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Flux
Stephen Baxter
Le Bélial’, roman traduit de l’anglais (Grande-Bretagne), Hard-science, 458 pages, mars 2011, 24€

Imaginez une humanité microscopique, créée pour vivre dans les champs du manteau superfluide d’une étoile. Qui plus est, la tête en bas.
Quand les champs électromagnétiques qui constituent leur atmosphère sont secoués de tempêtes mortelles, ces gens voient leur univers s’effondrer... Mais pourquoi ?



Stephen Baxter est une des meilleures plumes actuelles de la hard science. C’est indéniable, et ce 3e opus du cycle des Xeelees en est une nouvelle preuve, si besoin était.

Ainsi que le signale la 4e de couverture, en plus d’une mise en situation un peu plus détaillée que ci-dessus (qui ne sera pas de trop pour tenter de comprendre les premiers chapitres), chaque roman du cycle peut se lire indépendamment du tout. C’est donc en néophyte que j’ai entamé « Flux ».

Autant le dire tout de suite : si vous n’accrochez pas immédiatement, il va falloir être courageux. En effet, du fait de l’univers particulier dans lequel évoluent les personnages initiaux, membres d’une tribu un peu sauvage, l’auteur nous noie dès le départ sous une avalanche de termes et de notions peu ou pas explicites. On parle d’Air, de Filet, de Manteau, de champs, de flux... de cochons d’Air qui se déplacent à coups de pets de neutrinos (véridique, et c’est de plus un élément central de l’intrigue, qui le croirait ?)... de structure atomique, de noyaux lourds, de protons et neutrons... d’arbres qui contiennent un feu nucléaire...
Bref, la mise en situation est brutale. L’univers des héros de cette histoire (Dura, son frère Farr et le vielle Adda) est radicalement différent de tout ce que vous pourriez imaginer : ils se meuvent (ils « ondoient » en pratiquant la Nage) (et oui, les termes capitalisés sont assez nombreux) en trois dimensions, le plafond est le cœur de l’étoile, aussi leurs arbres « poussent »-ils à l’envers, du haut vers le bas...
Donc, je me répète, mais si vous peinez sur les cent premières pages, qui narrent les conséquences du cataclysme (« l’Anomalie ») qui s’est abattu sur la tribu, la suite ne risque pas de vous simplifier les choses, car il vous faudra maîtriser tous ces termes et concepts pour comprendre la plupart des actions et décisions à venir... Mais après tout, en entamant un Stephen Baxter, vous saviez qu’on ne vous promettait pas un truc pré-mâché à lire sur la plage. Et heureusement.

Reprenons notre histoire : partis chercher des cochons pour renouveler le troupeau de la tribu, Dura, Farr et Adda croisent une étrange boîte, tractée par des cochons. C’est le choc de la révélation : les Êtres humains, ainsi qu’ils se nomment, ne sont pas seuls dans cette partie de l’étoile. Le conducteur de cette « voiture » va leur révéler l’existence de Parz, une gigantesque cité suspendue au Pôle (voir la couverture de Manchu), et les y conduire, car Adda a été blessé gravement durant la chasse au cochon. Là-bas, les « primitifs » vont être submergés par la foule, la technologie, la différence. Et pour le coup, nous, lecteurs, retrouvons nos marques (plus ou moins).
Après avoir confié Adda à l’hôpital, Dura et Farr apprennent la dure vérité : ils vont devoir travailler dix ans pour payer les soins ! Dura ira dans une ferme, dans le Magmont, la frontière « haute » du Manteau, pas loin de là où vivait la tribu, et Farr sera Pêcheur : il travaillera au Port de Parz, où on fait « descendre » dans une cloche des hommes-appâts pour capturer des bergs, des créatures du Manteau supérieur dont on extrait le précieux Matos, indispensable à toute technologie de flux électromagnétique...

Mais cela n’empêchera pas les Anomalies de se reproduire, de plus en plus violentes. Pour y mettre fin et empêcher la destruction de Parz, son président, Hork, cherche à en comprendre l’origine. Et s’il s’agissait des Xeelees ? Mais Parz a fait table rase de son passé, et les seules connaissances qui demeurent sont transmises oralement, dans des tribus isolées loin dans le Magmont...

