Chargement...
YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Bankgreen
Thierry Di Rollo
Le Bélial’, roman (France), dark fantasy, 356 pages, février 2011, 20€

Sur Bankgreen, tout a une raison.
Dans la plaine de l’Orman, une bataille décisive va opposer Arfans et Digtères. Ces derniers ont dans leurs rangs les derniers varaniers, mercenaires étranges, aux pouvoirs tout aussi mystérieux, montés sur leurs redoutables lézards.
Mais les varaniers, qu’on dit aussi vieux que Bankgreen, et quasi immortels, ne sont plus que neuf. Et au sortir de la bataille, après un ultime conclave mental, Mordred réalise que ses congénères sont tous partis à la rencontre de leur mort, si tant est qu’elle existe...
Et comme sur Bankgreen, tout a une raison, Mordred, le dernier varanier, celui qui voit la mort des autres, va chercher le sens de sa survie, et le rôle qu’il est appelé à jouer.



Coup de maître de Thierry Di Rollo pour ce coup d’essai en dark fantasy, sur les pas des héros tristes de Mickael Moorcock. Si l’auteur reconnu de SF (voir par exemple la double chronique de « Meddik », ici en grand format au Bélial’et là en Folio SF) et de fantastique (comme dans le petit recueil « Cendres ») n’abandonne pas ses thèmes de prédilection, la noirceur et la mort, son entrée en fantasy est remarquable.

Commençons par le terrain de jeu. Bankgreen a des accents d’une autre Terre, on cherche, on croit deviner dans certains noms des morceaux de notre monde. En vain. Bankgreen nous échappe. Comme elle échappe à ses habitants. Di Rollo sait focaliser notre regard sur un nombre restreint de lieux (l’Orman, le Nomoron, les mines, le Haut Toit...), comme si Bankgreen était limitée, alors qu’au contraire, dans la bouche des protagoniste elle est si immense que personne n’en a jamais arpenté tous les coins. Procédé certes littéraire que de ne pas perdre le lecteur dans une immensité superflue au récit, mais à cela s’ajoute la curiosité, insatiable, le goût, l’espoir d’apprendre ce qu’il y a ailleurs. Comme si Bankgreen n’était pas un ailleurs déjà suffisant.

Ceux qui foulent cette terre (et voguent sur GrandEau, son océan) ne sont pas en reste. L’auteur a fait preuve d’imagination, s’affranchissant des canons habituels de la fantasy. Son héros monte un varan, autant dire un dragon sans ailes. Son goût pour la noirceur réussit même à nous rendre presque antipathiques ses héros, que ce soit Mordred, dont la seule clémence envers les créatures de Bankgreen est de hâter leur mort, ou Silmar, l’Hunum tricentenaire qui gouverne le vaisseau Nomoron et les âmes qui y vivent depuis des siècles...
Thierry Di Rollo nous dépeint des peuples originaux, mais foncièrement humains (avec tout ce que cela sous-entend de cruauté chez l’auteur). La guerre fait rage entre les Arfans et les Digtères. Les Shores sont esclaves. Les Katémens et les Êmules ont trouvé refuge sur le Nomoron, en attendant... quoi ? L’ultime conflit, semble-t-il. Celui qui redistribuera les cartes à la surface de Bankgreen. Celui dont Mordred va être l’artisan.
Derrière tout cela, pour accomplir la volonté de Bankgreen, les Runes, femmes ailées et bleues, plus anciennes encore que les varaniers et qui croient mener la danse.
Sur Bankgreen, tout a une raison. Mais tout n’est pas rose. Plutôt rouge. Et noir...

Récit de la fin d’un monde, d’un moment-charnière, d’une mort qui se veut un renouveau, « Bankgreen » vaut largement le détour. Pour peu qu’on sache que sous la plume de l’auteur aucun avenir enchanteur n’est possible, on dévorera ce roman de fantasy sans héros, sans action d’éclat, sans bataille épique où le Bien l’emporte sur le Mal. On se délectera des pages où chacun, du gnome du Nomoron au mineur Shore, chacun ne pense qu’à soi, qu’au moment présent, tandis que ceux qui s’imaginent détenir les clés des temps à venir regardent si loin en avant qu’ils en oublient le futur immédiat, et se prennent les pieds dans le tapis des prédictions et autres prophéties... Pour le pire.

Je serai tenté de citer Dante : “Toi qui entres ici, abandonne tout espoir.” . « Bankgreen » est un chef-d’œuvre de noirceur, de désespoir en l’humanité, comme l’auteur sait nous en émerveiller. Cassant les codes de la fantasy, les mélangeant avec des accents SF et fantastiques, il nous offre un plongeon dans l’inconnu, dans un imaginaire captivant dont on regrettera d’être déchu une fois la dernière page lue.

La couverture de Jean-Sébastien Rossbach achève d’en faire un indispensable (même si quelque chose me chiffonne dans les griffes du varan et la manière de Mordred de brandir son épée). Pour mon plus grand plaisir (et le vôtre), les coquilles sont aussi rares que minuscules. La préface de Pierre Pelot, en forme de bande-annonce, met en appétit, à défaut de creuser la psychologie du livre.

Texte - 834 octets
Bankgreen - corrections

« Bankgreen », à n’en pas douter, fera reparler de lui dans les festivals de fantasy de cette année. Et un prix ne sera pas immérité.


Titre : Bankgreen (roman, 2011)
Auteur : Thierry Di Rollo
Préface : Pierre Pelot
Couverture : Jean-Sébastien Rossbach
Éditeur : Le Bélial’
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 356
Format (en cm) : 14 x 20,6 x 2,8
Dépôt légal : février 2011
ISBN : 978-2-84344-102-8
Prix : 20 €



Nicolas Soffray
24 mars 2011


JPEG - 17.4 ko



Chargement...
WebAnalytics