Chargement...
YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Vidéodrome
Film américano-canadien de David Cronenberg (1983)


Genre : fantastique
Durée : 1h28

Avec James Woods (Max Renn), Sonja Smits (Bianca O’Blivion), Deborah Harry (Nicki Brand), Peter Dvorsky (Harlan), Leslie Carlson (Barry Convex), Jack Creley (Brian O’Blivion), Lynne Gorman (Masha), Julie Khaner (Bridey), Reiner Schwartz (Moses), David Bolt (Raphael), Lally Cadeau (Rena King), Henry Gomez (Brolley)

Max Renn (James Woods), patron d’une petite chaîne de TV à vocation « trashy », pirate un jour « Videodrome », un programme rudimentaire directement inspiré des snuff movies, mêlant sexe et violence réaliste. La vision de « Videodrome » provoque peu à peu en lui des altérations physiques et psychiques, au point que la frontière entre la réalité et l’univers télévisuel disparaît progressivement.

Une fois de plus Cronenberg frappait très fort, avec ce qui est peut-être son chef-d’œuvre. Comme à son habitude, il nous fait partager son goût pour la chair, la sexualité extrême et les mutations bizarres.

Le grand sujet de « Vidéodrome » réside dans le postulat de la distorsion de la réalité objective, de la réalité apparente, celle que nous pensons être la réalité, mais qui ne l’est pas. Mais surtout, comble de l’horreur, Cronenberg s’en prend à la sacro-sainte télé, en en faisant un véritable personnage vivant et malsain. Il nous interroge sur notre rapport aux images que nous voulons regarder. Rapport parfois trop fort, rapport presque sexuel, rapport sensuel ou le spectateur est englouti par sa facination de l’écran. (Au propre comme au figuré dans le film). Pour certaines personnes, la télévision est plus qu’un simple objet. Elle représente plutôt un compagnon qui permet de franchir la barrière du quotidien afin de vivre une autre réalité. A long terme, cette réalité projetée par des images télévisées change celle perçue antérieurement par l’individu. Sa perception devient alors inconsciemment contrôlée par les médias qui possèdent ainsi un pouvoir indescriptible.

Au premier degré on y trouve déjà l’analyse de l’impact émotionnel d’un spectacle de fiction visant à fasciner son spectateur. L’imagination et la fiction peuvent désormais se confondre avec la réalité si celles-ci sont adroitement distillées.

Dans le film, le signal. Vidéodrome enclenche une nouvelle fonction du corps humain. Quelle est-elle et jusqu’où pourra-t-elle aller ? On ne sait trop mais ce qui est montré dans le récit, avec tout son lyrisme cinématographique et les phantasmes coutumiers de Cronenberg, laisse supposer des horreurs pas possibles. Les maquillages de Rick Baker ont permis des choses hallucinantes, comme cette séquence SM où James Wood fouette une télé dans laquelle Debbie Harry ressent chaque coup et y prend plaisir. Ou cette autre lorsque l’acteur embrasse les lèvres géantes qui sortent de son petit écran. James Wood devient également une sorte de mutant, arrivant à dissimuler dans son corps divers objets tel une cassette vidéo vivante ou une sorte de pistolet biomécanique.

La démarche des divers protagonistes donne peut-être la clé de cette oeuvre ambigüe : le héros cherche des programmes qui captiveront son public, pour cela il ne s’embarrasse pas de scrupules, ni sur la manière de les obtenir ni sur l’application qui en sera faite, il a senti que le spectateur peut être manipulé, que ses émissions ont la fonction d’une drogue à accoutumance.
Le sexe et la violence participent à l’évidence de cette fascination que recherche le spectateur à tout prix et il veut leur en donner pour leur argent.

D’un autre côté l’inventeur du projet. Vidéodrome a senti la puissance qu’il peut tirer de ce nouveau spectacle qui utilise le snuff movie pour captiver encore davantage son public et la dépendance qui en résultera pour le consommateur.

Enfin le projet sera récupéré par un groupe d’individus qui visent à éliminer les déviants.
Les amateurs d’émotions fortes contre nature seront donc pris à leur propre piège et purement éliminés. Les trois camps vont s’affronter sans que l’on puisse déterminer s’il y aura véritablement un vainqueur. A moins que cette nouvelle chair ne constitue réellement la passation à un stade supérieur où l’esprit se détacherait enfin du corps qu’il traîne comme un boulet depuis des millénaires.

Le film fonctionne aussi au premier degré et constitue un véritable spectacle. Les effets spéciaux de Rick Baker participent pleinement de cet aspect à la fois fascinant et écœurant qu’a voulu nous livrer Cronenberg. Dans un film où tout est possible, Baker nous montre l’impossible : une télévision prenant vie, s’agitant, se zébrant de veines multiples puis finalement éclatant dans une débauche d’organes sanglants, une main faisant corps avec le revolver dont il devient le prolongement vivant, un corps se gondolant, éclatant, laissant apparaître ses viscères et surtout la stupéfiante scène du revolver ou de la cassette rentrant littéralement dans le corps du héros.

Cronenberg montre là encore sa fascination pour l’homme atteint dans son physique, son intérêt presque morbide pour la mutation du corps humain et les effets monstrueux qui en découlent. Il véhicule là un malaise qui nous emporte au-delà de la simple signification de son film et nous interpelle au plus profond dans la mesure où, cette fois, il ne nous fournit pas une explication plausible du phénomène. Il nous dit simplement que le mal est en nous telle une excroissance monstrueuse dont on ne pourra jamais se débarrasser. La complexité volontaire de son film servant justement son propos de la réalité et de l’irréalité.

« Vidéodrome » est un film curieux dont on sort éprouvé, frustré, mais il constitue une expérience de spectateur inégalable. Un délire visuel en forme de mise en garde contre la puissance de l’image et ses conséquences désastreuses sur notre comportement.
On y comprend rien, on pourrait difficilement le résumer et pourtant on ressent tout d’une manière incroyablement forte et obsédante. C’est sans doute là la réussite d’un artiste qui a su faire passer son message au-delà de la compréhension de ses spectateurs. Chacun y puisera ce qu’il voudra bien y trouver ou y reconnaître.

Christophe « Roy Batty » Benoist
extrait des dossiers Adrenaline

FICHE TECHNIQUE

Réalisation : David Cronenberg

Scénario : David Cronenberg
Producteur : Claude Héroux
Producteur associé : Lawrence Nesis
Producteurs exécutifs : Pierre David, Victor Solnicki
Musique originale : Howard Shore
Image : Mark Irwin
Montage : Ronald Sanders
Direction artistique : Carol Spier
Décorateur de plateau : Angelo Stea
Création des costumes : Delphine White
Maquillage : Rick Baker

Production : Famous Players, Filmplan, Guardian Trust Company, The Canadian Film Development Corporation (CFDC), Universal Pictures
Distribution : Universal Pictures


18 avril 2001



JPEG - 21 ko



JPEG - 7.1 ko



JPEG - 6.8 ko



JPEG - 8.4 ko



JPEG - 8 ko



JPEG - 8.6 ko



Chargement...
WebAnalytics