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Le cyberespace de l'imaginaire




Cas Jack Spark (Le), saison 3 : Hiver Nucléaire
Victor Dixen
Jean-Claude Gawsewitch, roman (France), cataclysme féérique et adolescent, 655 pages, février 2011, 24,90€

Les Xénotrons se sont abattus sur Terre, soulevant un nuage de cendre qui plonge la planète dans un hiver nucléaire. Les cadavres des millions de morts des premières semaines de chaos se sont relevés, pantins des aliens, et cette armée de morts-vivants, les Nécrosés, ne tarde pas à semer la terreur dans les dernières poches de résistance humaines, comme Paris.
Jack et les autres rejoignent la capitale française, répondant à l’appel de Kasandra et Josh, guidés par les Larves.
Le Cœur Noir va sauver la capitale, mais à quel prix ! Et C’est à Paris que Jack va découvrir le triste sort advenu de sa tendre Sinead : pour la sauver des Xénotrons, Vlad Drakul l’a changée en vampire !



Après la victoire parisienne, et un rebondissement imprévu, les humains et leurs alliés Fés se découvrent un double objectif : anéantir les Xénotrons en trouvant le 3e Joyau-Roi, et cela avant la théocratie de Tolède, d’où le Grand Inquisiteur, le Padre Da Silva, devenu ivre d’ambition, a fait partir sa croisade pour libérer la planète de toutes ses souillures, aliens, Fés, hérétiques, bref tout le monde qui ne pense pas comme lui.

Les aventures sont menées tambour battant, chaque grande bataille entrecoupée de pauses, le temps de réaliser la boucherie à laquelle on se livre, et d’avoir encore quelques sentiments pour l’élu(e) de son cœur.

Oui, parce que ça a beau être la fin du monde, la nuit perpétuelle, une ambiance (clairement affichée par l’auteur) digne de « La Route » de Cormack McCarthy, il ne faut pas oublier que l’été dernier, dans le tome 1, c’était les vacances d’été (bon, à Redrock...) et que des amours adolescentes se sont nouées, et ces amours sont indestructibles, malgré l’apocalypse planétaire...
On aura donc, avant une bataille, des choix déchirants, des séparations, et après, des retrouvailles, d’autres choix déchirants, des passions contrariées, des partenaires qu’on croyaient perdus, d’autres retrouvailles, des larmes, des baisers...

Toute cette mièvrerie, associée à des hasards dignes de la pire littérature (le monde semble se résumer à une quinzaine de personnages principaux, et le reste : des figurants, de la chair à canon... Et tout se monde se croise, se retrouve, au milieu de la foule des armées parisienne ou tolédane...), vient à mon goût gâcher les énormes progrès narratifs de Victor Dixen depuis « Automne Traqué ». L’ensemble du récit se tient, et bien qu’on saute d’un point de vue à un autre (cela se limite à Jack, Sinead, Josh et Ti-Jean), comme nos héros sont plus ou moins ensemble, cela ne part plus dans tous les sens.
Les 50 premières pages sont d’ailleurs délectables : peut-être parce qu’elle introduisent un nouveau personnage, ou bien parce que Jack n’y fait qu’une très brève apparition. On suit un jeune voyou qui, après s’être imposé par la violence dans une ancienne école où sont réfugiés des enfants, va devenir leur défenseurs face aux Nécrosés. Certes, la trame est usée jusqu’à la corde, tous les clichés sont là : le voyou qui passe de dominé à dominant, la vieille prof sans enfant mais aux gestes maternels, la relation mère-fils qui se noue... mais bon, les deux tomes précédents nous avaient déjà appris que Victor Dixen est capable d’originalité comme de très grosses ficelles ! Mais cette intro a le mérite de nous présenter la situation après le Cataclysme d’excellente manière, et le rythme et la plume sont là.

La suite, on l’a dit plus haut, alternera le bon, voire le très bon, et le beaucoup plus commun.

Je passerai assez vite sur les incohérences et les facilités que s’accorde l’auteur. Je n’ai pas compris comment les Xénotrons ont bombardé TOUTE la planète, alors qu’ils arrivent en essaim de météores (donc tous du même côté de la planète et tous en même temps). De toute façon, le monde se résume à l’Europe et l’Amérique, rien à f... faire du reste, c’est pas comme si il y avait des vrais gens ailleurs. Pas de racisme là-dedans : la preuve, cet « Hiver Nucléaire » est un plaidoyer contre le fanatisme religieux et l’intolérance envers l’Autre.

Le message est souvent martelé, guère fin : il y a deux camps, les Parisiens qui s’allient aux Gentils Fés (Jack et ses potes), et les Inquisiteurs, qui profitent de la faiblesse américaine (les lâches !) pour imposer un pouvoir religieux tout-puissant. À leur tête, le padre Da Silva, devenu fou (ou sénile), veut éradiquer les Fés comme les Xénotrons, et tant qu’à faire, tout ceux qui s’y opposeront.
Bien vite, on découvrira qu’il est en fait manipulé par les autres Grands Grands Méchants de cette histoire (qui n’ont pas hésité à retourner leur veste et à trahir Jack). Et à son message de haine xénophobe s’oppose celui de monseigneur Clément, l’évêque de Paris, qui lui est la bonté incarnée (il n’a même rien contre l’homosexualité de Josh... Un prêtre comme on en voit peu de nos jours... vivement la fin du monde...)
Le discours religieux s’équilibre donc, et malgré les découvertes faites par nos héros sur les Xénotrons et les Premiers Fés, jamais aucun des croyants ne remet en question l’existence de Dieu... Ah, prosélytisme, quand tu nous tiens, et dans de la littérature pour ados, en plus...

