La trilogie du “Legs de la Faille”, dont « Krondor : La Trahison » est le premier tome, s’inscrit entre la fin des “Chroniques de Krondor” (ou “Guerre de la Faille”) et le début des “Nouvelles Chroniques”, « Princes de sang » et « Le Boucanier du Roi ». Les trois tomes relatent des évènements survenus après la fin du conflit avec Kelewan (relaté dans « Pug l’apprenti » et « Milamber le mage ») et la guerre contre les elfes noirs du nord menés par le faux prophète Murmandamus, en réalité un prêtre-serpent (« Silverthorn » et « Ténèbres sur Sethanon »).
On retrouvera donc, dans cette trilogie “de transition”, les héros de Krondor, Pug le magicien bien sûr, le prince Arutha, mais surtout les écuyers Locklear et James, dit Jimmy les Mains Vives dans les cercles mal fréquentés de la capitale. Deux joyeux lurons, débrouillards et roublards, mais fidèles serviteurs du prince même face à l’adversité.
Ce premier volume (et le 3e, nous y reviendrons alors) est inspiré du jeu vidéo “Betrayal at Krondor”, produit par Dynamix et édité par Sierra. Jeu de rôle/action/aventure, il remporta en 1993 le prix du meilleur jeu de cette catégorie. Preuve en est de sa qualité qu’il est toujours édité (et disponible en téléchargement). Le scénario avait été écrit par Raymond Elias Feist puis retravaillé pour les besoins du jeu par les développeurs. L’auteur s’est inspiré du produit final (auquel il confesse en postface avoir beaucoup joué) pour écrire ce « Krondor : La Trahison ».
Tout comme il admet la nécessité pour un jeu de s’appuyer sur une histoire solide, il reconnaît que les spécificités de ce format ne sont pas adaptables telles quelles. Et le lecteur adepte de RPG (dois-je citer les succès des dernières années ? de Baldur’s Gate au récent Dragon Age) ressentira douloureusement le passage du jeu au roman : la première moitié de « Krondor : La Trahison » est en effet un pénible voyage fait de va-et-vient et de mini-quêtes (qui sont la base des RPG) du genre “aide-moi et je t’aiderai” ou “fais ça pour moi et je t’indiquerai où aller ensuite”. Et encore, l’auteur dit avoir éliminé les plus triviales.
Il n’empêche, les 200 premières pages nous font tourner et virer sur la carte de Midkemia, Locklear ou James “acceptant des quêtes” qui les intriguent et qui leur semblent liées au complot, et qui de toute façon sont plus ou moins sur leur route. Cela peut s’avérer assez frustrant pour le lecteur, qui a la sensation de lire la solution du jeu (ce qui est pratiquement le cas).
Bien heureusement, le talent de l’auteur, et une intrigue fort complexe à base d’alliances entre elfes noirs, guilde d’assassins et de six mystérieux sorciers, aide à avaler cette chasse aux indices bien peu fructueuse. Et lorsque les pièces du puzzle commencent à se mettre en place, que l’ennemi se dévoile, on retrouve la plume des premières “Chroniques” qui ont été pour beaucoup une révélation en Fantasy.
Les éléments spécifiques au monde de Midkemia, comme le voyage via une faille ou les artefacts des anciens dieux, sont de la partie, comme marque de fabrique de Raymond Feist. On appréciera de retrouver un Pug toujours aussi imparfait, aussi humain : loin de l’image du sorcier tout-puissant, il commet des erreurs, agit précipitamment, et en paie le prix.
La seconde moitié du roman, entre la quête de Pug et le début des hostilités entre les différentes armées, nous tient en haleine et même si quelques ficelles de jeu de rôle réapparaissent ici où là, on a du mal à s’arracher à sa lecture.
Enfin, signalons qu’en plaçant un elfe noir au cœur de son récit, l’auteur distille tout au long de ces aventures un message de tolérance entre les races de la fantasy. Et de rappeler que la plupart des conflits viennent d’une méconnaissance de l’autre, et que la paix ne tient souvent qu’au dialogue entre “étrangers”.
En conclusion, malgré un ressenti important du support d’origine de cette histoire, un agréable moment passé, dans une fantasy certes un peu dépassée, mais fort agréable dans son classicisme.
Quelques broutilles relevées.
- Krondor : la trahison - corrections
Titre : Krondor : La Trahison (Krondor The Betrayal, 1998)
Série : Le Legs de la Faille, tome 1/3
Auteur : Raymond Elias Feist, d’après le scénario du jeu vidéo Betrayal at Krondor écrit par Neal Hashford, John Cutter et Raymond Elias Feist, sacré “meilleur jeu de rôle/aventure 1993”
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Isabelle Pernot
Édition originale (version chroniquée)
Couverture : Stéphane Collignon
Éditeur : Bragelonne
Site internet : page roman (site éditeur)
Pages : 420
Format (en cm) : 15,1 x 23,6 x 3,4
Dépôt légal : octobre 2006
ISBN : 2-915549-73-7
Prix : 22 €
Réédition
Couverture : Laurent Beauvallet
Éditeur : J’ai Lu
Collection : Fantasy
Site internet : page roman (site éditeur)
Pages : 474
Format (en cm) : 10,9 x 17,8 x 2,5
Dépôt légal : février 2009
ISBN : 978-2290013960
Prix : 8 €
À lire sur la Yozone :
La Guerre de la Faille :
« Magicien » (T1) (jusqu’alors édité en France en 2 volumes : « Pug l’Apprenti » & « Milamber le Mage »)
« Silverthorn » (T2)
« Ténèbres sur Sethanon » (T3)
Découvrez aussi l’adaptation en comics de « Magicien »
Et pour découvrir l’avenir de Krondor :
La Guerre des Serpents :
« L’Ombre d’une Reine Noire » (T1)
« Fragments d’une Couronne Brisée » (T4)
