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Sombres Écueils
Éric Boissau
Black Coat Press, Rivière Blanche, n°2075, nouvelles (France), anticipation, fantasy, merveilleux & humour, 288 pages, novembre 2010, 20€

La lecture de ce recueil permet d’affirmer, sans guère de risque de se tromper, qu’Éric Boissau aime trois choses : la Bretagne et son bleu gris-vert, la magie blanche ou noire, et l’humour, noir exclusivement.



Après « Le Pouvoir des Maux », un premier recueil de nouvelles (paru également chez Rivière Blanche) fort remarqué (et primé aux Imaginales en 2007), Éric Boissau remet le couvert avec 15 textes qui naviguent dans ses eaux favorites, mélangeant allégrement les courants et les genres.

Les esprits sont à l’honneur. Possession, échange de corps, incarnation, ou plus simplement une petite voix dans la tête qui réveille nos plus bas instincts. C’est un Bonaparte uchronique qui en fera les frais dans la campagne d’Égypte de “Les Conquérants de l’Éphémère”, un auteur (fort connu) qui sera victime de son œuvre éveillée à la vie dans “Baiser de Paix”, la voix de la jalousie fera des ravages dans “Frères Ennemis”.
Avec “Happy Birthday”, nous mettons les pieds en Bretagne, avec une pointe d’humour. L’auteur y mélange habilement folklore éternel et réalisme social contemporain, tout comme dans le plus sombre “Quand Chantera l’Alouette”, remettant sur le métier le mythe de la cité d’Ys. “Rédemption” revient sur un personnage historique marquant, Gilles de Rais, mêlant à son mythe celui du vampire dans un texte puissant, parfois à la limite du sensuel.

Tu es Pierre” et “Ainsi Va la Vie” m’ont particulièrement touché. Scènes imaginaires (quoique...) de l’enfance d’un célèbre folkloriste (sinon le plus célèbre de France), ces deux nouvelles fondent sa vocation, lors de l’ultime soirée de son enfance au contact du peuple féérique, puis de la perte du conteur le plus cher à son cœur, son grand-père. L’envoûtement exercé par l’univers des contes sur le lecteur est égal à celui de Petit Pierre, et on sentira son propre cœur se serrer en découvrant ce que nous avons également perdu : la capacité à voir l’invisible et nous en émerveiller.
Enfin, si vous êtes en train de lire ces lignes, c’est que vous n’avez pas tout oublié...

Les Larmes de Mary”, hommage au « Kathleen » de son ami Fabrice Colin, est également très émouvant, particulièrement bien écrit, déroulant sur quelques pages une histoire de regrets pour l’éternité, et se dispute ma préférence avec les deux précédentes.

Horizon Paradis” dépeint un futur proche dominé par la santé où la criminalité est associée à la maladie, et les jeunes voyous envoyés en hôpitaux du genre où on ne ressort pas entier. Cela m’a rappelé les romans de Serge Brussolo chez Fleuve Noir Anticipation : bref, incisif, désespérant quant à notre avenir. Un texte violent qui habille une critique acide de la société, telle qu’elle est déjà un peu aujourd’hui et telle qu’elle ne deviendra, croisons les doigts, jamais.

La fin du recueil est, pourrait-on dire, consacré à l’humour, de façon plus prégnante que le reste du livre.
La Mort en Héritage” déplace dans de la SF très lointaine l’humour qui a fait le succès de films comme « Tatie Danièle » ou « Le Viager ». Un couple de losers vient emménager sur la petite planète d’une grand-tante, dans l’espoir de l’aider à casser sa pipe pour toucher le pactole. Mais la vieille les connaît bien, et elle va leur rendre la monnaie de leur pièce. Coups bas et traquenards à gogo, l’humour noir est roi dans cette histoire. Et la morale est sauve, ou presque.

Lorsque Vieillesse se Passe” fait à mon goût écho à « Le Pire est Avenir » de Maïa Mazaurette. Sauf que ce sont les vieux, tous du genre « Tatie Danièle », qui prennent le pouvoir. Pas si fou que cela... “Crue Romance”, écrite à l’époque de la gloire des boys band, met en scène les quatre cavaliers de l’Apocalypse qui s’ennuient (et décident de s’occuper, donc) en attendant la fin du monde. Mon dieu, c’est incroyable, mais nous avons échappé au pire...

Enfin, deux parodies viennent clore ces « Sombres Écueils » : “Henri Potier, Prince des Sorciers” est la réponse française à Harry Potter et “Ter à l’Horizon”, censé être un hommage à Cal de Ter, le héros de P.J. Héraut, dérive sur les terres de Tolkien pour le pire, ou le rire, ou les deux.

Le rire saupoudre, voire teinte agréablement les textes d’Éric Boissau, rappelant que les genres de l’imaginaire, dont il fait ici un panorama assez complet, ne sont pas restreints à la noirceur désespérante d’un avenir sombre ou à des conflits raciaux sanglants et sans fin.
Tout n’est donc pas prétexte à l’humour, et le sourire est la moitié du temps pincé, le rire sardonique, lorsque l’Homme, victime de ses pulsions, se fourvoie, dans les bras de ce qui signera sa perte.

En conclusion, un excellent recueil, où la diversité des genres égale celle des styles, sans jamais perdre en qualité. Et, pour peu qu’on ne le dévore pas d’une traite, voilà un livre qui saura vous emporter dans quinze voyages aussi fabuleux que différents.


Titre : Sombres Écueils (nouvelles)
Auteur : Éric Boissau
Couverture : Patrick Dumas
Éditeur : Black Coat Press
Collection : Rivière Blanche
Numéro : 2075
Site internet : page roman (site éditeur)
Pages : 288
Format (en cm) : 12,8 x 20,2 x 1,8
Dépôt légal : novembre 2010
ISBN : 978-1-935558-69-9
Prix : 20 € +3 € de port, commande directe via le site de Rivière Blanche ou votre libraire



Nicolas Soffray
21 octobre 2010


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