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Trouble every day
Film franco-allemand-japonais de Claire Denis (2001)
Sortie nationale le 11 juillet 2001

****



Genre : vampirisme
Durée : 1h42

Avec Vincent Gallo (Shane Brown), Tricia Vessey (June Brown), Béatrice Dalle (Coré), Alex Descas (Léo), Florence Loiret (Christelle), Nicolas Duvauchelle (Erwan), Raphaël Neal (Ludo), José Garcia (Choart), Hélène Lapiower (Malécot), Marilu Marini (Friessen), Aurore Clément (Jeanne)

Alors que deux jeunes gens se bécotent sur la banquette d’une voiture, un avion décolle de l’aéroport de Denver (Colorado) avec à son bord un couple de tout jeunes mariés, Shane et June Brown, partis en lune de miel à Paris.
En banlieue parisienne, un chauffeur de camion profite de la nuit tombante pour faire une halte après avoir remarqué une jeune femme, sur le bas côté de la route, qui attend à côté d’une camionnette. Au petit matin, un motard reconnaît le véhicule et stoppe à son tour. Il vient récupérer Coré, la jeune femme, qu’il découvre couverte de sang, alors que non loin gît un cadavre que l’on devine atrocement mutilé.
Léo (le motard) était responsable d’un projet sensible de recherche en pharmacopée lorsque sa vie et celle de sa femme ont complètement basculées. Viré avec pertes et fracas de la communauté scientifique, Léo s’est recyclé comme médecin généraliste et partage dorénavant son temps entre ses consultations et les fugues sanglantes de Coré.
Victime d’une mystérieuse maladie qui la pousse à se conduire comme une mante religieuse au cours des rituels amoureux, c’est-à-dire dévorant son partenaire, Coré est tenue recluse par Léo au premier étage de leur pavillon de banlieue.
Arrivé à Paris, le Docteur Shane Brown, qui présente également des symptômes de cet étrange virus sous la forme de visions anthropophages, délaisse sa femme et se lance à la recherche de Léo, dont apparemment il a suivi de très près les travaux.

Mieux vaut ne pas pousser plus loin l’énoncé de l’intrigue tant sa découverte est l’une des clés de la mise en scène de Claire Denis. C’est en effet par une suite de tableaux, ne semblant avoir aucun rapport entre eux, que la réalisatrice nous fait pénétrer dans son récit. Puis, au fil des scènes, quasiment sans dialogue, le mystère se resserre pour finalement nous laisser entrevoir les relations entre les personnages et donner un sens à leurs actes. Si ce parti pris narratif rebutera certainement nombre de spectateurs (il faut bien attendre 3/4 d’heure de film avant de comprendre les tenants de l’intrigue), il s’en dégage néanmoins un réalisme à l’onirisme troublant.
Entre le personnage de Coré (Béatrice Dalle) qui accepte sa sexualité dévorante de femme-bête assoiffée de sang et remet son salut dans les mains de Léo (Alex Descas) et Shane (Vincent Gallo) qui, au contraire, refuse de mettre en danger la vie de sa fragile compagne (Tricia Vessey) et préfère se réfugier dans la frustration plutôt que de s’adonner aux pulsions animales qui le dévorent de l’intérieur, le désir purement sexuel qui s’en échappe, pour transparaître sur l’écran, s’insinue peu à peu dans l’attente des spectateurs, pour se matérialiser en deux scènes d’amour carnivore d’une sensuelle sauvagerie apte à déstabiliser les plus insensibles d’entre nous. Le rythme, particulièrement lent et l’absence de dialogue permettent aux images, servies par des cadrages aux éclairages d’une grande rigueur d’Agnès Godard, d’exercer leur pouvoir de fascination et de mettre en avant la composition de l’interprétation.
Outre Béatrice Dalle, formidablement sexuelle en créature assoiffée de sang, et Vincent Gallo, déroutant dans sa lutte pour le contrôle de sa nature mutante, on reconnaîtra également José Garcia dans un rôle de chercheur arriviste dénué de principe et Hélène Lapiower, également en blouse blanche.

Si l’on n’attendait pas la réalisatrice de « S’en fout la mort », « J’ai pas sommeil » ou encore « Beau travail » dans le registre du film de genre à tendance fantastico-horrifique, elle revisite brillamment avec « Trouble every day » le mythe du vampire, comme il y a quelques temps Po-Chih Leong avec « La sagesse des crocodiles », mais en allant encore plus loin, en jouant avec l’essence du désir, cette pulsion viscérale qui, si l’on ne se retenait pas, nous pousserait à dévorer l’être aimé, dans le seul but de se fondre avec lui pour enfin ne devenir plus qu’un.
Un puzzle cinématographique à ne pas mettre entre toutes les mains.

FICHE TECHNIQUE

Réalisation : Claire Denis
Scénario : Claire Denis, Jean-Pol Fargeau
Producteurs : Georges Benayoun, Philippe Liégeois, Jean-Michel Rey
Coproducteurs : Kazuko Moi, Seiichi Tsukada
Producteur associé : Françoise Guglielmi
Musique originale : Tindersticks
Image : Agnès Godard
Montage : Nelly Quettier
Distribution des rôles : Nicolas Lublin
Création des décors : Arnaud de Moléron
Création des costumes : Judy Shrewsbury, Caroline Tavernier
Maquillage : Magali Ceyrat, Michel Demonteix, Danièle Vuarin

Production : Dacia Films, Kinetique Inc., Le Studio Canal+, Messaouda Films, Rezo Productions, Rezo Films, Zweites Deutsches Fernsehen, Arte France Cinéma, Arte
Distribution : Rézo Films

pour Imagivore : Les Imaginautes


Bruno Paul
14 avril 2003



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