Vous devinez aisément la suite : nos primitifs vont devenir la dernière chance de la mégapole, et c’est sur leurs épaules que va peser l’avenir de tous. S’ensuit une plongée digne des romans de Jules Verne dans le Noyau, à la recherches des Colonisateurs, les ancêtres créateurs disparus avec toute leur technologie des générations auparavant... Et vient aussi la révélation du sens de tout cela...

Je ne vous cache pas mon soulagement d’être arrivé au happy end de cette histoire (oui, car après l’Apocalypse, il y a l’inévitable note d’espoir). Après avoir peiné des semaines sur le premier tiers, indispensable pour prendre ses marques, la suite est plutôt lisible, les maux de tête ne revenant qu’en toute fin, lorsque la découverte de technologies inconnues et difficilement compréhensibles alterne avec les scènes d’action, grandioses maintenant que le vocabulaire lié nous est familier, qui découlent des Anomalies.

On pourrait reprocher au roman d’être assez classique dans sa structure : dépouillé du fond de SF et des termes spécifiques, on a là la découverte par un peuple d’une autre civilisation, plus avancée, mais aussi minée par des défauts inhérents à cette « civilisation » (comme l’inégalité des hommes engendrée par une ample hiérarchie), et au final, suite à une catastrophe qui ramène tout le monde au même niveau, l’union des représentants de ces peuples pour trouver ensemble la source du problème, la solution à la menace qui pèse, et d’une pierre trois coups, le secret de leurs origines communes.

Certes, ce n’est pas rien, et la création de l’univers, de ces lois particulières et de son vocabulaire spécifique, est un travail de titan. J’en profite également pour saluer le travail de traduction tout aussi titanesque de Sylvie Denis et Roland C. Wagner, qui rendent ces 450 pages lisibles et, dès lors, palpitantes . Il est un peu dommage que la relecture finale ait laissé passer nombre de coquilles (une cinquantaine) d’une énormité stellaire, dont la fréquence va crescendo, comme si au fil des pages, alors que la lecture se faisait (pour moi, du moins) plus facile, l’attention s’était un peu relâchée. On peut citer « aucunes des ressources » p.147, « cheveux jaunes d’ors » p.279, « pédalant dans Air » p.292, « continua de ressentit » p.327, « trois place » p.352, « il reçu » p.365, « de ses bras et jusque dans son coup » p.414, ou encore « en grêle autour lui » p.425. La traduction emploie à foison les « tel » dont l’accord se délite vers la fin (« telles des œufs d’araignées » p.414), et certaines expressions varient d’une page à l’autre (« unité de soin/soins » entre les pages 412 à 426) (fichier complet sur simple demande). Mais étant donné la densité et le niveau du texte, c’est finalement très peu et pas bien méchant, et rien en regard du résultat global.

Le Bélial’ effectue un excellent travail en publiant l’œuvre de Baxter, et devant la qualité de la traduction, on ne pourra que les remercier. Même presque 20 ans après sa publication originale, la puissance évocatrice et l’intelligence logique de la plume de Baxter sont revigorantes au milieu d’un paysage éditorial saturé de prose bien moins exigeante. « Flux » n’est pas à mettre entre toutes les mains, au risque de dégoûter les néophytes, mais il fera le bonheur des fans de « vraie » SF, ceux pour qui jeter quelques éléments futuristes sur le monde contemporain n’est pas suffisant. Le dépaysement de « Flux » est total, et son message final est universel. Bonne pioche.


Titre : Flux (Flux, 1993)
Série : Cycle des Xeelees, tome 3 (chaque tome peut être lu indépendamment)
Auteur : Stephen Baxter
Traduction de l’anglais (Grande-Bretagne) : Sylvie Denis et Roland C. Wagner
Couverture : Manchu
Éditeur : Le Bélial’
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 458
Format (en cm) : 14 x 20,5 x 3,7
Dépôt légal : mars 2011
ISBN : 9782843441035
Prix : 24 €



Nicolas Soffray
11 août 2011


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