Chargement...
YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Évadés de l’Enfer !
Hal Duncan
Gallimard, Folio SF, roman (inédit), traduit de l’anglais (Écosse), fantastique, 216 pages, octobre 2010, 5,10€

Seven est un tueur à gages qui finit par se faire flinguer. Belle vit le calvaire d’une prostituée camée battue à mort par son mac. Eli traîne sa misère de clochard et finit par se suicider. Matthew est un jeune mec martyrisé par des inconnus qui décède aux urgences.
Pas de bol pour eux, ils se réveillent tous les quatre sur un ferry qui les débarque en un lieu étrange où les attend le message suivant : « Abandonnez tout espoir » !

Bref, ils sont en Enfer et le plus dur les attend.



« Évadés de l’Enfer » est un petit roman qui se lit très vite (entre deux et quatre heures suivant votre rythme personnel).
Dans les vingt premières pages, on y retrouvera presque un thème exploré dans un vieil épisode de « La Quatrième Dimension » (ou « Au-delà du Réel », je ne sais plus) qui traînait en Enfer des gens de bien qui avaient eu le malheur de commettre un petit péché véniel alors que les vrais salauds filaient au Paradis grâce à deux confessions hypocrites de dernière minute.
Malheureusement, ce sentiment de « déjà vu » plutôt agréable ne dure pas. Et si l’on remercie au final l’écrivain écossais Hal Duncan d’avoir fait court et bref, tant la dernière page lue on se pose d’innombrables questions sur l’utilité et l’intérêt de la chose, c’est faute de mieux.

L’Enfer de Duncan n’est pas celui de Dante, loin s’en faut en talent, en idées, en imagination, en poésie, etc. Le calvaire commun de nos quatre mousquetaires de l’après vie est aussi émoustillant qu’un inutile arrachage de dent sans anesthésie locale.
Seven, crapule qui mérite son sort, va être quotidiennement torturé (bien fait pour lui). Belle est régulièrement violée par des flics véreux dans un hôtel miteux (histoire de pas oublier son ancienne vie). Eli largué dans les rues comme un traîne misère (bis repetita). Quant à Matthew, il se retrouve enfermé dans une chambre d’hôpital, contraint de se faire « soigner » par des psy déjantés (faut bien expier sa vie dissolue).
Mon tout est filé gratos en paquet cadeau pour l’éternité. Dur, dur, d’être un damné !
Tout un programme, difficilement supportable, qui occupe déjà un bon tiers du bouquin et suscite une nausée à la hauteur de l’enjeu improbable.
Figurez-vous que tout ce petit monde qui rêve de s’évader de l’Enfer va, à grands coups de fusils d’assauts, découvrir une surprenante vérité dans le dernier quart de l’entreprise...
Enfin, surprise est un bien grand mot qui concernera surtout les lecteurs dont les connaissances sur le sujet ne dépassent pas le niveau d’un jeu vidéo à deux balles pour lobotomisés du bulbe. Les autres se seront déjà confrontés à de telles révélations dans de nombreux écrits depuis près de mille ans...
Bref, je ne « spoile » pas, comme on dit chez les ouebistes branchés, mais niveau révélations super surprenantes, ça casse pas deux cornes à un démon de cinquième niveau.

Et puis, il y a plein de trucs dérangeants chez Hal Duncan. L’Enfer d’abord, il est cent pour cent catho intégriste. Les autres religions, c’était que des conneries ! En outre, le tueur à gages mérite tout autant de souffrir que la nana pas gâtée par la vie, que le pauvre mec qui a perdu sa famille et ne s’en est pas remis ou que le petit jeune qui a un lourd secret à cacher. Une échelle des péchés et un sens des valeurs morales qui laissent perplexe ou digne reflet littéraire d’une société qui s’américanise par le bas, on s’interroge.
D’ailleurs, on s’interroge aussi fortement sur le sulfureux secret de Matthew puisque la quatrième de couverture révèle le pot-aux-roses alors que l’on ne le découvre que dans les derniers chapitres du roman (merci pour le suspense, autant tout nous dire en deux phrases supplémentaires, ça nous aurait évité la lecture du truc !).

Et puis, l’Enfer de Hal Duncan est forcément peuplé de flics psycho-rigides, sadiques et violeurs (flic = méchant = démon, ça c’est du raisonnement), de personnels soignants bien têtus, d’animateurs TV d’infos réalités bien puants et des fantômes de fœtus avortés (parce qu’eux aussi, ils finissent en Enfer, of course !), etc. Démons et damnés étant rabaissés au même niveau infernal dans un récit où le sens de la nuance n’a jamais été présent.

Unique point positif, Hal Duncan nous balance sa purée avec une certaine maestria qui fleure (presque) bon la série Z, tendance Rambo dégomme tout ce qui bouge chez Lucifer ! Ok, c’est cool, mais de là à s’esbaudir bêtement, y a un monde.
En effet, il semble bien qu’il ne faille pas seulement voir dans ce brouet un objet de distraction provocateur, mais bien un roman sérieusement réfléchi et construit par le nouveau petit génie de la SF qui tente la punk attitude en croyant nous la jouer surprise littéraire hardcore.
Et là aussi, ça coince sous le déluge de plomb, d’explosions, de tortures, de sadisme, un rien orienté violence au détriment du sexuel (dommage). Du lourd, du costaud, du bourrin en veux-tu en voilà pour seul bagage, ça fatigue et ça lasse. On nous rétorquera sans aucun doute que l’on n’a pas tout compris, n’empêche...

Si le sujet vous intéresse, allez plutôt relire un bon petit Philip José Farmer (« L’Univers à l’Envers ») qui avait au moins le grand mérite d’être vraiment original et beaucoup plus marrant (d’ailleurs, on ne jurerait pas que Hal Duncan ne s’en soit pas discrètement inspiré parce que quand même, quelques détails nous turlupinent un peu).

Bilan clinique de cet inédit Folio SF ? À réserver aux lecteurs très (mais alors très très) curieux et un rien masochistes... ou à éviter.


Titre : Évadés de l’Enfer ! (Escape From Hell !, 2008)
Auteur : Hal Duncan
Traduction de l’anglais (Écosse) : Florence Dolisi
Couverture : Daylon & Lasth (illustration)
Éditeur : Gallimard
Collection : Folio SF
Numéro : 382
Catégorie : F5
Site Internet :fiche roman & coup de cœur (site éditeur)
Pages : 216
Format (en cm) : 10,8 x 1,4 x 17,8 (poche)
Parution : 28 octobre 2010
EAN : 9 782070 438259
ISBN : 978-2-07-043825-9
Prix : 5,10 €



Stéphane Pons
1er mars 2011


JPEG - 32.8 ko



Chargement...
WebAnalytics