Le succès de la série Blacksad tient beaucoup dans cette alchimie trés réussie imposée par Juanjo Guarnido, depuis la mise en valeur du récit de Juan Diaz Canales par un découpage proche d’une action cinématographique, jusqu’à l’achèvement des planches colorisées.
Il y déploie toute l’assurance d’un dessin souple et racé que vient renforcer une qualité fort subtile de mise en couleur. Et ce dernier talent est une des très grandes forces de son travail, mis en place au travers de roughs, d’esquisses que l’auteur appelle ses « maquettes couleur ».
Ces « croquis petits comme des tickets de cinéma ou énormes comme des cartes postales... » servent au dessinateur à « rechercher la palette et l’éclairage » qui rendront ses cases presque parfaites lors de la réalisation des planches de l’album. Un travail qu’il juge « indispensable sous peine de débâcle chromatique garantie »...
Dans L’histoire des aquarelles, Christian Desbois et François Le Bescond (Dargaud) ont proposé à Guarnido d’exposer ses secrets de fabrication dans un livre où il se montre comme « le chef opérateur de son propore film ».
Comme il n’aime pas « sauter » l’étape de la maquette couleur (cela lui procure un sentiment d’insécurité), il produit beaucoup de croquis dont il reconnaît même que certains sont « parfois meilleurs que les cases publiées... au niveau de la couleur, de la fraîcheur d’application de l’aquarelle, de la vibration des transparences, de la lumière... ».
On lit alors (mais on a l’impression de l’écouter nous raconter !) pour découvrir ses astuces, ses principes de fond (l’usage des couleurs froides et chaudes), ses règles d’or, ses anecdotes sur des trouvailles inattendues (parfois inespérées !). Il regrette parfois de ne pas avoir osé saturer davantage les couleurs, énumère les palettes qui se succèdent selon les lieux, les ambiances... Du rouge pour évoquer la violence, la colère, le bain de sang, le sépia pour les « flash-backs », du violet pour les rues en nocturne ou les boîtes de nuit, un gris bleuté et du marron en sortie dans New-York, des couleurs d’espérance comme dans cette scène finale d’Artic Nation où Kyle joue dans la neige avec un autre enfant, l’une vêtue d’un manteau rouge, l’autre de vert... les couleurs de Noël !
Ses difficultés, ses cases préférées, ses scènes redoutées (les ambiances nocturnes de rue) sont dévoilées sur 80 pages qui révèlent les études produites pour les trois albums publiés.
Le voyage est absolument passionnant et Guarnido y démontre également une belle qualité de conteur comme lorsqu’il nous avoue (en forme de pied-de-nez à ceux qui se sont investis sur ce livre) beaucoup aimer le titre L’histoire des aquarelles même si l’image de couverture est une... gouache !
Un voyage à prolonger en découvrant les articles consacrés à Blacksad sur la Yozone :
Blacksad, un chat privé d’amour !.
Blacksad, Âme rouge, la splendide rencontre de Stéphane Pons avec le privé.
L’histoire des aquarelles
Série : Blacksad
Dessin et couleurs : Juanjo Guarnido
Scénariste : Juan Diaz Canales
Editeur : Dargaud et Christian Desbois
Dépôt légal : novembre 2005
Album : quadri, couverture cartonnée
Pagination : 80 pages couleur
- Prix public : 19 €
Les images sont © Dargaud et les auteurs - 2005