Bon, il y en a quand même qui réfléchissent par eux-mêmes, comme Ti-Jean, mais il est tellement secoué dans cette histoire qu’il rejoint le camp ennemi avec une déconcertante facilité (ça me rappelle Anakin Skywalker dans « La Revanche des Sith »... « Oups, j’ai glissé du Côté Obscur... »). Néanmoins il accomplit dans les 100 dernières pages un travail psychologique déterminant, face aux cadavres des Parisiens venus s’opposer aux hordes d’Inquisiteurs fanatiques, qui lui fait retrouver la raison tout en le libérant de tous ses traumatismes passés. Y’a des déclics qui se font...

Et d’autres pas : si on accumule les morts parmi les personnages principaux, la trilogie se termine mystérieusement, après une bataille titanesque, par un happy end : tous les couples se portent bien, on va reconstruire le monde, d’ailleurs c’est le printemps, les nuages se dissipent, la vie va revenir, youpi, c’est génial...

Bref...

Conclusion générale sur la trilogie

Avalées ces 1500 pages, je ne sais trop quoi penser.
« Été Mutant », auréolé du Grand Prix de l’Imaginaire Jeunesse, était imparfait mais plutôt captivant, grâce à une sorte de huis-clos fantastique, et original, plusieurs « mythologies » s’entrecroisant : contes de fées, science, aliens...
« Automne Traqué » s’éparpillait, voulant élargir le champ de vision à la planète entière, enchaînant les fins intermédiaires (la fin de Krampus, la fin du Trust, la fin du monde) tout en rajoutant d’autres données : les Larves et les envoûteurs. Tout s’enchaînait trop vite, virant à la pantomime grotesque. Voulant trop en faire, l’auteur nous perdait, soit dans le fouillis, soit dans la logique même des évènements.
« Hiver Nucléaire » ne commet pas l’erreur de raccrocher à la fin immédiate du tome précédent : la situation est donc nouvelle, et totalement différente. L’ambiance post-apocalyptique mélangée aux hordes de zombis marche bien, et le nombre très restreint d’actions majeures cadre mieux avec l’unité de temps (une saison) que s’est fixée l’auteur.

Au final, je serai presque tenté de vous dire de sauter le tome 2. Mais en fait, je conseillerai à Victor Dixen de réécrire sa série. Le premier tome souffre d’une absence de fin, le second est trop chargé de choses disparates, le troisième sauve les meubles à coups d’effets spéciaux et de grosses ficelles. Et il y a le happy end...
Je lui dirai de supprimer les encarts de débuts de chapitres qui résument la situation du prochain narrateur à coups de citations marquantes des passages précédents : pour se bouffer ces 1500 pages, il faut être bon lecteur. Ces rappels sonnent comme l’aveu de l’auteur de son incapacité à capter l’intérêt, à imprimer la mémoire entre deux lectures, à moins qu’ils se traduisent, par leur rôle pédago-explicatif, le faible niveau intellectuel dont Victor Dixen nous estime pourvus. On n’est pas un zombi abruti devant sa série télé américaine hebdomadaire, à qui il faut ré-expliquer en 30 secondes les quelques finesses emballées la semaine précédente en deux fois 52 minutes d’action, courses-poursuite et explosions.

Une fois de plus, j’ai la sensation que pour certains, la « révolution Harry Potter » n’a jamais eu lieu, cette révolution qui fait qu’aujourd’hui, personne ne peut ignorer que les ados (pas tous, ceux qui lisent) sont capables de dévorer des pavés de 500 pages en une semaine. Et qu’ils n’ont pas la mémoire de poissons rouges.

Le résultat final de la trilogie « Le Cas Jack Spark » ne me pousse guère à être indulgent avec la littérature pour ados « et jeunes adultes », qui est capable de beaucoup mieux que ça. Le Grand Prix de l’Imaginaire Jeunesse attribué au tome 1 est la preuve que d’autres, plus expérimentés que moi, y ont cru. Le style, les effets de typo, l’imaginaire foisonnant, tout cela était rafraîchissant, et aurait pu succéder en bonne place 10 ans après le petit sorcier de J.K. Rowling. Mais l’histoire sombre dans la facilité (ou à l’inverse, dans trop de complications), les clichés et la surenchère perpétuelle pour maquiller les blancs et les incohérences...

Donc, lisez le tome 1. Et sachez qu’après la fin, ils bottent les fesses aux méchants Fés, aux aliens, et que tout est bien qui finit bien pour tous les Gentils : les Fés sont acceptés, Jack est avec Sinead, Josh avec Doug, les anorexiques se mettent à manger, les grassouillettes acceptent leur corps et le regard des autres, les stressés se calment, et les méchants fanatiques ont tous été punis. La Terre a failli y passer mais on va repartir sur un bon pied avec plein d’amour. Fin.


Titre : Hiver Nucléaire
Série : Le Cas Jack Spark, tome 3
Auteur : Victor Dixen
Couverture : Matthieu Rebuffat & Aurélie Bertram
Éditeur : Jean-Claude Gawsewitch
Site Internet : page roman (site éditeur) (notez à cette date, la couverture présentée est encore la version préparatoire...)
Pages : 655
Format (en cm) : 24 x 15,5 x 5
Dépôt légal : février 2011
ISBN : 978-2-35013-256-3
Prix : 24,90 €


Également sur la Yozone :
Saison 1 : « Été mutant »
Saison 2 : « Automne Traqué »

Coquilles très rares (surtout des traits d’union ou des points absents), quoique passée la moitié, de petits mots viennent soient à manquer (2-3, pages non notées), soit se rajoutent (549 : « et il pourra être » répété, 602 un « sur » de trop).


Nicolas Soffray
18 novembre 2011


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