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Revue Générale, dossier polar
Collectif
F. Bastia, Revue Générale, 147ème année, n°1-2011, revue littéraire, 107 pages, 13€

Trois décennies de polar français, l’édition du récit policier en Belgique durant la Seconde Guerre mondiale, les grandes figures de la bande dessinée policière, les grands ancêtres du genre, l’engagement et la fiction policière, la femme et le roman noir, le polar pour la jeunesse : autant de thèmes abordés par ce dossier de la Revue Générale.



Joseph Bodson « Les grands ancêtres »

Après un passage obligé par les classiques fondateurs (Poe, Gaboriau, Doyle, Chesterton et quelques autres), Joseph Bodson quitte le récit d’investigation stricto sensu pour se pencher sur le roman noir et le roman d’espionnage, et remonter plus loin dans le temps : les classiques des siècles précédents, mais aussi « L’Espion turc » de Gian Paolo Marana (1684), avant de sauter plus encore en arrière et de se pencher sur les classiques grecs, Iliade et Odyssée, tragédies et mythes antiques.

Jérôme Leroy « Roman noir : les infortunes de l’engagement »

On connaît l’engagement personnel de Jérôme Leroy dans une fiction noire à la limite de la science-fiction ou plus précisément de la politique fiction, propice à la dénonciation et à l’anticipation des errements et travers totalitaires du présent et des futurs proches (voir « Big Sister »). Il consacre ici quelques belles pages à ce que les littératures policières, au sens large, peuvent en ce domaine signifier. Partant, comme Joseph Bodson, de la tragédie antique, traversant rapidement l’histoire, faisant preuve d’une grande clarté et d’un recul manifeste, usant de formules élégantes (“La littérature policière est, par essence, une littérature du désordre”), Jérôme Leroy nous livre un article tout à la fois dense, érudit et concis, citant au final un Patrick Manchette désabusé résumant l’évolution récente du genre : “Quand le monde cesse d’être frivole, les polars le deviennent.

Étienne Borgers « La femme et le roman noir »

En un peu moins d’une douzaine de pages, Étienne Borgers écrit un article parfaitement structuré qui résume l’histoire de la femme dans le récit policier, comme personnage mais aussi comme auteur. Après les créatures féminines classiques du “hard-boiled” des années vingt émerge la “femme fatale” des années trente, archétypes qui se consolideront au cours des décennies suivantes et ne laisseront que timidement apparaître les premières “détectives privées”. Si les années 70 voient se développer les éléments féminins comme environnement privé des héros, avec problèmes de couple et tracasseries familiales, ce n’est que par la suite qu’aura lieu la véritable révolution avec l’émergence de romancières mettant en scène des héroïnes en tant que clones des “privés”. Entamé avec des auteures comme Sara Paretski, Sue Grafton ou Karen Kijewski, ce mouvement s’accentuera jusqu’à la dernière décennie du second millénaire, durant laquelle tomberont les dernières limites : la créature qualifiée de “tart noir”, dure, indépendante et sexy, pourra progressivement conquérir le monde.

Jean Baptiste Baronian « L’édition de la littérature policière en Belgique pendant la Seconde Guerre Mondiale »

En une douzaine de pages passionnantes, Jean-Baptiste Baronian nous fait découvrir comment la Belgique fit office, durant la Seconde Guerre mondiale, de “refuge” pour la littérature policière. Cet historique détaillé, émaillé de citations copieuses, explique aussi que les préoccupations de l’époque (le roman policier en tant que sous-genre ou que littérature à part entière) étaient les mêmes que celles d’aujourd’hui. On y voit également se profiler un certain Raymond de Kremer, alias Jean Ray, que les amateurs de littérature policière ou fantastique connaissent bien. Érudit, systématiquement enrichi de références précises et agrémenté d’une importante bibliographie, cet article apparaît comme un modèle du genre.

Alain Dartevelle « Noirs desseins. Le polar dans la BD franco-belge »

