Chargement...
YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Trilogie de l’Espace (La)
Arthur C. Clarke
Milady, traduit de l’anglais (Grande-Bretagne), science-fiction, 713 pages, décembre 2011, 11€

Dans les années cinquante, Arthur C. Clarke, que « 2001, l’Odyssée de l’Espace » et le film éponyme n’ont pas encore rendu mondialement célèbre, même s’il a déjà écrit la nouvelle qui les préfigure, fait partie d’un petit noyau d’écrivains de science-fiction qui essaient d’imaginer le futur non pas dans sa version débridée, mais en essayant d’anticiper les développements de la conquête spatiale à partir d’éléments scientifiques connus. Visionnaire et précurseur, membre de la British Interplanetary Society, Arthur C.Clarke, au fil des trois romans de ce volume, donne sa vision d’un futur que nous n’avons pas encore été capables d’accomplir.



Îles de l’Espace


Un jeune homme, vainqueur d’un jeu télévisé récompensant l’érudition en matière de connaissances aéronautiques, sidère le public en choisissant comme récompense au voyage promis non pas une destination idyllique, mais une station spatiale. En effet, si, en cette année 1985 imaginée par Clarke dans les années cinquante, des changements considérables ont eu lieu sur terre – les fermes marines assurent la subsistance et les grandes prairies, sur les territoires nord-américains, ont repris leurs droits – il en va de même en ce qui concerne l’espace. La conquête de l’infiniment grand a pris son essor, la lune a été colonisée, Mars également, et la première circumnavigation de Vénus a déjà eu lieu.

C’est dans un tel contexte que l’adolescent s’en va faire un stage en orbite en compagnie de cadets de l’espace aux côtés desquels il va vivre une série d’évènements imprévus. Il y voyagera notamment entre deux stations à bord d’un antique vaisseau spatial rafistolé par des amateurs, découvrira dans un laboratoire des animaux ayant atteint en apesanteur un développement monstrueux et frôlera la mort dans un ferry spatial offrant – à priori – toute garantie de sécurité.

Court roman de moins de deux cents pages publié en français au Fleuve Noir en 1954, puis réédité en 1977, « Îles de l’Espace » apparaît assez artificiellement conçu. Les péripéties, de toute évidence, ne sont qu’un prétexte à la mise en scène d’aspects scientifiques dont l’exposé semble être le but essentiel de l’auteur. Malgré cette dérive que l’on pourrait qualifier de « julesvernienne », l’ouvrage n’offre rien de rébarbatif et peut-être lu sans peine par des adolescents. Si la trame narrative peut sembler quelque peu légère et manquer de suspense, si l’on décèle ici et là une touche de naïveté, sans doute volontaire, on trouvera dans ce roman de belles descriptions façon « space-opera » qui préfigurent les œuvres futures de l’écrivain.

Les Sables de Mars


Publié en langue française au Fleuve Noir en 1955, repris par les éditions Marabout en 1977, puis par Presses de la Cité en 1986, « Les Sables de Mars », nettement plus ambitieux qu’ « Îles de l’Espace », apparaît comme un space-opera classique, mais, déjà, porteur d’un certain second degré vis-à-vis du genre, puisqu’il met en scène un auteur de science-fiction, lequel mentionne, incidemment, la revue Argosy et Edgar Rice Burroughs. Cet élément sera à l’origine de plusieurs dialogues savoureux sur la crédibilité de l’auteur de science-fiction, la pérennité de sa vision et la manière dont il peut être considéré par ses contemporains.

Martin Gibson, écrivain de science-fiction, prend donc place à bord du vaisseau à propulsion nucléaire Arès, à vocation touristique, et dont il représente le premier passager de ce type. Si son accueil sur Mars en tant que journaliste est d’abord assez froid, les colons comprendront vite quel atout il peut être pour eux dans les désaccords qui les opposent à la terre. Il ne tardera pas à comprendre que les colons cachent quelque chose d’important à la planète-mère et que d’importants évènements se préparent, évènements auxquels, suite au crash de son avion de surface, il prendra une part capitale en découvrant de nouvelles formes de vie. Roman bien rythmé, sur lequel Clarke greffe une histoire aux accents romantiques qui n’était sans doute pas utile, « Les Sables de Mars » évoque par certains aspects – notamment le caractère sympathique de la plupart des personnages et un optimisme marqué – un autre des grands auteurs de l’âge d’or de la science-fiction, Clifford D. Simak.

Sur le plan scientifique, il est intéressant de noter que si l’on a pu croire, après les résultats des missions Viking de 1976, concluant que Mars était hostile à toute forme de vie, que ce roman d’Arthur C. Clarke (tout comme bien d’autres évoquant la possibilité d’une vie sur Mars) était devenu totalement caduc, il n’en est plus de même actuellement. En effet, les conclusions de la mission Phoenix de 2008 tendent à prendre une certaine distance avec ce dogme. Le lecteur intéressé par ce sujet pourra se référer, dans la dernière livraison de « Pour la Science » (n° 411, janvier 2012, pp. 29-36), à l’article de Peter Smith intitulé “On a creusé sur Mars”.

