble-t-il) bon et juste, un vrai samouraï honorable. Et comme Taro est devenu un super-vampire, il est l’assassin idéal.

Le roman est bien entendu riche en péripéties de toutes sortes, qui guident l’apprentissage de Taro. Il rencontre, évidemment, la fille de son pire ennemi, et à défaut de tomber amoureux tout de suite, sympathise bien (les grands lecteurs sentiront bien leur mariage à venir, qui unirait durablement les deux camps actuellement opposés et ramènera la paix), ce qui provoque la jalousie d’une autre fille de l’histoire (et les conséquences qu’on peut imaginer lorsqu’une jeune femme se sent trahie). Lorsqu’il sauve la vie d’un jeune homme qui le détestait pour une mauvaise raison, ce dernier devient mécaniquement son allié, et 2e meilleur ami... Et puis... d’autres choses assez attendues mais que vous devinerez tout seul (devinez qui va obligatoirement mourir ?).

Bref, ce premier volume de la trilogie me laisse une drôle d’impression, d’autant que la fin, composée de courts chapitres, accumule les « heureux hasards » et autres coïncidences pour faire rebondir l’intrigue (le grand méchant mourant va guérir et croître en puissance, son âme damnée va trouver un moyen de faire pression sur Taro, la jeune femme qui l’a trahie pour de mauvaises raisons, et qui aurait pu être tuée, va devenir sa némésis...).

La plume de Nick Lake, ni bonne ni mauvaise, ne rehausse pas une intrigue des plus classiques. J’ai peiné sur les 100 premières pages, alors même que mon intérêt se déplaçait du terne héros à l’énigmatique Shusaku, dont nous ne saurons finalement pas grand-chose (d’autres révélations, de la part de son ancien seigneur le daimyo Tokugawa, seront certainement à l’ordre du jour du tome 2).

Le réel plus de cette histoire n’est pas à chercher bien loin : l’imprégnation dans la culture japonaise dans cette ère pré-Edo (ou shogunat Tokugawa) (oui, si vous avez un tant soit peu de culture historique japonaise, ou avez simplement lu des mangas comme « Samouraï Deeper Kyo », vous connaissez déjà les grands personnages et savez qui gagne à la fin). L’auteur intègre dans son texte une vingtaine de termes japonais, en plus des habituels katana, shuriken et seppuku, sans saturer son lecteur, d’autant qu’aucun glossaire ne viendra pallier une éventuelle perte de mémoire. Nick Lake ne nous fait pas faire du tourisme, et son roman n’est pas un étalage de culture pour de la culture : les éléments historiques sont employés à servir l’intrigue ou la scène, et l’auteur ne nous fait pas la leçon au-delà de quelques lignes lorsqu’il fait intervenir les kyuuketsiku (esprits de la nuit), les eta ou la cérémonie du thé. Le contexte politique est au cœur de l’histoire, et pour un élément d’importance, l’auteur rappelle même les premiers échanges commerciaux avec l’Europe.

En conclusion, que dire ? L’histoire n’a rien d’original, car c’est toujours le même roman d’apprentissage adolescent, avec les mêmes rouages. Mais c’est une histoire éprouvée, qui marche donc à la perfection. Les autres éléments se chargent donc de la nouveauté : des ninjas vampires, dans un Japon médiéval très bien reconstitué. Une bonne dose d’action, et de la culture qu’on a plaisir à découvrir.

« Blood Ninja : Le Destin de Taro » sera donc une histoire dont vous vous souviendrez en quelques mots. C’est de la littérature jeunesse d’aventure, avec une bonne dose d’action, et la suite semble garantir une montée en puissance. Mais ce roman sera surtout la porte d’entrée vers l’histoire et la culture du Japon, qui pourra être approfondie avec des lectures comme « Le Clan des Otori », de Lian Hearn (5 volumes).

Rendez-vous très bientôt avec le tome 2, « La vengeance de sire Oda », dont le premier chapitre est présenté à la fin de ce premier volume. J’ai hâte de le lire, et de découvrir si l’auteur saura rebondir au-delà des quelques facilités de son intrigue, ou s’il se contentera des passages obligés du canevas débuté ici.


Titre : Le Destin de Taro (Blood Ninja, 2010)
Série : Blood Ninja, tome 1
Auteur : Nick Lake
Traduction de l’anglais (Grande-Bretagne) : Philippe Giraudon
Couverture : copyright Dmitrijs Bindemanis / shuttershock
Éditeur : Gallimard Jeunesse
Collection : Littérature Hors série / grand format
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 432
Format (en cm) : 15,4 x 22,5 x 3,3
Dépôt légal : janvier 2011
ISBN : 9782070632701
Prix : 16,50 €



Nicolas Soffray
23 janvier 2012


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