Dès l’introduction, Alain Dartevelle précise son propos : éviter le piège de l’exhaustivité et s’en tenir aux œuvres phares et aux séries marquantes. Les choix sont par essence difficiles, mais apparaissent ici particulièrement heureux : les adaptations des romans mettant en scène le Poulpe, la collection Rivages/Casterman/Noir, la mise en bandes dessinées des œuvres de Malet par Tardi, les œuvres de Jacques de Loustal, les déboires de Jérôme K. Jérôme Bloche, les inénarrables succès de Canardo par Sokal, les non moins inénarrables aventures de l’inspecteur Croûton, du malfrat Libellule et de Gil Jourdan contées par Tillieux, Le Choucas de Lax, un passage par le drame pur avec quelques albums consacrés au récit policier dans le cadre de la seconde guerre mondiale, et quelques autres titres encore. Un magnifique tour d’horizon qui fera remonter à tout un chacun de vieux (ou pas si vieux) souvenirs, et lui donnera l’envie de se pencher sur les œuvres qu’il ignorerait encore. Et le moindre des intérêts de ce bel article n’est pas, pour tout lecteur, même très épisodique, de bandes dessinées, de lui permettre de réaliser qu’ayant un jour ou l’autre feuilleté quelques-uns de ces albums, il est lui aussi depuis longtemps, “à son insu et de son plein gré”, un amateur de bandes dessinées policières.

Claude Mesplède « Trente ans de polar français »

Résumer trente années particulièrement riches en quelques pages était une tâche pratiquement impossible, d’autant plus que cet article au titre ambitieux, qui commence par un court paragraphe d’autopromotion, souffre d’aller-retours dans la chronologie qui le rendent peu clair et d’une description trop réductrice des courants. Il est par moments desservi par un vocabulaire relevant du quatrième de couverture, et donc du langage promotionnel ou publicitaire. “Crée l’évènement”, “Deux chefs d’œuvre couverts de prix !”, les “révélations”, etc. De même, des formules comme “plusieurs centaines de milliers d’exemplaires”, ou “traduit en tant de langues”, ne coûtent certes pas cher à écrire ou à recopier, mais les véritables limiers savent que la vérité est ailleurs, et que les chiffres proclamés par les éditeurs relèvent dans l’immense majorité des cas soit du fantasme, soit de tentatives désespérées de générer ce que les spécialistes de mercatique désignent sous le nom de « prophétie autocréatrice ». On pourra s’étonner, dans la déferlante de romanciers et de titres cités, de ne voir apparaître nulle part des auteurs comme, par exemple, Pierre Siniac ou Maurice G. Dantec, et l’on se demandera si Claude Mesplède connaît réellement les écrivains nommés (ou s’il a été trahi par son typographe) dans la mesure où il n’orthographie pas correctement leurs noms : Maxime Chatam au lieu de Maxime Chattam, Nathalie Huc pour Nathalie Hug, Jérome Camus au lieu de Jérôme Camut. Cet article, qui se termine sur ces coquilles et sur une formule promotionnelle (“qui ne vont pas tarder à nous surprendre”), n’est en définitive pas dépourvu de richesse ni d’intérêt mais aurait gagné à être plus rigoureux.

Natalie Beunat « Le polar, une littérature pour la jeunesse ? »

À partir de deux collections « Souris Noire » et « Rat Noir », qu’elle dirige chez Syros, Natalie Beunat, en trois pages, nous livre d’intéressantes réflexions sur l’apparition des segments jeunesse. Elle décrit leur composante polar et leur façon d’amener les enfants à des thématiques plus mûres en “disant le monde”, chez Syros mais aussi chez d’autres éditeurs. Évoquant les passerelles entre polar jeunesse et adulte, elle nous apprend notamment que ces collections peuvent être l’occasion pour des auteurs exclusifs du segment adulte de s’essayer à un autre type de littérature, mais qu’elles peuvent, à l’inverse, après avoir ouvert le monde noir à des auteurs jeunesse, leur donner l’occasion ou l’envie d’entrer dans le roman noir pour adultes.

Au total, ce dossier consacré au polar dresse un large panorama du genre. À ceux qui ne connaissent guère le domaine, il apportera un éclairage considérable sur le récit policier. Quant aux connaisseurs, compte tenu du nombre de facettes abordées, il serait étonnant qu’ils ne trouvent rien à y apprendre. Ajoutons pour finir que ce dossier est introduit par « Enquête, rue de la loi » de Francis Delpérée, qui retrace avec beaucoup d’humour la quête de ce mystérieux personnage disparu qu’est depuis quelque temps le gouvernement belge, et terminé par « Totentanz », un intéressant entretien avec Jean Baptiste Baronian dû à Christopher Gérard.

Critique réalisée par Hilaire Halrune
Mise en images par Fabrice Leduc


Titre : Revue Générale
Série : 147ème année
Auteur : Collectif
Couverture : non créditée
Éditeur Responsable : F. Bastia, Chaussée de Louvain, 41 1320 Hamme-Mille
Site Internet : http://www.revuegenerale.be/ (site éditeur)
Numéro : 1-2011
Pages : 107
Format (en cm) : 16 x 24 x 1,1
Prix : 13€



Fabrice Leduc
Hilaire Alrune
3 mars 2011


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