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Aspic, Détectives de l’étrange (T1) La Naine aux ectoplasmes
T. Gloris & J. Lamontagne
Soleil Prod

Paris, fin du XIXe siècle. Une étrange disparition soulève la ville : Kathy Wuthering, célèbre extralucide, a été assassinée dans son appartement. Le corps reste introuvable. A la place, les enquêteurs retrouvent ses globes oculaires dans un verre… En toute logique, Auguste Dupin, enquêteur phénoménologue, reprend l’enquête.
Aspic nous propose ici un scénario léché, mis en valeur par un graphisme de haut vol.



L’un des points forts de cette BD est incontestablement le graphisme.
Après la lecture de l’ouvrage, on se plait à ré-ouvrir la BD et à contempler, au hasard, les dessins de Jacques Lamontagne, tant son talent et ses travaux de recherche préliminaire sont indéniables.
Le Paris de Lamontagne est vivant !
Chaque case fourmille de détails. On croise par exemple, en arrière plan, des gamins jouant aux billes dans le caniveau, des affiches de cabaret, une succession d’échoppes et de vitrines, un chien se soulageant contre un mur, un dodo empaillé… Un régal pour les yeux !
Il faut dire que les décors choisis pour cette aventure se prêtent parfaitement aux démonstrations graphiques.
L’histoire se passe, en effet, à Paris, à la fin du XIXe siècle, et les personnages devront traverser des lieux tels que le chantier du métropolitain, le marché parisien, ses belles avenues et ses rues sordides, ses égouts, ses grands parcs, le quartier des teinturiers, un cimetière, une salle d’autopsie, un cabinet des curiosités, les coulisses d’un théâtre…

Parlons de l’histoire justement.
Une des plus célèbres voyantes de Paris a disparu. Dans son appartement, au milieu des poupées de porcelaine brisées, le talentueux Auguste Dupin retrouve les globes oculaires sanguinolents de la victime. On est loin du simple cambriolage.
Pour mener à bien ses investigations, cet enquêteur à l’habitude d’être assisté de Georges Nimber, son Docteur Watson à lui en quelque sorte.
Oui mais voilà, un sénateur oblige Dupin à prendre sa fille en stage pour, espère-t-il, la dégouter à jamais des enquêtes criminelles, environnement dans lequel elle souhaite faire carrière. Cette fille s’appelle Flora Vernet.
Fraichement major de Polytechnique, et seule fille de la promotion, Flora dispose pourtant de toutes les qualités nécessaires à cette profession : intelligence, pugnacité, audace et vivacité d’esprit. La tâche de l’enquêteur s’annonce difficile…
Selon Dupin, « les femmes sont capables d’exercer cette profession. L’intelligence n’a pas de genre. Mais leur seul souci, c’est qu’elles ne parviennent pas à s’affranchir de la futilité pour s’en servir ». Tout est dit. Dans cette époque réservée aux hommes, la cohabitation entre Auguste Dupin et Flora Vernet risque d’être difficile.
C’est donc tout logiquement que Flora est obligée de rester à l’agence de Dupin pendant que celui-ci part avec Nimber à la recherche d’indices susceptibles d’élucider la disparition de la voyante. Mais à peine sont-ils partis qu’un nouveau client se présente à l’agence. La veille, le jeune Hugo Beyle, en sortant de son habituelle maison close, a été agressé et volé. Il souhaite retrouver l’un des objets volés. Flora profite alors de l’occasion, se fait passer pour l’associée de Dupin et part à son tour mener l’enquête.
Et si ces 2 enquêtes étaient liées ?

