Rien de plus simple, d’ailleurs, que l’argument de l’album : partant le lendemain pour Paris où poursuivre ses études, le jeune Matthieu met à profit l’ultime soirée et l’ultime nuit à passer dans sa ville de province pour faire le point, ainsi qu’un dernier tour de piste de bistrots en party, en compagnie d’amis dont il va se détacher, comme quand on prend de l’âge et qu’on change de registre.
Au long d’une longue virée dans des décors urbains que les lueurs crépusculaires et les monochromies brunes et bleues de Oiry rendent à peu près magiques et comme surréelles, le voici avec Christophe qui rêve éveillé de devenir le nouveau Kerouac, et le voilà avec Barjot qui ne le quitte pas d’une semelle dans sa recherche de Noémie, à qui Matthieu aimerait tant dire qu’il l’aime, en fait, et depuis pas mal de temps...
Barjot de son surnom, et de son prénom Jean-Mohamed, jeune fils d’immigrés au physique ingrat mais qui a de la tchatche et de l’humour assassin, en guise de défense et de provocation, et de dignité aussi... Barjot, l’ami qui cristallise cette adolescence dont Mathieu est sur le point de s’affranchir, autant par nécessité que par obligation, quand pourtant les nuits sont chaudes, qui invitent à marcher sans fin, sans concessions à rien ni personne...
Au fil de la dérive et de tranches de vie nocturne se déclinent aussi des scènes pures et dures où il est question de pugilats urbains, de boire jusqu’à plus soif, de dealers, de filles désirables et qui s’offrent, et du monde des adultes qui vivent là, devant nous, comme dans un autre monde... Choses vues, décors variés entre lesquels les adolescents font leur chemin comme en un labyrinthe aussi familier qu’inquiétant, par moments...
Marche enfiévrée, temps étiré. Avant d’enfin tomber sur Noémie, de lui cracher le morceau et de finir la nuit dans la torpeur d’un parc. En observant la constellation électrique de la ville endormie. En restant bien éveillé, cette fille contre soi. En écoutant Barjot, à trois mètres d’eux, étendu de tout son long dans l’herbe tiède, qui parle, qui vaticine comme si rien n’allait se terminer. Et tout est dit, je crois.
Site internet :
Le Blog d’Appollo
Une vie sans Barjot
Scénario : Appollo
Dessins et couleurs : Stéphane Oiry
Editeur : Futuropolis
Parution : 10 mars 2011
Pagination : 64 planches couleurs
Format : 20 x 28,5 cm
Numéro ISBN : 978-27548-0342-7
Prix public : 16 €
Illustrations © Futuropolis et les auteurs