Le communiqué de presse diffusé par Delcourt et Soleil, le 22 juin
Les Éditions Delcourt viennent d’acquérir une part majoritaire du capital des Éditions Soleil.
Cette opération résulte d’une volonté commune des deux fondateurs, Mourad Boudjellal et Guy Delcourt, dont les parcours n’ont cessé de se croiser depuis plus de vingt ans. Créées à deux ans d’intervalle, en 1986 et 1988, les deux maisons concurrentes tissent très tôt des liens de collaboration : de 1990 à 1993, Soleil confie la gestion de ses droits étrangers à Delcourt. 2003 voit naître leur filiale commune de diffusion, Delsol, qui s’impose d’emblée comme l’un des grands acteurs commerciaux du marché : outre les catalogues de ses actionnaires, Delsol diffuse Futuropolis, Gallimard BD, les Humanoïdes Associés, Bamboo, et Panini.
Ce succès renforce l’entente des deux hommes qui, en dépit de leurs apparentes différences (Mourad Boudjellal est de Toulon, Guy Delcourt de Roubaix !) ont en commun l’esprit d’entreprise et le goût pour la découverte de nouveaux talents et de nouvelles idées éditoriales. Avec des succès comme Lanfeust de Troy, Les Naufragés d’Ythaq, UW1, Kookaburra, Rahan ou Les Blondes pour Soleil, et Donjon, Sillage, De cape et de crocs, Les Légendaires, Happy Sex ou Les Blagues de Toto chez Delcourt, les deux indépendants font bientôt jeu égal avec les plus anciennes maisons d’édition de bande dessinée dont la domination semblait pourtant écrasante.
Ce rapprochement permet à Soleil de poursuivre sereinement et énergiquement son développement, en bénéficiant à la fois du savoir-faire de Guy Delcourt et de l’implication de Mourad Boudjellal. Celui-ci reste actionnaire de la société, dirigera certains projets, et se consacrera plus particulièrement aux relations avec les auteurs historiques de la maison. Il pourra ainsi conjuguer ses deux passions : la bande dessinée et le rugby, où il fait des étincelles à la tête du RC Toulon.
Dans la nouvelle configuration, les Éditions Soleil comme les Éditions Delcourt (et leur filiale Tonkam) verront leur identité préservée, dans le plus grand respect de leurs auteurs et de leurs salariés, et trouveront un terrain propice à l’accomplissement de leurs ambitions éditoriales.
Le groupe éditorial ainsi constitué devient, par son chiffre d’affaires, le premier groupe indépendant du marché francophone de la bande dessinée.
Je passe sur l’auto-congratulation de mise dans ce genre de communication-maison qui flatte toujours les mérites de sa direction, et j’espère que la naissance de ce géant permettra la meilleure diffusion de bandes dessinées abouties, structurées, travaillées, correctement pensées et dessinées, bref de vrais projets dignes de ce nom pour stopper l’inondation permanente du marché par des produits qui n’ont de la BD qu’un lointain souvenir.
Le pire serait que ce géant ait encore plus la force d’engloutir en son sein la moindre graine de dessinateur pour publier cette foison d’ébauches de BD (à l’image assez souvent de Soleil ) qui ne méritent nullement leur place sur les linéaires de nos librairies favorites et qui se font à peine leur place sur le second marché, celui des soldeurs. Un phénomène que Soleil a largement entretenu et dont beaucoup d’éditeurs profitent aujourd’hui. C’est vrai que boire la tasse sur des publications n’est certes pas agréable et qu’ainsi, le bide de certains titres s’estompe quelque peu dans ce système de seconde vie. Pas sût que tout le monde y trouve son compte !
Espérons donc le meilleur, avec un catalogue Delcourt nettement plus qualitatif, tirant celui de Soleil hors des blagues balourdes et de la Fantasy de seconde zone, en craignant néanmoins que les habitudes du passé ne perdurent, la BD étant pour ces éditeurs un monde de business des plus agressifs qui cherche la rentabilité à tout prix. On produit, on produit, on produit, toujours plus pour que la marque arrive a s’imposer devant les autres par le plus grand nombre.
Ce poids de premier géant de la BD jouera peut-être en faveur des auteurs, et là je pense surtout à ceux qui démarrent et doivent connaître des fins de mois bien difficiles... Les réjouissances des financiers et autres entrepreneurs ne connaissant pas souvent les mêmes courbes de croissance. L’espoir fait vivre et, après tout, personne n’oblige qui que ce soit à passer des journées entières courbé sur une planche à dessin ou derrière un ordinateur. Mais que ne gobe-t-on pas aujourd’hui au nom d’une soi-disant créativité libérée de toute censure et tabou !
En tout cas, bon anniversaire Monsieur Delcourt, vous serez sûrement le garant de la bonne marche de cette énorme entreprise tandis que votre camarade de jeu ira jouer dans une autre mêlée que celle de la BD, dans la cour des gros bras du rugby, de la reconnaissance médiatique et des gros chèques dilapidés au nom, soi-disant, du sport !
Mais ceci est une autre histoire. Place donc à ce géant qui, sans doute, fera jaser dans le Landerneau de la BD alors que la trêve estivale s’annonce.
J’ai choisi d’illustrer cette information de quelques-unes des très belles réalisations que Guy Delcourt a choisi de mettre en avant pour célébrer les 25 ans de sa maison d’édition. 12 splendides albums qui ont souvent l’humain au cœur de leur création et de remarquables scénaristes et dessinateurs. Je regrette juste, comme d’autres avant moi, que ces 12 choix oblitèrent les débuts de l’aventure Delcourt et ne s’inscrivent que dans un passé plutôt récent.
Mais bravo, vous pouvez être fiers de cette sélection pour autant d’albums qu’on peut être satisfait d’avoir en sa bédéthèque, pour lire et relire ces très bonnes histoires dessinées...
