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Gentlemen de l’étrange (Les)
Estelle Valls de Gomis
Black Book, à dé couvert, roman-feuilleton (France), fantastique victorien, 313 pages, septembre 2010, 9€

Londres, fin XIXe. Manfred, psychiatre en asile, et Wolfgang, jeune noble oisif, se piquent de résoudre mystères et de mener enquêtes. Sous leurs dehors de dandys respectables de la bonne société, ils cachent quelques atouts, intellectuels pour l’un, parapsychique pour l’autre. Aventuriers, rien ne les étonne ! Pas même une souris de 50 cm de haut et qui parle, ni une gouvernante à moitié sorcière...



Dix nouvelles, s’enchaînant en chapitres, composent ce « Gentlemen de l’étrange ». Dix aventures, plus ou moins indépendantes, liées par une trame chronologique et quelques personnages récurrents. Estelle Valls de Gomis joue la carte du feuilleton avec efficacité : tout comme les séries TV d’aujourd’hui, si l’aventure se clôt à la fin de chaque épisode, les actes, sentiments et découvertes des différents protagonistes nous poussent à ne pas attendre la suite. On dévore donc ce petit recueil (de 300 pages tout de même) sans attendre une contraignante livraison/diffusion hebdomadaire.

Si l’atmosphère victorienne a son charme, l’ambiance est cependant bien glauque, avec des sociétés secrètes, des monstres, des vampires, des fantômes... Malgré leurs talents et leurs pouvoirs, nos quatre héros changent souvent d’air, pour des vacances en France ou à Venise, voire aux États-Unis. Cela varie les décors et permet à l’auteure de jouer avec le folklore local, plutôt que se restreindre à la seule mythologie anglaise.

Mais c’est dans les relations entre les personnages qu’on trouvera le sel de ces histoires, notamment entre Wolfgang, qui semble détenir de mystérieux pouvoirs, et sa gouvernante Wilhelmine, un peu sorcière, qui tente clairement de le séduire sans en avoir l’air, tout cela sous les yeux d’Ernest, la souris géante bibliophile. L’aveuglement de Wolfgang donne une touche d’humour à tout cela, et fait passer la pilule de la totale inertie de cette relation. Et des autres.

Car c’est là le gros bémol : la série semble close (publiée en feuilleton en 2003, en recueil en 2007, et rééditée ici en 2010), et laisse toutes les questions sans réponses : qu’en est-il des pouvoirs de Wolfgang ? d’où viennent ceux de Mine ? Et Ernest ?
Mais peut-être est-ce aussi cela, le feuilleton : une immersion presque instantanée dans l’aventure, et une sortie avant la fin. On aura suivi nos héros un bout de chemin, sans savoir d’où ils venaient, ni où ils vont... C’est néanmoins un peu décevant, et l’auteure, au fil des rééditions, aurait peut-être pu remettre la main à la pâte pour rendre tout cela moins superficiel et donner à nous autres lecteurs de quoi satisfaire notre plaisir.

Cela aurait aussi pu être l’occasion de reprendre le style, assez lâche, même pour de l’imitation de feuilleton du XIXe. Chaque nouvelle est menée tambour battant, en une petite trentaine de pages, et le récit s’avère souvent factuel. La forme choisie fait aussi la part belle aux répétitions des informations de base concernant les protagonistes, alourdissant encore le texte. Les quelques scènes d’action, narrées sans plus de détails que le reste, peinent à relever le tout.

Restent également quelques scories, problèmes de ponctuation, de guillemets, et coquilles. Une grosse trentaine de choses relevées.

La nouvelle fantastique, hommage à Bram Stoker, qui clôt le recueil, en écho à l’une des aventures de nos gentlemen de l’étrange, est d’un tout autre niveau : sous la forme d’un journal (comme le « Dracula »), elle redonne au mythe du vampire un lustre agréable.

En conclusion, un recueil qui laisse le lecteur sur sa faim, en dépit de l’excellent dessert. On peut faire du très bon feuilleton victorien (je pense à Brian Stableford, notamment), et il ne manque ici qu’un peu de travail, de sérieux dans l’écriture, dont Estelle Valls de Gomis est plus que capable, au vu de ses autres parutions. Ces textes, parmi ses premiers parus, auraient mérité qu’on se penche une nouvelle fois dessus.


Titre : Les Gentlemen de l’Étrange (nouvelles/feuilleton)
Auteur : Estelle Valls de Gomis
Couverture : Fabien Fernandez
Éditeur : Black Book (édition originale : Le Calepin Jaune, 2004, 2007)
Collection : à couvert
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 313
Format (en cm) : 10,8 x 17 x 1,8
Dépôt légal : septembre 2010
ISBN : 978-2-915847-87-1
Prix : 9 €



Nicolas Soffray
20 juillet 2011


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