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Greg Mandel T3 : Nano
Peter F. Hamilton
Milady, traduit de l’anglais (Grande-Bretagne), Science-Fiction, 725 pages, novembre 2011, 10€

Si Peter F. Hamilton est surtout connu pour son monumental opus « L’Aube de la Nuit », il est également l’auteur d’un ensemble de trois romans consacrés aux aventures de Greg Mandel. Avec « Nano », Milady achève la publication de ce cycle, et offre aux lecteurs francophones le troisième roman de Peter F. Hamilton, paru en langue anglo-saxonne en 1995.



Sept cents pages sans temps mort

Dans un futur suffisamment proche pour sembler vraisemblable, des années de Parti Socialiste Populaire, malgré une guérilla farouche à laquelle a participé Greg Mandel, ont ruiné la Grande-Bretagne : krach financier, destruction de l’économie, sécurité sociale dissoute, réseau routier à l’abandon, le tout aggravé par des inondations massives occasionnées par la fonte des pôles. Mais, dix-sept ans après la première aventure de Greg Mandel, la situation s’est grandement améliorée : les Fens inondés du Lincolnshire ont été pourvus – notamment par Julie Evans, qui a encore élargi l’empire industriel et technologique d’Event Horizon, la firme héritée de son grand-père – d’îles artificielles et de bâtisses futuristes, les routes ont été reconstruites, la paix sociale est revenue.

C’est dans ce contexte que Julie Evans reçoit, de la part de son époux mystérieusement disparu huit mois auparavant, une fleur qui n’en finit pas de l’intriguer : elle n’a jamais été décrite par les botanistes et son équipement génétique semble bien au-delà des capacités de synthèse des laboratoires. Une seule explication possible : cette plante est d’origine extra-terrestre. Dans le même temps une firme invisible, par l’intermédiaire de conglomérats reconnus ou douteux, met aux enchères les clefs d’une nouvelle physique baptisée structuration atomique, qui représente bien plus qu’un simple avancée scientifique : une révolution aux applications fabuleuses.

S’engage alors une enquête qui est aussi une course-poursuite en vue de retrouver Royan, l’époux de Julie Evans, et qui commence par la recherche de Charlotte, sa messagère, en qui les connaisseurs de l’œuvre de Peter F. Hamilton ne manqueront pas de reconnaître le « prototype » de l’extraordinaire Mellanie Rescoraï, une des héroïnes de la tétralogie de Pandore. Mais cette jeune femme s’est mystérieusement et inexplicablement volatilisée, et d’autres que Greg Mandel sont à sa poursuite. La rencontre avec ses poursuivants ne sera que la première d’une longue série de confrontations explosives.

De l’action, donc, mais pas seulement. « Nano » relève aussi, comme les volumes précédents, du cyberpunk et du cyberthriller. Car il se déroule dans un univers où les données piratables sont à la fois monnaie courante et gage de survie. “La clef du nouveau monde est la récupération”, explique un des protagonistes. “Toutes les réponses existent quelque part dans les blocs de données de la planète”. À ce petit jeu, aussi bien Julie Evans que Royan sont depuis longtemps passés maîtres. Mais ils ont face à eux des techno-mercenaires suréquipés et dépourvus de scrupules. Des combattants que ni Greg Mandel avec ses étonnants pouvoirs, ni son ancienne alliée de guérilla devenue elle-même techno-mercenaire, ni les hommes de main de Victor Tyo, redoutable chef de la sécurité d’Event Horizon, ne parviendront à impressionner.

À travers l’action, le piratage, les entretiens façon thriller géopolitique, technothriller ou enquête policière – que ce soit avec le grand-père de Julie Evans, depuis longtemps mort mais conservé sous forme d’avatar dans des structures bioinformatiques, avec des équivalents de Julie Evans sous une même forme neuro-artificielle, ou encore avec les persona abandonnés par Royan dans divers ordinateurs comme autant de jalons d’une quête – l’intrigue progresse sans temps mort vers un final d’une ampleur inattendue. Un final dont nous nous garderons bien de révéler la teneur et que les puristes pourront trouver surchargé, mais qui préfigure, sans ambigüité aucune, des thématiques qui seront développées dès les premiers chapitres de « Rupture dans le réel », le volume inaugural de « L’Aube de la nuit ».

Des qualités évidentes

Comme au sujet du premier volume des aventures de Greg Mandel, on exprimera une certaine réserve pour un jargon scientifique qui n’abusera pas forcément grand monde. Mais, alors qu’il ne s’agit le plus souvent que d’un défaut mineur, la clef de l’intrigue, à savoir l’assertion des scientifiques comme quoi l’ADN de la fleur “n’est pas originaire du système solaire” apparaît au cours du quatrième chapitre assez fantaisiste et insuffisamment étayée, faute à un dialogue trop pauvre pour être crédible.

Cet unique point faible n’enlève en définitive pas grand-chose aux qualités de l’ouvrage. Car Peter F. Hamilton, une fois de plus, fait preuve d’un réel talent de romancier. Qu’il réussisse à développer son intrigue sur plus de sept cents pages sans jamais lasser constitue déjà en soi une belle opération. S’il y parvient, c’est parce qu’il équilibre soigneusement ses ingrédients sans jamais donner l’impression de se laisser aller à faire du remplissage. Les éléments qui ne sont pas indispensables au déroulé de l’intrigue le sont à la mise en place des personnages, qui tous, du premier au dernier, prennent corps et substance. On fera la même remarque pour les dialogues : s’ils abondent, ils sont loin de constituer la matière première du roman, comme on le voit trop souvent chez les auteurs qui tirent à la ligne. Même entraîné par l’action, le lecteur ne ressent pas le besoin de sauter des pages.

Il en va de même avec les descriptions. Soigneusement dosées, elles donnent un véritable cadre visuel, souvent d’envergure, à la narration. On appréciera en particulier l’aptitude de l’auteur à mettre en scène, dans la grande tradition du space-opera, de gigantesques structures : par exemple le dirigeable de Jason Whitehurst, le laboratoire sous-marin, la raffinerie orbitale, ou les différentes composantes de l’astéroïde.

Tous ces éléments, combinés au goût de Peter F. Hamilton pour les intrigues complexes, font de « Nano » un ouvrage qui, s’il n’est pas fondamentalement novateur, fait honneur au genre. Une excellente idée, donc, de la part des éditions Milady, que d’avoir publié les aventures de Greg Mandel, négligées par les éditeurs français depuis plus de quinze ans.


Titre : Nano (The Nano Flower, 1995)
Cycle : Greg Mandel, tome 3
Auteur : Peter F. Hamilton
Traduction de l’anglais (Grande-Bretagne) : Sara Doke
Couverture : Lapao
Éditeur : Milady
Éditeur : Milady
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 726
Format (en cm) : 18 x 11 x 4
Dépôt légal : novembre 2011
ISBN : 978-2-8112-0635-2
Prix : 10 €



À lire également sur la Yozone :
- La chronique de « Mindstar », première aventure de Greg Mandel


Hilaire Alrune
26 décembre 2011


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