Le scénario de Thierry Gloris est bien documenté et parfaitement construit. _ On plonge avec grand plaisir dans ce récit mêlant habilement faits historiques, enquêtes, humours et univers paranormal.
Preuve de la recherche historique des auteurs, on trouve dans cet album des références à Gaboriot, le futur directeur du journal “L’Ère Nouvelle”, à la création de la première ligne de métro pour l’exposition universelle, et à l’âge d’or des allumeurs de réverbères. Pour information, Thierry Gloris possède un DEA en Histoire.
Pour autant, ne croyez pas que le Paris décrit dans ce livre ressemble à une carte postale. La ville est sale et souvent sombre. Ses habitants ne sont pas non plus complètement lisses. Sous le crayon de Lamontagne, les personnages ont une fâcheuse tendance à faire des grimaces, à être décoiffés, et à avoir les doigts crochus. Ces traits sont subtils, mais ils participent grandement à l’ambiance générale du récit.
Dernier détail sympathique, Auguste Dupin est également un personnage créé par Edgar Allan Poe, dont Gloris est fan. Le Dupin de Poe est un enquêteur privé dont les facultés d’observation et d’analyse lui permettent de venir à bout de redoutables énigmes judiciaires. Le clin d’œil est évident…
On retrouve d’ailleurs de nombreuses allusions à la littérature préférée de Gloris, comme, par exemple, celle du Javert de Zola ou celle d’Emily Brontë, l’auteur du roman “Les Hauts de Hurlevent”.

Les BD dont le thème principal est l’investigation criminelle sont légions. Certaines, comme “Blacksad”, sont devenues incontournables.
Celle-ci, grâce à l’utilisation du fantastique (fantômes, spectres, pierre philosophale…) renouvelle un peu le genre. Thierry Gloris s’était déjà essayé à ce style qu’il apprécie particulièrement dans sa précédente série : “Codex Angélique”. On retrouve ainsi le même plaisir qu’à la lecture du “Sang du Dragon”, qui mêle à la fois le monde de la piraterie et celui de la mythologie celte.
Par ailleurs, l’humour général de l’album lui évite de sombrer dans la caricature paranormale. Les auteurs n’ont visiblement pas voulu nous resservir du “X-Files” à la sauce 1900. Ainsi, dès le début de ce premier tome, on se retrouve face à un fantôme de Nostradamus qui tient ces propos : « Vous savez pertinemment que la convention collective des médiums morts m’interdit d’en dire trop… cela ferait baisser le nombre d’invocations et mettrait au chômage infernal mes confrères moins renommés. » Du pur caviar.

Vous l’aurez compris, “Aspic, détectives de l’étrange” nous offre un récit original, bien ficelé, et parfaitement mis en valeurs par les dessins de Lamontagne.
Les clins d’œil sont nombreux mais ils ne polluent pas le récit.
Ne soyez cependant pas surpris, après sa lecture, vous fermerez cet album avec d’avantage de questions que de réponses. Mais cette série est prévue pour se lire par diptyque. Par conséquent, dès le tome 2, nous devrions avoir les réponses attendues. Ce deuxième album est en cours de préparation. Vivement qu’il arrive !
Si le succès est au rendez-vous, ce qui semble déjà être le cas, les auteurs s’attaqueront à de nouveaux diptyques mettant en scènes les personnages d’Auguste Dupin et Flora Vernet.
Pour les plus curieux d’entre-vous, je vous invite à consulter ce site. Vous y trouverez les travaux d’une illustratrice québécoise qui a travaillé sur les planches d’“Aspi »” avant que Lamontagne ne soit retenu par l’éditeur. La comparaison est intéressante.


(T1) La Naine aux Ectoplasmes
- Série : Aspic - Détectives de l’étrange
- Scénario : Thierry Gloris
- Dessin : Jacques Lamontagne
- Couleurs : Jacques Lamontagne
- Editeur : Soleil Prod
- Collection : Quadrants
- Dépôt légal : mars 2010
- Format : 240 x 320 mm
- Pagination : 48 pages
- ISBN : 978-2-30200-947-9
- Prix Public TTC France : 14.30 €


Illustrations © Jacques Lamontagne et Soleil Prod (2010)



Allison & Julien
14 juin 2010




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