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YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Steampunk ! L’esthétique rétro-futur
Étienne Barillier
Les Moutons Électriques, Bibliothèque des Miroirs, essai, 352 pages, janvier 2010, 25€

Lancé comme une boutade par l’écrivain K.W. Jeter à un journaliste qui lui demandait de mettre une étiquette sur le livre qu’il venait de publier, voici presque trente ans maintenant, le mot steampunk nous est resté. Si la référence un poil ironique au cyberpunk (sous-genre de la science-fiction, très en vogue à cette époque, et pratiquement disparu à présent) est évidente, il n’en reste pas moins que le steampunk a, depuis, pris ses lettres de noblesse. Tout en restant un genre assez méconnu du grand public.

Avec cet essai à l’érudition jamais pédante, Étienne Barillier, professeur de littérature à la ville et l’un des deux instigateurs et animateurs du podcast Le Palais des déviants, tente d’en cerner les contours parfois assez fluctuants.



Chers lecteurs, permettez-moi de revenir sur l’essai écrit par Étienne Barillier, en collaboration avec Raphaël Colson et André-François Ruaud. Voici quelques temps, ce livre avait déjà été formidablement chroniqué par Hilaire Alrune sur la Yozone. Ce livre est tellement bien qu’il nous a semblé judicieux d’y braquer un nouveau coup de projecteur.

Comme nous l’explique en guise de préambule l’auteur Barillier, le steampunk est bien un genre à part entière : “Doit-on considérer, à l’instar de John Clute dans « The Encyclopedia of Science fiction » (1995), que le steampunk est un sous-genre de la science-fiction ? Que nenni : l’évolution du steampunk n’a cessé, au contraire, d’en faire osciller les repères entre science-fiction et fantasy, fantastique et horreur. Le steampunk ne se situe pas dans un territoire fermé, mais au contraire dans une zone intermédiaire qui lui est propre, qui le définit et le caractérise.

De la genèse à l’engouement

S’il existe bel et bien un proto-steampunk au niveau de la littérature, il faudra aller le chercher du côté des auteurs de grands classiques, tels que Jules Verne ou H.G. Wells bien sûr. Pendant des années, le cinéma, puis la télévision, se sont nourris des incroyables inventions narratives de ces grands précurseurs, pendant une longue période de maturation.
Bien évidemment, ces deux médias, en tant que grands pourvoyeurs d’images, ont influencé nombre d’écrivains. Ceux-ci ont su les retranscrire dans leurs œuvres successives. Inconsciemment, une esthétique particulière se mettait peu à peu en place, marquant à jamais l’imaginaire des lecteurs et des spectateurs.
Aussi, au tout début des années 80, cette esthétique se focalisa-t-elle à l’extrême. À tel point qu’elle finit par apparaître comme une évidence, notamment pour trois auteurs californiens : James P. Blaylock, K.W. Jeter et Tim Powers (qui reste, à ce jour, le plus connu des trois, en France tout du moins) qui venaient d’imaginer un jeu littéraire, sans réaliser qu’ils avaient inventé (sans le théoriser vraiment) ce qui allait devenir un genre à part entière.
Ainsi, lorsque l’écrivain américain K.W. Jeter faisait ironiquement référence au cyberpunk, très en vogue à cette époque, il ne pouvait se rendre compte que le “steam” allait supplanter le “cyber”. L’hyper-technologie de ce dernier devait céder la place à un certain romantisme passéiste du premier.
Ensuite, un véritable engouement allait toucher bon nombre de romanciers, surtout anglo-saxons (mais aussi, plus étonnement, japonais), ainsi que le monde des séries télévisées, du jeu vidéo, du jeu de rôles...

L’âge de la maturité

Au tournant de l’an 2000, on retrouve l’esthétique rétro-futur absolument partout, sur tous les supports : films, bandes-dessinées, jeux vidéos... L’explosion est impressionnante, débordant même les simples contours de l’imaginaire.
Le steampunk explosera tant qu’il finira par toucher de façon fort convaincante la littérature francophone. Un nombre incroyable d’auteurs français vont s’accaparer cette esthétique que l’on croyait jusqu’ici cantonnée à l’ère victorienne (auteurs anglo-saxons oblige), pour l’exploiter dans une Troisième République revisitée. Certains auteurs, parmi les plus brillants et les meilleures ventes actuelles, ont même commencé leur carrière avec de la littérature steampunk. On pensera bien sûr à Johan Heliot, et à sa fameuse trilogie de la Lune (à découvrir ici, ici et ). De plus, toute une frange de la bande dessinée francophone a repris les thèmes chers à ce genre.
L’explosion steampunk s’est ressentie aussi au Japon, avec un nombre impressionnant de films d’animation à l’esthétique très clairement rétro-futur. La figure emblématique de cet engouement reste Katsuhiro Otomo, et son fameux « Steamboy ».
L’autre phénomène incroyable des années 2000 demeure l’impressionnante émergence des ligues héroïques initiées par le génial scénariste de bandes dessinées, Alan Moore.

