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Halo : Cryptum
Greg Bear
Milady, traduit de l’anglais (Etats-Unis), science-fiction, 378 pages, novembre 2011, 8€

Inspiré par l’univers de jeu vidéo, « Halo : Cryptum » représente le premier volume d’une trilogie consacrée aux Forerunners, espèce extra-terrestre ayant été en conflit avec l’humanité. En ces temps lointains les humains, épuisés par un long combat avec les Floods sur lesquels ils avaient fini par prendre le dessus, ont été vaincus par les Forerunners. Les évènements décrits se déroulent donc dans une lointaine histoire ayant précédé de milliers d’années les péripéties du jeu, mais préfigurant l’univers dans lequel il se déroule.



Le narrateur appartient à la caste des Manipulateurs, de l’espèce des Forerunners, une intelligence extra-terrestre ayant combattu et vaincu l’humanité. De nature rebelle, confié à une famille d’adoption, il s’échappe sous l’influence de son auxilia – figure informatique attachée à sa personne – et, espérant découvrir une entité mythique nommée Organon capable de réactiver les immenses artefacts abandonnés depuis des millénaires par des Précurseurs dont on ne sait rien, il s’échappe et gagne la planète humaine Erdé-Tyrène. En compagnie de deux humains, il y découvre un étrange sanctuaire où sommeille depuis plus de mille ans le Didacte, un Forerunner de la caste des Combattants, qui, révoqué par le Conseil, a choisi l’exil. Réveillant ce combattant, le narrateur réalise que sa propre auxilia n’est rien d’autre qu’une entité de la Bibliothécaire, figure célèbre de la caste des Biotechniciens, épouse du Didacte, et responsable de l’insertion, dans le capital génétique des habitants de cette planète, d’un génocode les programmant pour protéger le sanctuaire, se frayer un chemin à travers les pièges l’entourant, et aider le narrateur à réveiller le combattant.

Ce réveil du Didacte sera la prélude à une immense aventure entraînant le narrateur à travers la galaxie, mais aussi à la découverte et à la recherche des complexités de la civilisation des Forerunners et de leur histoire. Il découvrira le sort épouvantable réservé aux San’Shyuums, l’existence d’armes terrifiantes et le récit de leur genèse, la nature des effroyables Floods contre lesquels luttèrent autrefois les humains, l’aspect d’une autre créature encore, l’Intemporel, qui terrifia aussi bien les hommes que les Forerunners, et enfin la menace pesant sur la civilisation Forerunner toute entière.

Ce roman très linéaire – l’auteur ayant choisi de faire découvrir au lecteur l’histoire de la civilisation Forerunner à travers les yeux de l’adolescent – présente donc une multitude de thèmes, mais aussi de nombreuses imperfections. Les personnages, qui ne semblent apparaître à tour de rôle que pour faire avancer l’intrigue, manquent pour la plupart d’épaisseur. Le narrateur lui-même, un Forerunner, ne parvient pas à prendre réellement substance : alors qu’il pourrait être attachant dans cette découverte progressive de son univers et de ses complexités, il ne fait le plus souvent que subir les évènements. On n’apprend à quoi il ressemble (tout comme à quoi peuvent ressembler les Forerunners) qu’au vingt-septième chapitre, c’est-à-dire au dernier tiers du volume, un retard que rien ne vient justifier. De nombreux concepts prometteurs ne sont qu’effleurés, par exemple l’Omnitemps cité au chapitre trente-quatre, et laissent le lecteur sur sa faim. D’importants éléments sont éludés, comme la contre-attaque des humains et leur victoire sur les Floods, incompréhensiblement expédiées en trois lignes. La caution scientifique est quasiment inexistante : on ne sait rien des génocodes, et le mécanisme d’action des terrifiants halos est décrit en quelques mots. Il manque à ce roman, globalement, un souci du détail et une densité d’écriture que la richesse des thèmes et de l’univers mis en scène appelaient. On est donc très loin de la grande réussite de Greg Bear, « Eon » , et l’on regrette que l’auteur n’ait pas apporté plus de consistance à cet univers.

Malgré la multiplicité des figures et des concepts – le Manteau, la Mutations, les Houragoks, Le Cryptum, l’Atemporel, les Floods, le Métarqe, etc. - l’intrigue est globalement simple et facilement compréhensible, même pour des lecteurs non familiers des thématiques du genre. L’écriture est sans fioritures, et, si l’auteur suit manifestement un cahier des charges visant préférentiellement les « gamers » qui ne sont pas forcément tous de grands amateurs de prose, on pourra regretter, à l’exception d’une scène finale prenant quelque ampleur, un faible investissement stylistique dans les descriptions. Ce choix répond sans doute à celui d’une succession rapide de chapitres courts, mais, dans la mesure où les aspects visuels représentent une facette importante de l’univers de « Halo », et où des artefacts ou paysages d’envergure peuvent être décrits de manière efficace et sans complexité excessive (on peut se référer en la matière aux planètes et aux gigantesques structures décrites par Peter F. Hamilton dans les quatre volumes de la tétralogie de Pandore), ceci apparaît préjudiciable à la crédibilité et à la densité de l’univers mis en scène. Notons toutefois que le traducteur Cédric Degottex a su faire appel à un lexique précis et que les lecteurs désireux d’étendre leur vocabulaire pourront y glaner des mots généralement peu usités dans la littérature de genre (clayonnage, envoiler, andain, caveçon, pour ne citer que quelques exemples ), et que l’on peur retenir ici et là d’élégantes idées comme les âmes d’anciens soldats présentes dans les Sphinx de combat ou la lente déréliction du Deep Révérence, titanesque vaisseau spatial empli par le Prométhéen d’œuvres d’art issues des peuplades San’Shyuums dont il contrôle et surveille les planètes.

« Halo : Cryptum » apparaît donc en définitive parfaitement fidèle à l’image qu’il donne de prime abord : une « novelisation » destinée préférentiellement aux amateurs et connaisseurs du jeu. Faire appel à une plume célèbre de la science-fiction pour tirer des romans de cet univers était une idée intéressante : outre la caution littéraire, Greg Bear était susceptible d’apporter une certaine « patte » à l’ensemble. Il s’est acquitté de sa tâche avec honnêteté, mais aussi, de toute évidence, sans investissement excessif. Si « Halo : Cryptum  » manque d’atouts pour s’inscrire durablement dans la littérature de genre et apparaît comme une œuvre de commande, sa fin est toutefois suffisamment intrigante, et suffisamment ambitieuse, pour donner envie de lire la suite. De surcroît, il ne manquera pas de plaire aux nombreux amateurs du jeu éponyme, à qui il permettra de parfaire leur connaissance de cet univers.

Texte - 301 octets
Coquilles Cryptum

Titre : Halo : Cryptum (Halo : Cryptum, 2011)
Série : La Saga Forerunner, tome I
Auteur : Greg Bear
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Cédric Degottex
Couverture : Sparth (Nicolas Bouvier)
Éditeur : Milady
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 378
Format (en cm) : 10,9 x 17,9 x 2,4
Dépôt légal : novembre 2011
ISBN : 978-2811206475
Prix : 8 €



Hilaire Alrune
17 décembre 2011


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