J’arrive bien après la bataille, et l’avalanche de prix qui s’est abattue sur ce roman et le cycle, y compris pour le magnifique panorama de ses couvertures signées Elena Vieillard.
Pour situer les retardataires, « La Tour de Garde » ce sont 2 cycles, « Capitale du Nord » et « Capitale du Sud », écrits l’un par Claire Duvivier et l’autre par Guillaume Chamandjian, qui s’entremêlent et se font écho. Sortis alternativement, ils peuvent être lus un cycle après l’autre (ai-je lu et m’a-t-on dit). Je vais m’en tenir à l’ordre de parution.
Et ne pas trop en dire, car la découverte, le lent crescendo jusqu’au climax final est essentiel.
Claire Duvivier choisit la narration interne, la confie à Amalia. C’est à la jeune fille que revient la lourde charge de dire comment ils ont été élevés, et de taire certaines choses, comme cette rupture survenue lors de leurs vacances sur une petite île dans la baie. A la façon qu’elle a d’en faire leur entrée dans l’âge adulte, on devine que la sexualité s’est invitée dans leur amitié d’enfance, et c’est le premier coup de canif dans leur bonheur.
L’historie commence par un voyage jusqu’à la foire en dehors de la ville, l’occasion pour nos deux cartésiens de s’immerger dans d’autres cultures. C’est là qu’Hirion achètera les composants de son artefact étrange, qui les guidera des semaines durant dans l’exploration d’une autre Dehaven, une version au-delà du miroir parfois très très troublante. Est-ce l’avenir de la cité ? Le contexte politique, avec les velléités d’indépendance très violentes des îles et colonies d’outre-mer, laisse envisager la chute de la Perle du Nord. Ou bien est-ce le passé ? Leurs explorations et leurs questionnements nous conduisent tous à la frontière du fantastique de façon délicieusement terrifiante.
Pour Amalia, le pire est l’obsession d’Hirion pour ce mystère, qui est la partie visible de l’iceberg : on assiste, en fait, au délitement de leur trio. Yanos n’est pas de leur monde, et c’est lui le plus lucide sur ce que leur réserve l’âge adulte et leurs responsabilités respectives.
Si le lien avec la Tour de Garde est encore très ténu, le titre est bien explicité : par leur éducation si pragmatique, leurs parents ont voulu faire d’Amalia et Hirion la relève, l’élite de la nouvelle génération apte à s’opposer aux dirigeants sanguins, guidés par leurs émotions, et dont le va-t-en-guerre de frère d’Amalia est la triste continuité. Mais c’est Yanos la véritable réussite de se projet, comme le souligne Amalia : un gamin du peuple immergé dans un autre cercle social, qui bénéficie des codes et des savoirs des deux mondes où il a pied.
Pour son second roman (après « Un long voyage » que je vais m’empresser d’ajouter à mes étagères), Claire Duvivier atteint la perfection : l’intrication des trames, des enjeux, la richesse de la langue, la profondeur des personnages, l’usage fin des limites de la narration interne, tout est là pour produire une histoire dense et haletante. La tension politique, fantastique, dramatique monte cran après cran, chaque occasion de souffler d’un côté sera la perspective que les choses empireront d’un autre. La fin proprement cataclysmique, presque imprévisible, est l’acmé de la voie fantastique et le contrecoup de toute leur éducation, elle nous laisse sous le choc, frissonnant de terreur autant que du plaisir d’une telle lecture. Et dire que ce n’est que le début...
Titre : Citadins de demain
Série : La Tour de Garde : Capitale du Nord, tome 1/3
Autrice : Claire Duvivier
Couverture : Elena Vieillard
Grand Format :
Éditeur : Aux Forges de Vulcain
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 380
Format (en cm) : 20 x 13 x 2
Dépôt légal : octobre 2021
ISBN : 9782373057478
Prix : 20 € Poche
Éditeur : Le Livre de Poche (édition originale : Aux Forges de Vulcain, 2021)
Collection : Imaginaire
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 36863
Pages : 380
Format (en cm) : 18 x 11 x 2
Dépôt légal : mars 2023
ISBN : 9782253106869
Prix : 8,90 €