Lumière cendrée

Dans un contexte de tension croissante entre la terre et la Fédération des colons ayant essaimé sur d’autres planètes, et autour de la problématique de répartition de minerais que l’on ne trouve que sur terre, Sadler, véritable comptable mais aussi agent secret, arrive sur un observatoire lunaire où il a pour mission de découvrir, sous couvert d’un audit financier, un espion faisant transiter des données vers le camp adverse. Rapidement, Sadler comprend que sa tâche est loin d’être simple. D’une part il ne parvient pas, malgré tous ses efforts, à démasquer l’individu, d’autre part il découvre non loin de sa base une station tenue secrète, dont il devine qu’elle est appelée à devenir la clef du conflit en cours. Un conflit qui aura bel et bien lieu, donnant lieu à la première bataille planétaire de l’Histoire – une bataille à laquelle les protagonistes assisteront de bien trop près à leur goût.

Récit publié en langue française à la Librairie des Champs Elysées en 1975, puis aux Presses de la Cité en 1985, « Lumière cendrée » est donc un space-opera classique. S’il peut parfois apparaître un peu trop linéaire et sembler se conclure de façon étonnamment optimiste, il n’en offre pas moins de nombreux points intéressants. Les caractères des habitants de l’observatoire lunaire sont vus avec humour et finement dessinés, et les difficultés que Sadler éprouve à trouver parmi eux un profil psychologique de sympathisant pour la Fédération particulièrement bien rendues. Par ailleurs, les descriptions exotiques sont particulièrement réalistes, et ceci dès les premières pages avec le voyage en monorail lunaire. Celles de la cité lunaire, des autres déplacements à la surface de ce satellite, puis du combat spatial et des voyages dans l’espace ne seront pas en reste, donnant à ce roman sa pleine dimension de space-opera.

Ce roman pose par ailleurs toute une série de problèmes scientifiques intéressants, par exemple en imaginant le transbordement de dizaines d’hommes d’un vaisseau spatial en perdition à un autre, sans combinaison, en retenant simplement leur respiration, chapitre à la lecture duquel on pensera inévitablement à une scène dramatique du long métrage « Sunshine » de Danny Boyle. Si Arthur C. Clarke rapporte dans sa préface qu’un tel exploit est considéré comme scientifiquement possible, on ne peut s’empêcher de frémir en pensant aux températures spatiales proches du zéro absolu (c’est-à-dire aux alentours de moins 270 degrés Celsius) – mais on peut aussi, il est vrai, imaginer qu’une telle manœuvre soit envisageable à proximité d’un soleil.

Une réédition bienvenue

Cette « Trilogie de l’Espace  », on l’a vu, remonte aux années cinquante : elle prend donc pleinement place dans l’âge d’or de la science-fiction, période que Jacques Sadoul situe entre 1938 et 1957, mais que d’aucuns considèrent comme s’étendant plus largement des années vingt aux années soixante. Un âge d’or qui fut dominé par quelques plumes célèbres comme Ray Bradbury, Isaac Asimov, Alfred Elton Van Vogt, Clifford Donald Simak ou Robert Anson Heinlein, mais dans lequel Arthur C. Clarke, avec des idées scientifiques novatrices, occupa également une place importante en faisant souvent figure de précurseur.

Si les romans d’Arthur C. Clarke composant « La Trilogie de l’Espace » ne se hissent pas au niveau de ses œuvres majeures comme « 2001, Odyssée de l’espace  » ou « Rendez-vous avec Rama », s’ils peuvent être à juste titre considérés comme secondaires dans la carrière de l’auteur, ils n’en restent pas moins intéressants et agréables à lire. Cet épais volume de plus de sept cents pages, qui constitue le premier d’une série d’intégrales chez Milady, permettra au nostalgique ou à l’amateur d’histoire de la science-fiction, mais aussi au féru de space-opera, de se plonger ou de se replonger dans trois récits écrits par un des maîtres du genre.

Texte - 413 octets
Coquilles Trilogie de l’Espace

Titre : La Trilogie de l’Espace (The Space Trilogy, 2001, comprenant : Islands in the Sky, 1954 ; The Sands of Mars, 1951 ; Earthlight, 1951)
Auteur : Arthur C. Clarke
Traduction de l’anglais (Grande-Bretagne) : André Jager, Jean-Gaston Vandel, Gisèle Bernier
Couverture : Manchu
Éditeur : Milady
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 713
Format (en cm) : 12 x 18 x 3,1
Dépôt légal : décembre 2011
ISBN : 978-8112-0646-8
Prix : 11 €



Arthur C. Clarke sur la Yozone :
- La chronique de « Chants de la Terre lointaine »
- La chronique de « Les Montagnes hallucinogènes »


Hilaire Alrune
2 janvier 2012


JPEG - 26.8 ko



Chargement...
WebAnalytics