Être steampunk

L’esthétique steampunk a quitté le monde artificiel du cinéma ou de la littérature, et s’est vue phagocytée par le commun des mortels, ou presque. Oui, car il ne suffit pas d’être créatif pour vivre une vie steampunk. Un petit grain de folie est sans doute nécessaire. Vêtements, accessoires de la vie quotidienne customisés façon “steam”, et même un groupe de rock revendiquant le steampunk comme source d’inspiration...

En conclusion

S’il y a bien une chose à mettre à l’actif d’Étienne Barillier, c’est l’impressionnante documentation qu’il a dû compulser pour nous fournir un essai aussi complet que possible. Malheureusement, à trop vouloir viser l’exhaustivité, l’auteur a fini par nous offrir une œuvre un peu trop fouillis. Certains encarts, au demeurant fort intéressants, brouillent un peu les pistes. Bien sûr, cela n’a rien de rédhibitoire, mais la surcharge gâche un peu le plaisir de lecture.
Dans le même ordre d’idée, le plan paraît aussi un peu bancal, car on ne comprend pas toujours où l’auteur veut nous mener. Ce n’est qu’avec une deuxième lecture qu’on peut saisir vraiment le propos sous-jacent du professeur Barillier.
Enfin, et j’en terminerai là avec les points négatifs de cet essai, je trouve cette couverture plutôt loupée. En effet, elle ne semble pas correspondre tout à fait à l’esthétique steampunk, telle du moins qu’elle nous est décrite à l’intérieur du livre. Je l’ai trouvée trop sombre et beaucoup trop froide à mon goût. Cependant, il ne faut pas que l’illustration vous empêche d’acquérir cet essai qui ne manque pas de qualités.

L’iconographie est splendide. Le fait que les photos soient en noir et blanc ne gâche absolument rien, permettant même au livre de ne pas coûter trop cher. Gravures, couvertures de livres, affiches de spectacle ou de films concourent à rendre ce livre extrêmement vivant. C’est un régal de retrouver certaines images qui font partie de notre enfance...
L’érudition du professeur Étienne Barillier est impressionnante. Pourtant, loin de nous l’imposer comme le font certains essais universitaires totalement imbuvables, il nous offre sa culture afin de nous faire partager son amour du genre. De ce côté là, je trouve ce livre très réussi.
Cet ouvrage n’est pas qu’un simple guide de lecture. C’est beaucoup mieux que cela. L’auteur lance des pistes que nous sommes libres de suivre, ou non.
Seule la dernière partie me semble dispensable. Cependant, j’ai l’impression qu’elle s’adresse aux plus férus du genre, de ceux pour qui le steampunk est beaucoup plus qu’une représentation esthétique, relevant presque de l’art de vivre. Je n’en fais pas partie, limitant mon amour de ce genre aux arts visuels, mais je comprends tout à fait, pour un essai qui vise l’exhaustivité, l’importance de consacrer tout un chapitre à ce phénomène, même s’il ne rend compte à mon avis que d’une sous-culture.

C’est donc un livre que je recommande chaudement, aussi bien pour les fans qui auront enfin trouvé leur bible, que pour les lecteurs curieux de découvrir le genre ; en effet, cet essai leur ouvrira les portes d’un monde incroyable et merveilleux.


Titre : Steampunk ! L’esthétique rétro-futur
Auteur : Étienne Barillier
Couverture : Sébastien Hayez
Editeur : Les Moutons Électriques
Site Internet : page roman (site éditeur)
Collection : Bibliothèque des miroirs
Numéro : 8
Pages : 352
Format (en cm) : 17 x 21
Dépôt légal : janvier 2010
ISBN : 978-2-915793-90-1
Prix : 25 €



À lire également sur la Yozone :
- la chronique de « Steampunk ! » signée Hilaire Alrune


Antoine Chalet
29 octobre 2010


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illustration de Sébastien Hayez



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