Ce « Galaxies Hors-série » reprend en grande partie le numéro 216 d’Interzone consacré aux Mundanes, y compris la magnifique couverture de Christopher Nurse. Il est complété d’un entretien avec Geoff Ryman et de la retranscription de son discours prononcé à Montréal en 2007 sur le sujet.
Cette partie introductive constitue un très bon moyen de se familiariser avec ce genre, avant d’aborder les textes.
Après lecture des sept nouvelles, il reste plus une impression d’ensemble que des titres qui ressortent vraiment du lot. Les auteurs apparaissent assez désabusés et finalement leurs sources d’inspiration ne sont guère étonnantes.
Le réchauffement de la planète et ses conséquences (la montée des eaux et des températures, la redistribution des populations), les nouvelles technologies et leur exploitation, les villes déshumanisées, voilà quelques thèmes se dégageant, entre autres, de ce hors-série.
“Hao nao blong mekem ol pepa erplen (Comment on fabrique les avions en papier)” de Lavie Tidhar se passe dans un groupe d’îles perdues, où des fonds ont été injectés dans une mission scientifique pour trouver des débouchés à la production locale. La narration est très éclatée, débouchant sur un résultat confus, mais l’on comprend que ces recherches sont surtout prétextes à se donner bonne conscience et que certaines idées ont la vie dure (le refus de l’homosexualité). Drôle d’entame, car on peut s’interroger si l’on est réellement en présence de science-fiction.
“Notes sur Endra” de Chelsea Quinn Yarbro commence comme un récit de fantasy, avant de montrer que la montée des eaux a reconfiguré la planète et que les énergies fossiles ont été épuisées et remplacées par les énergies renouvelables. Mine de rien, ce texte laisse une très belle impression.
“Il se fait tard” de Billie Aul ressemble à une joute virtuelle. L’amour n’est plus seulement affaire de sentiments, mais aussi de célébrité. Rien de très nouveau, me direz-vous, si ce n’est la manière dont c’est abordé. Le personnage perd une partie de son libre-arbitre, les retours en temps réel ne lui laissent plus trop le choix quant à son avenir. “Il se fait tard” illustre parfaitement les dérives de notre système actuel, ce qui semble l’apanage des Mundanes.
Idem pour “Same players shoot again” de R.R. Angell où la frontière entre les USA et le Mexique est gardée par des tours robotisées. Chaque citoyen américain peut s’y connecter pour défendre son pays contre les clandestins. Moyennant finances, bien sûr ! Grincements de dents garantis mais, à nouveau, un fait de nos jours (les milices patrouillant près de la frontière) est détourné pour nous alerter sur ses dangers.
Dans “Les invisibles” d’Élisabeth Vonarburg, les habitants de la cité ne connaissent plus que le train-train quotidien. La ville est coupée en cinq zones et la main sert de passeport pour aller là où l’on a besoin. Pas de surprises. Quoique… Nouvelle sans grand relief, insistant surtout sur l’espèce de léthargie animant les personnages dans leur vie de tous les jours.
“Au cœur de la nuit” d’Anil Menon n’a également pas beaucoup de rythme, pour ne pas dire aucun. Un homme dans ses vieux jours rejoint sa fille à l’autre bout du monde. Face à elle et aux nouvelles technologies avec leurs réseaux d’échanges, il est perdu.
Geoff Ryman achève ce tour d’horizon avec “Les mots ne coûtent rien…”. Parqués dans des villes, seuls quelques êtres en sortent pour collecter des données sur leur environnement. Une relation peut-elle se nouer dans ces conditions, où tout le monde peut entrer en contact avec autrui ? Triste, et insistant sur l’humain que son environnement changera.
À part deux cas (R.R. Angell et Billie Aul), les nouvelles sont peu percutantes, n’ont pas de chute et s’étirent lentement. C’est plus au niveau des idées soulevées, à travers les dérives fort probables de notre société, qu’elles agissent sur le lecteur.
Une impression d’homogénéité se dégage de cet ensemble, on garde une image globale et non un cas précis. Ces textes constituent une sorte d’alerte sur notre futur.
Même si on n’a pas de grands textes, on ne sort d’aucun avec le sentiment d’avoir perdu son temps. On peut ou non aimer ce genre, qui met le sense of wonder de côté et penche vers la nostalgie d’un temps révolu, mais on ne peut lui dénier un certain intérêt.
À travers ce numéro thématique, bien loin du fourre-tout du précédent hors-série 41, Galaxies nous offre une vision plutôt pessimiste, mais malheureusement assez plausible, de notre avenir.
Ce hors-série s’avère une belle surprise qui vaut peut-être plus par la qualité de son ensemble que des textes pris séparément.
De la découverte, des risques pris pour nous présenter une autre SF, moins flamboyante et avec des noms, pour la plupart, inconnus par chez nous.
Pour moi, il s’agit tout simplement du meilleur Galaxies Nouvelle Série.
Titre : Galaxies
Numéro : Hors-série Mundanes
Rédacteur en chef : Pierre Gévart
Couverture : Christopher Nurse
Type : revue
Genres : SF, articles, entretien
Site Internet : site officiel (page perso éditeur)
Dépôt légal : Juin 2010
ISSN : 1270-2382
Dimensions (en cm) : 13,8 x 20,9
Pages : 160
Prix : 11 €
Abonnement : 37 € pour un an (4 numéros) ou 45 € (5 numéros dont un spécial)
